Acheter des bouteilles en guise d’épargne rémunératrice, c’est tendance, mais diversement apprécié.

Avec la crise, ceux qui ont du patrimoine tendent à se tourner vers des actifs tangibles : l’immobilier, l’or et l’argent, les terres agricoles, les forêts ou encore, pourquoi pas, les bouteilles de vin. C’est la grande mode depuis deux ou trois ans et les plateformes internet se multiplient : Patriwine, Cavissima, Vindepargne… Elles proposent en général d’acheter du vin en ligne, de le stocker et, parfois, de le revendre. Le but de l’opération, bien entendu, étant de réaliser au passage une belle plus-value, de l’ordre de 5 à 10 % par an, certains sites annonçant même 15 %. Vous n’y connaissez rien ? Des formules entièrement pilotées existent. De l’achat à la revente, la plateforme s’occupe de tout. Et l’opération serait d’autant plus intéressante que la plus-value d’une cession inférieure à 5 000 euros n’est pas taxée. Au-delà, le gain est imposable à hauteur de 34,5 %. Mais, un système d’abattement de 10 % par an permet de profiter d’une exonération à partir de 12 années de détention.

L’offre est alléchante. Elle fait cependant grincer les dents des professionnels du vin. «Sur trois ou quatre ans, les grands crus de Bordeaux ont doublé, voire triplé leurs prix. De 200 à 300 euros à l’époque, on est passé à 800 ou 1 000 euros aujourd’hui. Cela nous met hors-jeu et détourne du vin, des gens qui ont fait l’effort d’apprendre à le connaître et à l’aimer», regrette Robert Gallet, patron de la Cave du Grumeur à Bourg-en-Bresse. Agent commercial en vin, Gilles Hascouet partage ce sentiment. Lui ne voit dans ce système rien d’autre qu’une bulle spéculative. «Une cinquantaine de vins seulement sont concernés. Il s’agit de grandes maisons qui peuvent refuser la vente par manque de produit. Beaucoup d’entre elles sont détenues par des organismes financiers, explique-t-il. Le bordelais représente 90 % de l’offre, le reste se partageant entre la Bourgogne et le reste du monde. La spéculation ne se fait par ailleurs que sur des vins extrêmement bien notés par Parker, le guide américain. Les prix n’ont plus rien à voir avec le produit, mais avec le marché mondial du grand luxe. Ils sont tirés par la Chine. Et quand les Chinois se lasseront, cette bulle explosera. Cet investissement n’est pas moins risqué qu’un autre. Ceux qui veulent se lancer sans connaître le vin ont intérêt à être très attentifs.»

Peut-être vaut-il mieux avoir son vin chez soi ? Pour cela, il faut disposer d’une armoire ou d’une bonne cave. «Sa température doit être maîtrisée, comprise entre 8 et 14°C. Trop froide, elle bloquera l’évolution du vin, trop chaude, elle risque de le faire dégénérer. Quant à l’hygrométrie, elle doit être comprise entre 50 et 70 %», conseille Robert Gallet. Ainsi, si vos bouteilles n’offrent pas la plus-value attendue, vous pourrez toujours les boire. C’est bien leur vocation de départ, non ?