Le mouvement écologiste international Extinction Rebellion (XR) multiplie aussi les actions en Savoie Mont Blanc, s’attirant les foudres des pouvoirs publics.
Ingrid de Maerschalck, Belge qui vit à Annecy, membre du mouvement Extinction Rebellion (XR) qui a bloqué pacifiquement un chantier du Grand Paris sur le plateau de Saclay, a reçu l’obligation de quitter le territoire… L’avocat de la militante, qui a déposé un recours, est confiant.
Lors de l’audience du 5 mars au tribunal administratif de Grenoble, la préfecture n’a envoyé personne pour défendre son point de vue. La procédure ressemble surtout à un “coup de pression” des pouvoirs publics, certainement dû au fait que le mouvement, qui a été lancé au Royaume-Uni en 2018 avec le soutien d’universitaires et a essaimé dans plus de 80 pays, monte en puissance.
« S’ILS NOUS LAISSENT FAIRE, ILS LÉGITIMENT NOTRE ACTION, S’ILS INTERVIENNENT IL Y A FORCÉMENT UNE PORTÉE MÉDIATIQUE. »
Laëtitia, militante annécienne
Désobéissance civile plus suivie
Ses quatre grandes revendications sont assez générales – demande de vérité, neutralité carbone, fin de l’écocide et mise en place d’une assemblée citoyenne – mais ses actions toujours plus ciblées et étendues sur le territoire. Occuper la place du Châtelet à Paris durant une semaine en 2019, bloquer la circulation, s’attacher à des bâtiments publics ne sont pas ses seuls faits d’arme.
À l’échelle des deux Savoie, 70 militants ont organisé un « enterrement du vivant » symbolique en portant un cercueil, protestant contre le projet de retenue collinaire à La Féclaz, dans le massif des Bauges, en juin 2020. L’année précédente, ils étaient montés sur la grue du chantier du parking Ravet à Chambéry.
« En Haute-Savoie, nous nous sommes illustrés en bloquant le chantier du Chinaillon, au Grand Bornand, en 2019, prévoyant infrastructures et aplanissement de la montagne », précise Laëtitia, militante d’Annecy qui cite aussi le blocage d’une entrée du centre commercial Courier ou l’arbre planté symboliquement sur le chantier d’Amazon, à Seynod, en février 2020.
Chaque action est préparée à l’avance et nécessite de nombreux postes (bloqueur, contact police, médiateur public…). Surtout, le principe de non-violence plonge les adversaires dans le dilemme : « S’ils nous laissent faire, ils légitiment notre action ; s’ils interviennent il y a forcément une portée médiatique », explique Laëtitia, qui note un durcissement des réponses.
Si le journaliste Gérard Fumex (voir ci-dessous) est cité à comparaître devant le tribunal de police d’Annecy pour avoir couvert une intrusion de XR sur l’aéroport d’Annecy dénonçant l’artificialisation de terres agricoles, c’est parce que le ministère public l’a assimilé à un manifestant. C’est aussi parce que les rapports se tendent avec ceux qui étaient, au départ, de jeunes actifs de 25-35 ans et qui sont désormais de tous âges et de catégories socioprofessionnelles diverses.
Surréaction et intimidation
« Les relations avec les forces de l’ordre sont moins courtoises. Nous sommes évacués plus brutalement et des draps sont tendus autour des personnes attachées pour ne pas laisser filmer les interventions », observe Ilona Dussauge, membre à Annecy. Leur désobéissance civile bouge les normes dans l’espace public.
« Nous sommes allés plus loin que les marches, pétitions… et rendons acceptables par l’opinion publique des actions qui étaient désapprouvées autrefois. En parallèle, la répression musclée est aussi plus admise », nuance Ingrid de Maerschalck. À Chambéry, XR a été accusée d’avoir collé des affiches appelant au boycott des commerçants soutenant le projet de parking Ravet. Ce que le mouvement a nié. Un néomilitantisme qui s’accompagne aussi d’une vraie guerre de communication.
Poursuites sélectives envers le journaliste Gérard Fumex
Le journaliste Gérard Fumex, du média indépendant Librinfo74.fr, a en effet été convoqué à la barre du tribunal mardi 23 mars. Le ministère public a requis 200 euros d’amende à son encontre (délibéré au 27 avril). Il est reproché à notre confrère d’avoir pénétré sur le terrain de l’aéroport d’Annecy pour suivre une manifestation d’Extinction Rebellion en septembre 2020.
Étonnamment, seul un manifestant (sur la petite quinzaine interpellée ce jour-là) et un seul journaliste étaient convoqués ce 22 mars. « Je viens de recevoir ma convocation : ce sera le 27 avril (NDLR : donc le jour du délibéré Fumex…) », soupire, dubitatif, Mathieu Hutin, de la radio H2O, qui avait lui aussi pénétré sur l’aéroport pour couvrir la manifestation. « On essaie de nous expliquer comment on doit faire notre métier de journaliste. Mais est-ce vraiment le rôle du ministère public ou de la police ? », s’énervent, quasi avec les mêmes mots, nos deux confrères.
L’enjeu semble bien là : sans manifestation, les deux journalistes n’auraient évidemment pas pénétré sur le terrain d’aviation et les motifs mis en avant pour leur poursuite (lieu interdit au public et interruption du trafic aérien, notamment) rappellent furieusement l’affaire Mickaël Chambru. Ce journaliste chambérien avait été poursuivi en 2011 pour avoir suivi une manifestation de cheminots qui s’était en partie déroulée sur les voies ferrées. La justice avait alors sèchement renvoyé le ministère public dans ses cordes, défendant la liberté d’informer.
Pour aller plus loin : https://extinctionrebellion.fr/branches/annecy/
Par Julien Tarby et Eric Renevier
Curieux cet article faisant la promotion d’actions illégales, appelées sobrement « Désobéissance civile ». La newsletter oblige même à cliquer sur un « Je soutiens » pour lire l’article !
Je ne savais pas que le groupe ECOMEDIA était devenu un journal militant…