Que l’on soit acteur public ou privé, restaurer un château est un pari un peu fou qui ne s’improvise pas.
Inscrit sur l’inventaire des sites et monuments depuis 1997, « le château de Dortan a vraiment pris naissance à la toute fin du XIIe siècle, plus exactement en 1187, précise Mickaël Parrad, professeur d’histoire au lycée Lamartine de Mâcon. C’est la date à laquelle le premier seigneur de Dortan (Lambert de son prénom) acquiert son indépendance. Détaché de ses obligations envers l’Abbaye de Saint-Claude, il a l’autorisation de construire son château. »
Au fil des siècles, l’imposant édifice médiéval qui sécurisait la vallée de la Bienne a subi des transformations et a changé de mains plusieurs fois.
Aussi, « lorsque le maire d’Oyonnax, Michel Perraud, a annoncé son souhait d’acheter le site pour le rouvrir à la population, la nouvelle a été plutôt bien perçue, souligne Olivier Schwinn. Il faut dire qu’en interne, la commune a les ressources humaines et les savoir-faire nécessaires à l’entretien des lieux. Une vraie richesse dans la diversité de nos différents services ».
Préserver l’histoire
Châteaux, manoirs ou encore maisons fortes, l’Ain est une terre au patrimoine historique riche. Situé à la croisée des chemins ou niché au cœur d’un hameau viticole, “s’offrir” un bâtiment inscrit ou classé peut paraître un pari fou, qui ne s’improvise pas, mais qui permet de se constituer un joli patrimoine.
« La Ville est devenue propriétaire du château de Dortan en 2019 », rappelle Olivier Schwinn, responsable attractivité à la mairie d’Oyonnax. Dix ans plus tôt, ce lieu de mémoire et de culture avait été acquis par la Communauté de communes d’Oyonnax, devenue Haut Bugey Agglomération (HBA) en 2018.
Et ce bien acquis en fonds propres pour 700 000 € reprend peu à peu vie, notamment avec la cérémonie commémorant le martyre de Dortan, entre le monument aux morts situé près du portail du château et la stèle des maquisards érigée sur la propriété même. Sans oublier les journées européennes du patrimoine.
Un chantier onéreux
Gilles Poret, lui, est propriétaire du château de la Cueille, à Poncin, depuis 2021. « L’idée est de l’ouvrir au public, mais l’objectif ambitieux était d’abord d’organiser des chantiers collaboratifs à destination des jeunes, puis de me lancer dans l’exploitation commerciale (séminaires, mariages, etc.). Entre la réglementation, la législation et l’arrivée de la covid, nous avons décidé de ne pas aller au bout de la démarche. De plus, c’est compliqué et beaucoup trop coûteux », raconte-t-il.
Mais rassurez-vous, cet ingénieur en mécanique générale retraité, originaire de Beynost, continue de s’investir dans la restauration de ce joyau, aux côtés des bénévoles de l’association Les Amis de La Cueille, créée en 2022 pour la sauvegarde et la valorisation du site. Présidée par le vigneron Patrick Bottex, cette dernière compte une vingtaine d’adhérents.
« Nous organisons des petites manifestations comme la fête médiévale du 31 août dernier, ainsi que des séminaires à la journée. Cela ne contribue en rien à la restauration, sauf si les visiteurs font des dons, poursuit Gilles Poret. Peut-être que nous ne communiquons pas assez. Il faut peut-être rappeler que ces dons ouvrent droit à une réduction d’impôts sur le revenu égale à 66 % du montant versé », ajoute-t-il.
Aujourd’hui, la famille Poret rend tout son éclat d’antan à cet édifice qui a accueilli Philippe de Gaulle le 30 décembre 1947, à l’occasion de son mariage avec Henriette de Montalembert qui y résidait alors.
Dortan, curiosités et petits trésors du château
« Il y a une vraie attente des habitants de pouvoir rentrer dans le château, lance Olivier Schwinn. Le château n’est aux normes ni d’accessibilité ni d’incendie pour pouvoir accueillir du public dans de bonnes conditions. Les questions d’évacuation et de sécurité des personnes seront abordées avec des spécialistes. Nous souhaitons réaliser tout un tas de travaux. Nous sommes accompagnés en ce sens par des partenaires financiers, notamment le Parc régional du Haut Jura via des crédits de la région Auvergne-Rhône-Alpes et de la Direction régionale des affaires culturelles (Drac). »
Et de poursuivre : « Actuellement, la restauration de la chapelle est l’une des préoccupations du maire, notamment sa toiture en ardoise qui commence à montrer des signes de faiblesse. » La mairie tient encore à préciser que toutes les interventions sur le château se font avec l’avis de la Drac et des architectes afin de respecter toutes les règles de l’art dans la rénovation du bâtiment.
« Aussi, afin de savoir ce qui peut être réalisé, nous avons pris conseil auprès de Patrick Liébus, ancien Compagnon (charpente et couverture ardoise) et ancien président national de la Capeb (Confédération des artisans et petites entreprises du bâtiment). Sans oublier un carnet d’adresses d’artisans et de compétences locales », annonce Olivier Schwinn.
« Pour bien faire les choses, il faut prendre le temps », souligne Olivier Schwinn. Ainsi, comme la source bleue, résurgence du Merdanson qui se jette dans la Bienne, la mairie a à cœur de faire découvrir les nouveautés du château. Du jardin à la française à la centrale hydroélectrique, ce joyau patrimonial tout comme son avenir éveillent les curiosités.
« Le maire d’Oyonnax, Michel Perraud, a évoqué deux projets, à commencer par la réalisation d’un espace mémoriel, en lien avec la population Dortanaise puisque ce lieu est dépositaire de la mémoire de ce village martyr de la Seconde Guerre mondiale. Ce serait tout un travail à construire avec les habitants, commente Olivier Schwinn. Quant au second projet, il porte sur la création d’un centre de loisirs avec hébergement dans le parc ou autour du château. »
Mais rien n’est figé puisqu’il est possible d’ouvrir le château aux enfants du centre de loisirs d’Échallon. D’autres pistes, comme un lieu de séminaire ou un lieu de prestige permettant aux chefs d’entreprise de la Plastics Vallée de recevoir leurs clients, font parties de la réflexion.
Dortan et son parc de 40 hectares
En 1703, le château médiéval sort de la lignée des “de Dortan” pour rentrer dans la famille Gauthier Duffel. « Le premier, Pierre, va transformer le château en profondeur en le mettant au goût du XVIIIe siècle, raconte le Dortanais et historien Mickaël Parrad. Quant à son fils, Gaspard, il va s’atteler aux extérieurs en créant un jardin à la française ainsi qu’un parc de 40 hectares. »
Et d’ajouter : « À Dortan, on ne peut pas séparer le château de son parc, et le parc de son château. » Entretenir, c’est la mission première de la mairie d’Oyonnax. Il s’agit d’éviter que le bâtiment se dégrade entre travaux d’entretien de base et travaux d’urgence, de sauvegarde.
Il a notamment été procédé au renouvellement d’arbres attaqués par un coléoptère, le bostryche, afin de conserver les allées, ainsi qu’à « la sauvegarde d’un pont en pierre qui tombait en ruine. Un très bel ouvrage ancien qui permet d’enjamber une petite cascade située dans le parc », ajoute Olivier Schwinn, responsable attractivité de la Ville.
Carole Muet
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