
« Question de bon sens » ou « du grand n’importe quoi » … Tout dépend de quel côté on se range, celui du salarié ou de l’employeur. Et encore. Alors que le sujet du droit à congés payés des salariés en arrêt maladie – soit, rappelons-le, 2,5 jours ouvrables acquis par mois (cinq semaines par an) – fait débat, le patronat s’enflamme à sa seule évocation.
Vent debout, la CGPME, Confédération générale des petites et moyennes entreprises, s’insurge : « Obtenir des congés payés sans même travailler, c’est du grand n’importe quoi ! » De quoi, en tout cas, attiser le courroux de son secrétaire général, Jean-Eudes du Mesnil, qui déclare dans une interview à l’AFP : « C’est une décision choquante pour les chefs d’entreprise. Beaucoup sont extrêmement remontés. »
Mais voilà, la Cour de cassation a tranché le 13 septembre : le Code du travail français doit se mettre au diapason et être en conformité avec la directive de l’Union européenne datant de 2003. Cette dernière oblige les États membres à prendre les mesures nécessaires pour garantir aux salariés, qu’ils soient en arrêt maladie ou non, un congé annuel payé d’au moins quatre semaines.
Or, jusqu’à maintenant, en France, un salarié en arrêt de travail pour motif non professionnel ne pouvait acquérir de congés payés (sauf accord de branche ou d’entreprise). « Les salariés malades ou accidentés auront droit à des congés payés sur leur période d’absence, même si cette absence n’est pas liée à un accident de travail ou à une maladie professionnelle », a pourtant confirmé la juridiction la plus élevée du pays, donnant ainsi raison aux syndicats. Lesquels se félicitent de cette décision, évoquant un juste retour des choses. Pour la CFDT : « Les salariés ne doivent pas être pénalisés par des arrêts maladie indépendants de leur volonté. »
Qui plus est, cette décision s’applique à tous, de manière directe et immédiate, avec un effet rétroactif sur trois ans. Ce qui n’est pas sans inquiéter le patronat… Patrick Martin, président du Medef, estime cet impact « à plus de deux milliards d’euros par an pour le secteur privé ».
Déterminée, la CGPME a lancé, le 30 octobre, une pétition dans laquelle elle demande au gouvernement d’agir contre cette mesure. Elle aurait recueilli près de 25 000 signatures de chefs d’entreprise. Déjà des salariés, s’estimant lésés, font valoir leur droit devant les tribunaux et obtiennent gain de cause, car les répercussions sont telles que le patronat aurait décidé de ne pas appliquer la rétroactivité, espérant une modification législative qui la limiterait. De pareils verdicts pourraient donc se multiplier.
Dès à présent, le patronat réclame une clarification juridique : quid, notamment, du délai de prescription qui s’applique aux salariés ? Des zones d’ombre persistent. Reste donc à l’exécutif à transposer et à préciser dans la loi cette nouvelle règle… Il semblerait qu’il réfléchisse à un moyen de limiter l’impact financier pour les entreprises.
« Des travaux sont en cours et les services de l’État analysent la portée de la décision de la Cour de cassation », avait affirmé le ministre du Travail, fin octobre. Il faudra donc attendre février 2024, que le Conseil constitutionnel rende sa décision. Sauf s’il est en arrêt maladie… et en congés après.
Par Patricia Rey
Crédit photo : Amy Hirschi sur Unsplash
0 commentaires