La traite à l’hydrogène en alpage, c’est possible. Une expérimentation menée par la Société d’économie alpestre de Savoie et EDF l’a prouvé.
Les vaches seraient-elles au rendez-vous de la traite sans le ronronnement du moteur diesel ? C’était l’une des questions que se posaient les partenaires de l’expérimentation de groupe électrogène à hydrogène utilisé l’été dernier pour alimenter la machine à traire mobile du Gaec de l’Arpire, dans le Beaufortain. Sans bruit, sans odeurs, sans pollution, le prototype n’a finalement eu de mal à séduire ni les animaux, ni leurs propriétaires, André, Valentin et Robyn Blanc-Gonnet.
Mise au point dans le cadre d’un partenariat entre la Société d’économie alpestre de Savoie (SEA 73), EDF et d’autres partenaires du projet concerté de territoire « Roselend », la machine, testée grandeur nature en 2021, est le fruit d’une démarche initiée un an plus tôt. Jérôme Auguste, ingénieur CIH-EDF (centre d’ingénierie hydraulique), prenait alors le taureau par les cornes en essayant, dans un premier temps, de comprendre le fonctionnement d’une machine à traire et surtout, ses besoins en électricité. Pour ce faire, plusieurs campagnes de mesures étaient effectuées en 2020 chez des éleveurs.
70 éleveurs des 4 communes du Beaufortain utilisent un groupe électrogène au diesel. Il faut 8 litres de gazole pour traire deux fois 60 vaches.
« Puis nous avons commencé à concevoir le groupe à hydrogène », expliquait-il mardi dernier à l’occasion de l’assemblée générale de la SEA 73. « Il fallait qu’il reste simple et ressemble à son homologue au gasoil, précise Sébastien Mailland-Rosset, coordinateur de la SEA 73. Qu’il puisse aussi se transporter facilement. » Testé fin 2020, le premier prototype permettait d’affiner le projet : six panneaux solaires seraient finalement ajoutés sur le second.
A l’estive 2021, le deuxième prototype emmontagnait avec les 60 vaches du Gaec de l’Arpire. Composé d’une pile à combustible à hydrogène, d’une batterie, de trois onduleurs, d’un automate de contrôle et de six panneaux solaires, le démonstrateur a réalisé 70 traites et évité le rejet de 800 kg de gaz carbonique. « Deux traites pour 60 vaches représentent 8 litres de gasoil ou 4 bouteilles d’hydrogène sans l’apport du solaire, ou deux bouteilles avec le solaire », récapitulait l’ingénieur.
La traite du matin se faisait à l’hydrogène et celle du soir grâce à l’apport des panneaux solaires. Mais à 90 euros la bouteille de gaz d’hydrogène, la technologie s’avère encore trop chère. « Pour que ça soit rentable, il faudrait produire de l’hydrogène décarboné avec l’eau présente sur place », résumait-il. « On est en avance sur notre temps, poursuivait Sébastien Mailland-Rosset. On arrive à un goulot d’étranglement car il n’existe pas, à l’heure actuelle, de distributeur d’hydrogène décarboné sur le territoire. » La balle est désormais dans le camp des pouvoirs publics, l’expérience ayant prouvé son efficacité énergétique et environnementale.
Quid de la saison d’alpage 2022 ? Pas question de retourner au 100 % gasoil ! Cette fois, la SEA 73 et EDF se concentrent sur le solaire. « Nous ajoutons deux panneaux de plus, soit huit au total, pour voir jusqu’où nous pouvons aller avec cette technologie », détaille le coordinateur. L’idée est de maximiser l’usage de l’électricité « solaire » pour limiter celle générée par l’hydrogène ou le diesel. « Les premiers résultats sont prometteurs : on arrive à traire un troupeau de 80 vaches deux fois par jour avec les huit panneaux. » Pour peu que le soleil joue le jeu. Si le test est concluant, la SEA 73 apportera son conseil aux alpagistes désireux de s’équiper.
Pour aller plus loin sur l’hydrogène :
https://reporterre.net/L-hydrogene-trop-gourmand-en-energie-pour-etre-ecologique
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