Bernard Bosson : la dernière révérence

par | 19 mai 2017

Une figure essentielle du paysage politique haut-savoyard s’en est allée dans la plus grande discrétion. Bernard Bosson est décédé le 13 mai 2017 à l’âge de 69 ans.

Un jeune homme pressé. Bernard Bosson ne s’est jamais vraiment départi de cette attitude faite de gourmandise et de dynamisme. Même lorsque, homme d’âge mûr, il choisit de se retirer prématurément de la vie politique, il continuait à marcher à grandes enjambées, à afficher un sourire éclatant, à résumer d’une phrase un dossier complexe, à user de son éloquence d’avocat pour convaincre. Il n’avait pas son pareil pour empoigner le micro, délivrer un discours plein de punch, lâcher le micro et retourner s’asseoir aussi vite. Il maîtrisait le savoir-faire d’un politique qui était “tombé dedans” quand il était tout petit.

Bernard Bosson était d’abord le fils de Charles Bosson, figure de la résistance haut-savoyarde, maire d’Annecy de 1954 à 1975, député, sénateur… Très tôt, le fils, né en 1948, voue une admiration sans borne à cette figure paternelle. Comme lui, il devient avocat en 1972, comme lui il choisit très vite l’engagement politique. Son parcours sera fulgurant. Il est conseiller municipal en 1977, conseiller général en 1979, maire en 1983, député en 1986, secrétaire d’État (aux Collectivités locales) puis ministre (des Affaires européennes) dans la foulée. Il sera de nouveau ministre, de l’Équipement, des Transports et du Tourisme cette fois, sous le gouvernement Balladur entre 1993 et 1995.

Centriste de cœur

Bernard Bosson fait alors partie de cette génération de quadras de la droite et du centre qui occupe l’espace médiatique dans cette France des cohabitations, avec Alain Juppé, Alain Madelin, Michel Noir, François Léotard et François Bayrou… Au niveau politique, il est un des principaux dirigeants du CDS (Centre des Démocrates Sociaux). Il en devient secrétaire général en 1991, mais s’inclinera trois ans plus tard devant ce même François Bayrou pour la présidence du mouvement. Comme son père, il est résolument au centre. Un centre assumant à la fois un certain libéralisme économique et un humanisme social.

Centriste il l’est, parfois jusqu’à l’intransigeance, il s’oppose en 2002 à la tenue de l’université d’été du Front national à Annecy. En 2005, contre la plupart des maires de l’agglomération d’Annecy, il ferraille contre un amendement sur les effets des lois Montagne et Littoral. Il s’agit pour lui de défendre, bec et ongles, le lac d’Annecy… sauvé par son père quarante ans auparavant, à un moment où croissance démographique et industrialisation menaçaient de l’étouffer.

Mais cette bataille l’isole politiquement dans un bassin alors dominé par la figure de Bernard Accoyer et, en 2007, il est battu par Lionel Tardy aux élections législatives. En début d’année, il a déjà démissionné de son poste de maire au profit de son premier adjoint, Jean- Luc Rigaut. Il quitte ensuite la présidence de l’agglomération, qu’il a contribué à créer, puis celle de l’hôpital d’Annecy, dont il a porté le projet de construction d’un nouvel établissement à Metz-Tessy.

Cela faisait donc dix ans que Bernard Bosson vivait une demi-retraite politique. Il n’avait plus de rôle militant, plus de poste électif, mais gardait un oeil acéré sur l’actualité nationale et locale, et ne se privait pas de “monter au créneau” lorsqu’il le jugeait nécessaire. Il s’était ainsi opposé, et vigoureusement, au projet de centre des congrès sur la presqu’île d’Albigny. L’occasion de contrer, une dernière fois, son “meilleur ennemi” Bernard Accoyer. Dans un communiqué où l’on imagine que chaque mot a été pesé au trébuchet, ce dernier n’en salue pas moins « un homme de convictions avec lequel j’ai beaucoup travaillé durant de nombreuses années pour faire avancer de nombreux projets ».

Souffrant depuis plusieurs années d’une grave maladie, Bernard Bosson s’était peu à peu retiré de la vie publique. Ses apparitions s’espaçaient. Il a finalement succombé samedi au centre lyonnais Léon-Bérard. Conformément à ses souhaits, il a été enterré lundi dans la plus stricte intimité.

« Une lumière sur le chemin »

Les témoignages de sympathie se sont rapidement multipliés après l’annonce du décès. François Bayrou tweete : « J’aimais Bernard Bosson fraternellement. Un lien forgé dans le feu des combats, et dans les longues soirées de jeunesse. » Jean-Christophe Lagarde salue « un homme superbe ! ». Au plan local, Loïc Hervé salue celui « qui a été à l’origine de mon engagement dans la vie politique ». Jean-Paul Amoudry, qui fut dix ans son directeur de cabinet à la mairie d’Annecy avant d’être élu sénateur, se souvient avec émotion d’un homme « exigeant, méthodique, d’une intelligence au-dessus de la moyenne, qui avait une réelle vision de l’avenir et voulait donner du sens à la politique. Il était profondément au service de la communauté humaine qu’il représentait. Il reste pour moi une lumière sur le chemin de la politique ». Le maire d’Annecy était porteur d’une certaine vision de sa ville. « Il la voulait industrielle, on ne le dit pas assez, et culturelle. Fidèle à sa conception d’une économie au service du bien social, il s’est engagé pour la santé, le logement… J’ai travaillé avec lui lorsqu’il a été ministre et je suis témoin de sa passion pour l’Europe. »

Plus loin, politiquement et géographiquement, le socialiste chambérien Louis Besson avait développé une relation amicale avec Bernard Bosson. « J’avais découvert son attachement à la figure de son père, une figure dont je reste moi-même très admiratif. Charles Bosson était un Amnesty international à lui seul, toujours à gérer une dizaine de dossiers de réfugiés politique, dans la discrétion et l’efficacité. Ses convictions humanistes m’ont touché. Il était la boussole de Bernard et, à travers lui, nous en sommes venus à nous rapprocher. La puissance des valeurs partagées a fini par supplanter ce qui nous séparait. Le hasard fait que nous avons occupé le même ministère de l’Équipement et avons échangé de nombreuses analyses. Je garde le souvenir de sa spontanéité, de son enthousiasme, au service de son territoire et des convictions qui le portaient. »

Par Philippe Claret.

Avec Raymond Barre, au début de sa vie politique.

Avec Simone Veil, première présidente du Parlement européen. L’Europe, déjà…

Avec François Bayrou. Les deux hommes seront longtemps en compétition à la tête du CDS.

Avec Louis Besson. Entre le centriste annécien et le socialiste chambérien, une relation amicale s’est développée.

L’hommage d’Alain Veyret, directeur des publications ECO, président du directoire Sopreda2

Bernard, après un long combat contre la maladie que tu feignais de pouvoir gagner, tu es parti sans bruit. Tu aurais même voulu que cela soit encore plus discret. Pour moi, c’était impossible.

Attaché parlementaire de ton père, nous avons vécu ensemble nos premiers engagements électoraux, mais très vite tu pris le large, entamant une carrière qui te mènera à de hautes responsabilités ministérielles et européennes, jusqu’à être le signataire de l’Acte Unique, marquant une importante étape de la construction européenne. Avoir oeuvré à tes côtés pour notre région, pour le Centre, pour l’Europe, restera toujours pour moi une grande fierté.

Notre complicité, née dans la chaleur des campagnes électorales, concoctées chez toi, Rue Royale, alors que ma fille, bébé, dormait dans son couffin sous la table, ne nous a jamais empêchés d’avoir un dialogue franc et direct. Ainsi, quand on vantait devant toi l’Annecy touristique, la carte postale t’énervait. Pour toi, ta ville était d’abord industrielle. Sans doute, mais les deux n’étaient pas incompatibles, ni antinomiques.

Ton exigence, voire ton intransigeance envers les hommes, ceux qui t’entouraient comme les autres, n’étaient pas toujours faciles à vivre. Pour nous, pour toi. Aussi, quand le destin voulut que tu deviennes secrétaire général du CDS, au moment où le parti était rattrapé par son passé, tu assumas, mais tu en fus meurtri à jamais. Au moment où l’image politique ressort des plus ternie dans l’opinion publique, tu es et tu resteras, comme ton père, un contre-exemple. Avec ton implication au service de tes convictions, l’humanisme qui t’a toujours guidé, l’engagement pour ta ville et ton département. Bien que nos liens se soient quelque peu distendus depuis tes années de retraite et de combat, ton départ me laisse en manque d’une relation indicible, faite de partage, d’idéal et de complicité, mais aussi d’admiration et de respect. Adieu Bernard.

« … AVEC TON IMPLICATION AUSERVICE DE TES CONVICTIONS, L’HUMANISME QUI T’A TOUJOURS GUIDÉ,L’ENGAGEMENT POUR TA VILLE ETTON DÉPARTEMENT. »

L’hommage de Thomas Brée, directeur général Sopreda2

Ces lignes, depuis quelques mois déjà, je redoutais le moment où il me faudrait les écrire tant j’espérais que votre combat contre la maladie éviterait l’inéluctable. Vous, le grand Bernard Bosson, l’homme politique engagé aux valeurs humanistes, démocrate chrétien et profondément européen. Vous, l’ancien ministre – le dernier qu’ait eu la Haute-Savoie – ou encore « Monsieur le maire », comme vous appelaient toujours les Annéciens quand ils vous rencontraient rue Royale. Vous, Bernard, vous vous êtes éloigné.

« Monsieur le Maire »

Ce fut un honneur pour moi de servir à vos côtés durant douze années comme chef de cabinet. Dans la mêlée, toujours au service d’Annecy et de la Haute-Savoie. Vous n’aviez de cesse de défendre les intérêts des ces terres qui vous étaient si chères. Tant sur le plan national, dans vos activités de ministre : c’est vous qui en premier lieu, alors ministre de l’Équipement, avez obtenu la faisabilité de l’A41 Annecy-Genève. Même si ce dossier a ensuite été retoqué par le gouvernement Jospin, vous en êtes à l’origine.

Pour Annecy et ses habitants, c’était la passion qui vous habitait. Vous teniez fondamentalement à garder la proximité avec tous, tout en impulsant des projets incontournables pour l’évolution de la ville. La création du quartier Galbert sur le site de l’ancienne caserne, l’apparition de Courier et le maintien d’un cinéma en centre-ville (« On en a pris plein la gueule », me disiez-vous il y a encore peu de temps à ce sujet), le plan de circulation favorable à l’évitement du coeur de la ville par les voitures (« On en a pris doublement plein la gueule », me disiez-vous…) ou encore la vente du site de l’ancien hôpital pour permettre la création du centre hospitalier actuel. Ce sont là autant d’actes majeurs à mettre à votre actif, « Monsieur le maire ».

Ce « Monsieur le maire », moi-même je n’y dérogeais pas tant vous inspiriez le respect de la fonction et du titre. Et puis, il y avait la deuxième circonscription, celle que vous portiez sur les bancs de l’Assemblée nationale, tour à tour dans la majorité ou l’opposition, toujours au service de votre engagement centriste, fidèle en cela aux valeurs de votre père. Du Grand-Bornand à Faverges, d’Alby-sur-Chéran à Annecy, vous étiez de toutes les attentions. « Thomas, vous notez ? » Cette phrase-là, combien de fois l’ai-je entendue quand il s’agissait de monter un dossier de réserve parlementaire ou une demande d’aide sociale.

L’envergure d’un homme d’état

Sans omettre là votre combat pour la défense de la loi Littoral : « Halte au béton ! », criez-vous alors face aux petits arrangements législatifs qui menaçaient les rives du lac. Vous saviez mobiliser les foules, vous saviez porter une vision, vous saviez mener des combats justes et respectueux de vos adversaires. Votre dernier combat, sans doute celui de trop, remonte à dix ans en arrière. C’est celui qui vous a vu vous retirer en catimini de la scène politique, tant nationale que locale.

Aujourd’hui, « Monsieur le maire », « Monsieur le ministre », et permettez-le moi pour une fois, « cher Bernard », c’est la Haute-Savoie tout entière qui vous rend hommage. C’est Annecy dans ses tripes qui est orpheline. Ce sont les militants de la famille démocrate chrétienne et sociale qui voient partir leur mentor. Un grand bonhomme, de la dimension d’homme d’État, toujours chaleureux et attentif aux autres, avec ses faiblesses comme avec son énergie fédératrice, s’en est allé. Pour la France, pour la Haute-Savoie, pour Annecy, merci ! Au revoir Bernard.

“DANS LA MÊLÉE, TOUJOURS AU SERVICE D’ANNECY ET DE LA HAUTE-SAVOIE, VOUS N’AVIEZ DE CESSE DE DÉFENDRE LES INTÉRÊTS DES CES TERRES QUI VOUS ÉTAIENT SI CHÈRES.”

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