Le confinement a indéniablement des effets positifs sur l’environnement en général. Mais pas que…
C’est sûr, on respire mieux ! » Anne Lassman-Trappier, présidente de France Nature Environnement (FNE) Haute-Savoie, fait, un peu comme tout le monde, des constats simples mais évidents : un ciel sans les traînées des avions, la couche de pollution dans les fonds de vallée qui s’atténue considérablement…
« D’après le bilan provisoire de la qualité de l’air dans la région, dressé par ATMO Auvergne Rhône-Alpes après deux semaines de confinement, les émissions du trafic ont baissé de 50 %, celles de l’industrie de 22 %. Près des axes routiers, la diminution des concentrations de NO2 (dioxyde d’azote) atteint – 80 % certains jours et – 70 % en ville », se félicite-t-elle.
L’Institut national de l’environnement industriel et des risques (Ineris) vient, quant à lui, de mettre au point un outil accessible à tous, permettant de visualiser quotidiennement les effets du confinement sur la qualité de l’air. Il permet aussi de comparer la situation antérieure avec celle d’aujourd’hui. Il se base sur une baisse de 70 % du trafic routier lié aux déplacements particuliers, de 20 % du trafic routier à vocation commerciale, de 30 % des activités industrielles, de 90 % pour l’aviation et le trafic non routier (ferroviaire, fluvial etc..) et sur une hausse de 20 %du chauffage résidentiel. Les résultats pointent une baisse très significative concernant la pollution routière (NO2), mais bien moindre concernant les particules (PM10 et PM2,5). Dans les Savoie, la carte montre des axes routiers quasiment « nettoyés » de dioxyde d’azote. Les particules restent en revanche très présentes, notamment dans les agglomérations. « Cela s’explique par le chauffage, par les épandages agricoles et par les activités industrielles qui tournent encore », commente Anne Lassman-Trappier.
« Bulles de quiétude »
Le confinement a indéniablement agi également sur les pollutions sonores. On entend à nouveau le chant des oiseaux, y compris en ville. La faune retrouve d’ailleurs davantage de sérénité. « Je suis comme tout le monde, confiné chez moi, et ne peux donc pas observer grand-chose », explique Richard Cousin, chargé de mission milieux naturels au parc naturel régional du Massif des Bauges. « Mais je suis certain que le confinement agit favorablement, notamment pour les rapaces dont les nids sont en cours. C’est une période très sensible pour eux. » Si, habituellement, des « bulles de quiétude » de 250 mètres sont instaurées, elles sont plus ou moins respectées par les pratiquants sportifs (escalade, parapente). « Là, on est sûrs que les rapaces ne sont pas dérangés. » Idem pour les tétras-lyres dont les parades amoureuses ont commencé. Sans parler du calme retrouvé des mammifères de tout poil.
« Invasion d’algues »
Quid de l’eau ? Dans ce domaine, les effets du confinement sont plus contrastés. « Les déchetteries étant fermées, indique Anne-Lassman Trappier, on observe de plus en plus de décharges sauvages, notamment le long des cours d’eau. » En outre, la sécheresse a des effets délétères. Dans le Chéran par exemple, un fort développement d’algues a été constaté. « Des algues brunes sont apparues de l’amont à l’aval », indique Pascal Grillet, adjoint technique au syndicat mixte interdépartemental d’aménagement du Chéran (SMIAC). « Il y a sans doute plusieurs raisons : le niveau de la rivière est extrêmement bas pour la saison et pourrait mériter un niveau d’alerte renforcée. Le Chéran n’est déjà quasiment plus alimenté par la fonte des neiges et il n’a pas plu depuis un mois. S’ajoute à cet étiage une mise en charge forte de la dizaine de stations d’épuration, peut-être à cause du confinement. Le débit du ruisseau est trop bas pour parvenir à tout épurer et c’est ce qui engendre cette invasion d’algues. » Les épandages agricoles ne devraient pas, selon lui, avoir participé à ce développement algal car, en l’absence de pluie, le lessivage des sols a été plus que restreint.
Des animaux moins farouches
Avec la quasi désertion des humains de leur territoire, les animaux sauvages reprennent du poil de la bête. Ainsi, l’antenne savoyarde de l’Office français de la biodiversité (OFB, ex-ONC) a-t-elle pu constater, la semaine dernière, des comportements inhabituels. « Lors d’une mission de nuit menée en Tarentaise pour des soupçons de braconnage, nous avons pu constater la présence d’une faune très abondante, à proximité des routes notamment », explique Arnaud Chartrain, chef de service départemental de l’OFB. « Des chevreuils dormaient même sur l’accotement et se sont levés quand nous étions à une dizaine de mètres d’eux ! »
Attirés par l’herbe riche des prés et encouragés par le calme ambiant, cerfs, chevreuils, chamois et sangliers osent s’aventurer en dehors de leurs zones habituelles. « Ce printemps sera favorable à la faune sauvage », conclut le spécialiste. « Espérons juste qu’ils retrouveront vite leur méfiance au moment du déconfinement, quand la circulation routière reprendra un rythme normal. »
France Nature Environnement 74 plaide pour un changement de modèle
Préparant la sortie de crise, France Nature Environnement 74 travaille à l’élaboration de propositions qu’elle soumettra aux citoyens et aux élus du département pour « un monde plus respectueux de la nature et de l’humain ». La relocalisation de l’alimentation sera l’une de ses priorités. « Il faut que nous puissions produire plus d’aliments localement, notamment des fruits et légumes, et pas de façon industrielle », détaille Anne Lassman-Trappier, la présidente. « Cette crise nous prouve que c’est une nécessité absolue. »
L’urbanisation galopante du département sera un autre de ses chevaux de bataille : « On continue d’urbaniser ou l’on se dit qu’on préserve le peu d’espace restant pour s’alimenter mieux ? », interroge-t-elle. Une urbanisation qui entraîne aussi la production massive de remblais « dont on ne sait plus quoi faire ». Souvent déversés sur des terrains privés moyennant finance pour leurs propriétaires, ils transforment des terres riches en biodiversité en espaces stériles pour longtemps.
La mobilité et la question des transports en commun est un autre point sur lequel elle espère avancer. « On est très dépendants de la voiture dans le département, il faut développer les transports collectifs et les voies cyclables. »
Enfin, FNE milite pour une société plus juste, les « inégalités sociales étant inacceptables et néfastes pour l’environnement ». Ce sont, en effet, les classes socioprofessionnelles les moins favorisées et les plus favorisées qui polluent le plus.
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