L’Ain se rit de la fracture territoriale

par | 02 mars 2017

Selon France Stratégie, l’emploi se concentre dans les métropoles. Un constat que relativisent les acteurs économiques du premier département industriel de France.

23,8 %

C’est la part de l’emploi industriel dans l’emploi total dans l’Ain, ce qui place le territoire en tête des départements de France, sur ce point.

9

C’est en milliards d’euros, le volume de marchandises exportés par le département qui se place au 3e rang en Auvergne Rhône-Alpes

Source : Observatoire économique de la chambre de commerce et d’industrie de l’Ain.

En dehors des métropoles point de salut, semble affirmer France Stratégie dans son rapport intitulé : « Dynamique de l’emploi et des métiers : quelle fracture territoriale ». Le think tank y fait le constat que le début du XXIe siècle est marqué par un mouvement de concentration de l’emploi dans une douzaine de métropoles françaises, parmi lesquelles figure Lyon. « Sur la période 2006-2013, les créations d’emplois se concentrent sur les aires urbaines de plus de 500 000 habitants. Ainsi définies, les métropoles françaises rassemblent près de 46 % des emplois. Globalement, les villes moyennes, les petites villes et les communes isolées subissent quant à elles des pertes sur la même période. Ce mouvement est inédit si on considère les évolutions d’emploi depuis 1968. Jusqu’en 1999, la croissance de l’emploi s’est diffusée sur l’ensemble du pays », décrit le rapport. Si France Stratégie ne juge pas cette métropolisation « néfaste en elle-même », encore faut-il, estime le think tank, que ce dynamisme économique des métropoles parvienne à irriguer au-delà. D’autant que l’exercice de prospective sur les métiers en 2022, mené conjointement avec la Dares, le conduit à tabler sur une poursuite du mouvement.

Espace de polarisation

À la CCI de l’Ain, on regarde ce rapport avec circonspection. Sans nier l’influence des métropoles genevoise et lyonnaise sur le département, Jean-Marc Bailly, son président — qui relève avoir beaucoup écrit sur le sujet dans le cadre du Conseil économique, social et environnemental régional (Ceser) —, tend à le nuancer, sur la base de chiffres de l’Insee et d’études de KPMG. « D’après l’institut national de la statistique, l’espace de polarisation où se fera le développement de Rhône-Alpes ne se trouve pas sur la métropole, mais entre Villefranche, l’Ain et les deux Savoie, avec pour atouts, leur taux de croissance démographique et leurs emplois industriels. »
Notre département affiche en effet, une démographie en progression de 1,3 % contre 0,8 % pour la Région et 0,5 % pour le pays. Il profite sur cet aspect, en plus d’une forte natalité, du desserrement des métropoles lyonnaise et genevoise. Cela n’a d’ailleurs pas que des avantages. Le développement du pays de Gex est essentiellement résidentiel. Et un chômeur inscrit à Lyon est comptabilisé sur son lieu de résidence, donc vient gonfler les statistiques locales qui restent toutefois fort enviables, à 7,4 %.

Cinq métropoles en Aura

La région Auvergne Rhône-Alpes comptera bientôt cinq métropoles : Clermont-Ferrand, le grand Genève, Grenoble, Lyon et Saint-Étienne. Des espaces dont la mission devrait être d’irriguer les territoires et pas de les appauvrir.

« La métropole lyonnaise et son pourtour ont une configuration atypique, note France Stratégie. Alors que la métropole bénéficie d’un emploi dynamique, les territoires situés à moins de 60 km du centre sont à la traîne. » Un effet expliqué par les pertes d’emploi dans l’aire de Saint-Étienne. Le propos fait bondir à la CCI de l’Ain car ce qui est vrai pour Saint-Étienne se révèle totalement faux pour Bourg-en-Bresse. Et la chambre de noter que dans l’Ain, l’emploi a progressé de 28 % en 25 ans, à la faveur d’une diversité de savoir-faire, le territoire étant le premier de France pour l’emploi industriel et le troisième d’Auvergne Rhône-Alpes pour les exportations.

Stratégie

Surtout, Jean-Marc Bailly et ses équipes regrettent le manque de mise perspective du rapport de France Stratégie. « Si l’on est favorable à l’égalité des territoires, il faut agir en développant l’enseignement supérieur dans les villes moyennes et en y implantant des clusters et des pôles de compétitivité. C’est ce que nous avons commencé à faire. Et cela fonctionne parce que la proximité génère l’efficacité, à la différence des mégalopoles », estime le président de la chambre.

Jean-Marc Bailly

Jean-Marc Bailly, président de la CCI de l’Ain.

Celui-ci n’hésite d’ailleurs pas à dénoncer ce qu’il considère comme des erreurs stratégiques de la part du Grand Lyon : le déclassement de l’autoroute A7 qui va dévier 15 000 véhicules par jour vers l’Ain, l’incapacité à faire émerger un contournement Ouest, « l’acharnement » à miser sur la gare de la Part Dieu pour développer le nœud ferroviaire lyonnais alors qu’il existe une gare à Saint-Exupéry et que les liaisons entre Lyon et l’aéroport lui semblent « catastrophiques », ou encore les retards pris sur le contournement ferroviaire de l’agglomération de Lyon qui, s’il ne devait pas voir le jour, contrarierait la création du Lyon-Turin. « La stratégie de l’Ain est différente. Aujourd’hui, ce sont les territoires industriels qui s’en sortent le mieux économiquement. Nous sommes un département industriel et nous entendons le rester, quand le pays, la région et la métropole préfèrent s’orienter vers le tertiaire. Pour cela, la CCI mise sur les filières. Elle les repère, les regroupe, définit leurs besoins et tâche d’y répondre. » L’Ain peut compter en plus, sur une offre foncière et immobilière importante et de qualité, ainsi que sur une main-d’œuvre qualifiée.


Le Pipa pas seulement sous influence lyonnaise

Le parc industriel estime devoir également sa réussite à un certain nombre de décisions stratégiques.

Le rapport de France Stratégie a fait réagir du côté du Parc industriel de la plaine de l’Ain. Car si ses acteurs reconnaissent les avantages que représente le voisinage de la métropole lyonnaise, ils estiment devoir également leur réussite à leurs propres décisions. « Nous ne sommes pas dans la métropole de Lyon, mais nous nous situons à proximité. Et cette proximité est un atout, à plusieurs titres, admet Charles de la Verpillière, président du syndicat mixte du Pipa. Elle permet de nous identifier et nous localiser, y compris à l’international. Ses universités, ses emplois tertiaires, ses équipements culturels, ses hôpitaux, sa recherche scientifique, nous permettent d’attirer ou de retenir les cadres plus facilement. L’aéroport, les gares TGV de Saint-Exupéry, Part Dieu et Perrache, nous assurent une bonne desserte. Tout cela crée un environnement favorable. Mais, ces atouts, nous avons su les valoriser lors de la création du parc industriel, profitant de l’effet d’entraînement de la centrale nucléaire. Nous avons constitué des réserves foncières importantes et de très bonne qualité, pour l’implantation de sites industriels, avec le soutien de l’État pour les premières acquisitions de terrain, puis du Département pour un certain nombre d’aménagements comme la desserte ferroviaire, ou la création de la voie d’accès à l’A42… Nous n’avons pas voulu mettre nos œufs dans le même panier, mais diversifier les activités. Nous aurions pu tout miser sur la logistique, nous avons préféré prendre le temps d’un développement plus long, mais qui laisse place à tous types d’industries et toutes tailles d’entreprises. »
Résultat, un millier d’emplois vont être créés par de nouvelles implantations sur 2017 et 2018. Et pour y faire face, les acteurs industriels locaux mettent en place des formations vers les métiers de la logistique, de la production et de la maintenance. Les stratégies locales fonctionnent à plein et continuent de donner une longueur d’avance au territoire. Ainsi, le Pipa est-il entièrement équipé en infrastructures de communication en très haut débit par la fibre optique.


Par Sébastien Jacquart

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