Loger les députés dans des appartements Airbnb ? Les hôteliers indépendants trouvent l’idée scandaleuse.
Et pourquoi ne pas loger les députés de province, quand ils sont au travail sur Paris, dans des appartements présentés sur des plateformes type Airbnb, histoire de faire des économies ? C’est ce qu’a proposé, lors d’une interview télévisée sur France 2 le 7 novembre, le député des Hauts-de-Seine Thierry Solère (Les Constructifs).
La Fagiht, fédération hôtelière basée à Chambéry et très implantée auprès des établissements touristiques et saisonniers de mer et de montagne, n’a guère apprécié, c’est le moins que l’on puisse dire. Aux côté de deux autres syndicats professionnels (Le conseil des Territoires et le Synhorcat), avec qui elle constitue le Groupement national des indépendants (GNI (1)), elle l’a fait savoir dans un communiqué.
« Complètement abasourdis »
« C’est tout simplement scandaleux qu’un élu de la République encourage le recours aux services d’une société telle qu’Airbnb qui fait de l’optimisation fiscale et ne pait quasiment aucun impôt sur ses bénéfices réalisés en France », s’insurge ainsi Thierry Chenet, président du GNI. « Une société dont nombre de ces loueurs ne paient également aucune charge, aucune taxe, aucun impôt quand, dans le même temps, les hôteliers indépendants s’en acquittent et respectent toutes les obligations et toutes les normes comme l’accessibilité, la sécurité. »

Fiscalité, cotisations sociales mais aussi normes de sécurité et d’accessibilité ou encore déclaration du personnel d’entretien : la Fagiht revendique « une concurrence saine ». Crédit photo : Fotolia
« Où sont les économies réalisées par les contribuables et l’Etat quand l’ensemble du système de solidarité et de répartition national est mis à sac par de telles pratiques ? »
Thierry Chenet, président du Groupement national des hôteliers indépendants (GNI).
« Franchement, en entendant les déclarations de ce député nous avons été complètement abasourdis !, ajoute Marc Léonard, à la fois président de la Fagiht sur le bassin annécien et de la section « hôteliers » de la Fagiht au niveau national. Les économies réalisée – s’il y en avaient vraiment… – ne seraient que des bouts de chandelle au vu du prix des logements Airbnb dans la capitale. Alors qu’à l’inverse le coût pour la collectivité serait d’autant plus important car on encouragerait ce système basé sur l’optimisation et parfois même sur la triche fiscale. »
Une polémique qui intervient alors que les contentieux avec des loueurs ne respectant pas les règles fiscales se multiplient aux pieds de la Tour Eiffel. En pleine médiatisation des procès de quelques loueurs multipropriétaires, la Ville de Paris vient ainsi d’annoncer que le montant des amendes distribuées depuis le début de l’année flirte avec le million d’euros.

Les hôteliers traditionnels continuent de se mobiliser. Crédit photo : Fotolia.
Bientôt la répression à Annecy ?
Et à Annecy ? Zéro… pour le moment. Proportionnellement à sa population, la ville est certes l’une des plus touchées de province par le phénomène Airbnb. Mais elle ne compte pas pour autant 200 000 habitants, seuil qui rend obligatoire l’application de la loi pour une République numérique et de son décret d’avril dernier dit décret Airbnb (2). Un texte qui donne les moyens aux collectivités de mieux contrôler leur parc de meublés locatifs (déclaration obligatoire) et de s’assurer ainsi du bon respect des règles par leurs propriétaires et donc du paiement des taxes (taxe de séjour et, le cas échéant, CFE, l’ex-taxe professionnelle).
« Nous travaillons avec la ville. Le temps politique n’est pas le temps privé et la fusion de communes (NDLR d’Annecy avec 5 de ses voisines ; effective depuis le 1er janvier 2017) provoque des contraintes spécifiques que nous voulons bien comprendre, commente Marc Léonard. Mais nous avons bon espoir de voir aboutir le dossier via une délibération municipale dans le premier trimestre 2018. »

Marc Léonard, président de la Fagiht Annecy et président de la section ʺhôteliersʺ de la Fagiht nationale. Crédit photo : GNI-Fagiht.
Revoir les seuils et la taxe de séjour
Une étape qui constituera « une vraie avancée ». Tout comme la transmission directe aux services fiscaux des revenus de chaque loueur : une mesure votée en 2016 mais qui ne deviendra effective qu’au 1er janvier 2019. Pour autant le combat ne sera pas fini pour la Fagiht. « Nous continuons à nous battre pour une baisse du seuil (actuellement 23 000 euros) rendant obligatoire l’inscription du propriétaire au régime de sécurité sociale des indépendants. Ainsi que sur les modalités d’application de la taxe de séjour », précise le président des hôteliers.

L’exemple de Chamonix. « L’an dernier (en 2016, avant la nouvelle réglementation, NDLR), le site de location entre particuliers nous a reversé 135 000 euros. La commune perçoit chaque année 1,5 M€ de l’hôtellerie traditionnelle » – Yvonick Plaud, adjoint au maire de Chamonix, dans une interview à la Fagiht (à lire ici).
Aujourd’hui cette taxe « est plus élevée pour une chambre d’hôtel que pour un logement meublé de 70 m2, c’est illogique, s’insurge l’hôtelier annécien. Sans parler du fait que les plateformes, quand elles la paient, ne déclarent pas forcément le nombre d’occupants du logement ni la durée réelle du séjour, alors que la taxe est individuelle et exigible à la journée. Pour les meublés loués sur les plateformes web, un système proportionnel au chiffre d’affaires nous paraît plus simple et plus juste. » Enfin, il restera la question du contrôle de la durée de location maximale (120 jours par an actuellement) autorisée pour un logement déclaré comme étant la résidence principale du propriétaire.

La part des logements proposés par Airbnb dans le parc locatif annécien serait passé, selon la Fagiht, de 2% à 13% entre 2016 et 2017.
« Nous ne voulons pas l’interdiction des plateformes. Mais nous ne sommes plus du tout dans l’économie de partage : c’est du business ! Alors nous demandons simplement une concurrence saine et transparente. »
Marc Léonard, président de la Fagiht Annecy et président de la section ʺhôteliersʺ de la Fagiht nationale.
(1) Suite à cette fusion, les trois entités sont ainsi devenues, dans leur nom complet, GNI-Fagiht, GNI-Conseil des territoires et GNI-Synhorcat, mais restent encore communément désignées sous leur appellations ʺhistoriquesʺ.
(2) Pour inciter les maires à agir en s’appuyant sur la loi dite Numérique, la Fagiht n’a pas hésité à communiquer (voir ici) et même à rédiger un guide pratique à l’intention des élus (à télécharger ici).
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