Travailleur frontalier : un statut plus que jamais plébiscité

par | 14 octobre 2022

Temps de trajet, fatigue et budget induits ; gain financier à pondérer ; manque de considération de la part des autochtones ; licenciement “facile”… Aux dires de certains, être un travailleur frontalier sur les rives suisses du lac Léman ne serait pas une aussi bonne opération qu’il y paraît. Pourtant, les chiffres laissent peu de doute sur une réalité quelque peu… inverse.

Juin 2022, un mois après que l’Insee a publié son étude Travailleurs frontaliers : six profils de “navetteurs” vers la Suisse, plusieurs caisses régionales du Crédit agricole et le Groupement transfrontalier européen (GTE) ont présenté à Annecy le 3e Observatoire des frontaliers. Selon l’établissement bancaire, cette enquête menée par Ipsos auprès de mille frontaliers est « la seule étude officielle publiée sur le territoire frontalier ».

Parmi ses enseignements : des données chiffrées, comme le poids des frontaliers dans l’économie suisse (20 % du PIB contre 16 % en 2016) et le nombre de citoyens concernés (365 437 début 2024) et le “portrait type” du frontalier. Un homme d’au moins 40 ans, marié avec un enfant, plutôt issu d’une CSP+ et propriétaire de son logement, acquis grâce à un prêt bancaire contracté en francs suisses auprès d’une banque française. Salarié à Genève, il bénéficie d’un CDI du secteur privé. L’étude révèle par ailleurs que deux frontaliers sur trois travaillent depuis plus de dix ans en Suisse et que les salaires relevés sont compris entre 35 000 et 150 000 francs par an.

Les raisons de son choix ? « Financières, répond-il sans détour. J’ai multiplié mon salaire (environ 1 300 euros, ndlr) par un peu plus de deux, pour quatre jours par semaine. » Une vraie bouffée d’oxygène.

« J’ai des projets pour l’avenir, je suis plus serein »

Le directeur général adjoint du Crédit agricole des Savoie, Olivier Balima, ajoute que cette population « a triplé au cours des vingt dernières années et [qu’]elle va encore doubler sur les dix à venir ». Preuve s’il en fallait que le statut de frontalier attire encore.

Depuis le 1er avril 2022, Valentin Buisson travaille dans un salon de coiffure genevois créé il y a une trentaine d’années par une Française. Les raisons de son choix ? « Financières, répond-il sans détour. J’ai multiplié mon salaire (environ 1 300 euros, ndlr) par un peu plus de deux, pour quatre jours par semaine. » Une vraie bouffée d’oxygène : « Je me sentais mieux à Annecy, parce que j’étais dans un super salon mais la vie est très chère dans la région. Aujourd’hui je vis mieux au mois et j’ai des projets pour l’avenir, je suis plus serein. »

Bien sûr, il y a les trajets (une heure en moyenne matin et soir) : « C’est fatiguant pour certaines personnes. Moi, ça ne me dérange pas. J’aime conduire et ça me permet de couper avec le travail. » Et Valentin Buisson de résumer : « Je n’ai pas trop trouvé de raisons qui me font regretter ma décision. »

Le télétravail met le feu aux poudres

Fait relativement nouveau, le télétravail renforce l’attractivité du statut de travailleur frontalier. Quarante mille salariés seraient dans ce cas dans le Grand Genève. Ce qui rend furieux le Medef. Lors de la présentation de l’observatoire de la filière Image et industries créatives en Haute-Savoie (décembre 2021), plusieurs chefs d’entreprises ont aussi tiré la sonnette d’alarme, déplorant qu’il soit possible de travailler jusqu’à quatre jours par semaine en home office côté suisse.

Cette préoccupation n’a manifestement pas été entendue par le GTE (94,9 % des 2 400 répondants à son enquête sur le télétravail menée fin 2021 souhaitaient en effet continuer à télétravailler après la crise sanitaire). Ni par les pouvoirs publics français puisque l’accord amiable provisoire conclu entre la Suisse et la France en mai 2020 sur l’imposition des frontaliers exerçant en télétravail reste en vigueur jusque fin octobre 2022.

Il faut dire qu’en 2020, les frontaliers et Suisses de France voisine ayant cumulé près de 10 milliards de francs suisses en salaires, les impôts perçus sur ces salaires ont rapporté aux collectivités de l’Ain et de la Haute-Savoie 315 millions de francs suisses la même année et 326 millions en 2021.


Alexia Bastide


Cet article est issu de notre hors-série La Frontière en chiffres 2023, à retrouver au format liseuse en ligne ou au format papier.

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