En circuit court ou en circuit long, comment s’adapter et trouver sa place en agriculture biologique ? Une thématique ambitieuse abordée au cours d’une journée technique sur les terres du lycée agricole de Cibeins.
« Vu le contexte économique, on observe une baisse des achats de produits alimentaires biologiques de la part des consommateurs, a expliqué Michel Joux, président de la Chambre d’agriculture de l’Ain, lors de la journée technique “Tech & Bio” organisée par les Chambres d’agriculture de l’Ain et du Rhône, à Misérieux, au lycée agricole de Cibeins, le 18 octobre dernier. Ces achats, comme nous pouvons le remarquer, sont désormais tournés vers le circuit court et la vente directe. »
Alors, en circuit court ou en circuit long, comment s’adapter et trouver sa place dans le marché bio ? Tel était la thématique ambitieuse sur un sujet aussi vaste et passionnant.
« Il n’y a pas de compétition entre l’agriculture biologique et l’agriculture conventionnelle. Il ne faut pas les opposer. Il y a de la place pour tout le monde, considère Michel Joux. Aujourd’hui, en tant que tel, le secteur du bio connaît des difficultés en raison du prix. Pour certains producteurs, s’afficher AB (agriculture biologique) est un frein. C’est pour cela que, même s’ils produisent du bio, certains préfèrent mettre en avant le local pour attirer le consommateur. »
Autour de la table, une grande diversité d’intervenants tentaient de répondre aux incertitudes, mais aussi d’aider les agricultrices et les agriculteurs à trouver des solutions.
Production locale
« Malgré une baisse globale de la consommation de produits bio au niveau national depuis 2019, la vente directe continue de progresser en bio (+9 %) et pèse désormais pour 14 % des ventes », selon Adabio, l’association pour le développement de l’agriculture biologique dans l’Ain, l’Isère, la Savoie et la Haute-Savoie.
« Oui, les chiffres le montrent, nous notons un coup d’arrêt dans le développement du bio. Pour nous, c’est un fait lié à la conjoncture économique. Pour autant, nous ne connaissons pas de déconversions en masse », complétait Jean-Marie Fontanet, directeur adjoint à la Chambre d’agriculture de l’Ain.
Face aux turbulences traversées par les marchés bio, Bernard Gouraud, éleveur laitier à Saint-Denis-lès-Bourg et représentant de l’Adabio, a fait le choix de ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier.
À la fois en circuit court et en circuit long, « en 2022, avec ma compagne Patricia, nous avons décidé de transformer 20 à 30 000 litres de lait par an, racontait-il. Le choix de cette transformation répondait à plusieurs objectifs, notamment d’approvisionner la restauration collective et de valoriser une partie de la production localement avec les ventes sur les marchés de Saint-Denis-lès-Bourg et Bourg-en-Bresse. Avec la loi Egalim (États généraux de l’alimentation), nous nous sommes dit que faire les yaourts pour les cantines allait représenter une super opportunité. Pour finir, nous sommes très déçus par le 100 % bio, puisque nous avons très peu de débouchés en restauration collective. En revanche, sur les marchés, nous sommes au-dessus de nos prévisions. Un mix qui compense les avantages et les inconvénients de chaque circuit de commercialisation choisi ».
13,3 % : C’est le pourcentage d’exploitations engagées en bio dans l’Ain, soit 372 fermes et 8,8 % de la surface agricole utile (SAU) en 2023. La région Auvergne-Rhône-Alpes dénombre 8 348 fermes bio (17,3 %). Un chiffre en hausse de 2,5 %.
Consommer bio et local
« La bio, c’est l’écologie, la santé, le soin et l’éthique, explique AdaBio, l’association pour le développement de l’agriculture biologique dans l’Ain, l’Isère, la Savoie et la Haute-Savoie. Consommer bio a souvent une connotation de prix trop chers. Et pourtant. Acheter directement aux producteurs, privilégier les produits de saison, diversifier ses sources de protéines, acheter en vrac, réduire le gaspillage alimentaire et limiter les produits industriels ultratransformés sont des solutions pour limiter le coût de notre alimentation. »
Un fait qu’il sera possible de (re) découvrir avec l’événement « Manger bio et local, c’est l’idéal », organisé du 28 septembre au 6 octobre dans les départements cités plus haut. À noter que cette campagne se clôturera avec la foire bio des Pays de l’Ain, le dimanche 27 octobre à la halle du marché couvert de Bourg-en-Bresse.
En vente en circuit court, l’Ain occupe le 8e rang régional.
La communication est primordiale
« J’ai toujours été agriculteur. Depuis 13 ans, je suis installé sur une trentaine d’hectares pour faire de la culture de céréales, racontait Nicolas Pioud, paysan meunier et pastier à Polliat, près de Bourg-en-Bresse. Dès le départ, je me suis lancé dans une diversification des céréales puisque mon projet était de produire des pâtes sèches, des farines diverses et de l’huile. Ce qui suppose des investissements, à savoir un moulin et tout le matériel nécessaire pour la production des pâtes. »
Mais avant de démarrer son aventure entrepreneuriale, il a réalisé une étude d’impact assez succincte puisqu’il était l’un des premiers sur le département de l’Ain à réaliser ses propres pâtes. Une fois son business plan élaboré, Nicolas Pioud a suivi une formation rapide, sur trois jours, à la meunerie nationale de France.
Aux côtés de Guillaume Petit et de Claire Baguet, respectivement responsable du pôle filière et alimentation et référente agriculture bio à la Chambre d’agriculture de l’Ain, Nicolas Pioud évoquait, avec passion, le développement de la ferme familiale, qu’il dirige avec sa fille, Blandine.
« Dès l’origine, je savais que j’allais devoir être présent dans les magasins de producteurs pour commercialiser mes produits en vente directe, poursuivait-il. Je suis rentré en tant qu’associé dans les réseaux de vente de Saint-Denis-lès-Bourg et de Ceyzériat. Cela m’a permis de dérouler très rapidement mon projet qui a grandi au fur et à mesure des années. »
À cette occasion, Guillaume Petit rebondissait pour rappeler qu’il était impératif de communiquer : « C’est un combat de chaque jour pour se rappeler à la clientèle. Il ne faut pas l’oublier, même si l’on est un fermier connu. »
Aujourd’hui présent dans plus de 20 magasins de producteurs, des épiceries et des magasins spécialisés en bio, Moulin Nicolas vend également à la restauration collective. À côté d’une dizaine de formats de pâtes (fermières semi-complètes, artisanales blanches), le paysan bio propose également différentes farines (petit épeautre, sarrasin, maïs, polenta, lentilles), ainsi que des huiles de tournesol, de colza, de lin et de cameline.
Avec une production de 35 tonnes de pâtes, 25 tonnes de farines et 3 000 litres d’huiles par an, il a réalisé un chiffre d’affaires de 240 000 € en 2023. Mais il ne sait pas si l’exploitation va rester en bio. La réflexion est en cours.
Plus d’informations et programme complet sur : www.bioetlocal.org.
Carole Muet
Image à la une : Freepik
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