Brexit : un vrai risque de dérapage pour les services financiers ?

par | 05 décembre 2017

Le transfert de l’Agence bancaire européenne (ABE) vers Paris n’est que la partie visible de l’iceberg : avec le Brexit, la stabilité du système financier européen est en jeu.

 

« Londres abrite près de 40% des services financiers actifs sur le marché de l’UE. C’est autant que la France, l’Allemagne, les Pays-Bas et l’Italie réunis. A ce niveau là, on peut presque parler de dépendance de l’UE et de la zone euro vis-à-vis du Royaume-Uni », résume Emmanuelle Assouan, directeur des Systèmes de paiement et des Infrastructures de marché à la Banque de France.

 

Comment conserver durablement un bon fonctionnement des services financiers si le Brexit se termine par un divorce « dur », avec rétablissement des frontières commerciales ? La question agite les spécialistes de la Banque de France et des pouvoirs publics. A tel point que le Conseil d’analyse économique, qui dépend du Premier ministre, vient de se fendre d’une note sur le sujet.

 

 

« Avec plus de 350 000 personnes employées dans la finance, 37 % du marché mondial des changes, 39 % du marché mondial des dérivés de gré a gré, ou encore la quasi-totalité du marché des swaps de taux d’intérêt en euro, Londres constitue sans conteste la grande place financière de l’Union européenne et même de la zone euro. »

Source : « Brexit : saisir les opportunités et limiter les risques dans la finance », Note du CAE, décembre 2017

 

 

Localisation et contrôle

Après la crise de 2008, Bruxelles a tenté de limiter les risques systémiques. L’UE a donc durci sa réglementation et s’est dotée d’agences spécifiques de contrôle. Pour le marché des banques, pas d’ambiguïté : il faut que les banques actives dans l’UE aient une activité substantielle sur le sol de l’Union pour pouvoir bénéficier du « passeport européen ». Et cela s’imposera aux banques du Royaume après le Brexit.

Mais pour les activités dites de marché, c’est plus flou : il existe des règles d’équivalences qui – en cas d’accord entre l’UE et un pays tiers – permettent aux établissements d’exercer leurs activités au sein de l’UE tout en restant basé dans un pays tiers et en étant contrôlé uniquement par les autorités et selon la réglementation de ce pays.

Londres abrite 350 000 salariés dans les services financiers. Et détient ainsi des positions quasi-monopolistiques sur certaines « niches ». Crédit photo : Fotolia

 

Vrai risque de contagion en cas de crise

Or les réglementations pourraient, au fil du temps, évoluer différemment d’un côté (UE) et de l’autre (pays tiers). Et, surtout, il existe un vrai risque de contagion en cas de crise : chaque partie pourrait être tentée de défendre ses intérêts propres au détriment des intérêts systémiques. Comme lorsque le Trésor américain a « lâché » Lehman Brothers en 2008 sans trop tenir compte des conséquences hors de ses frontières.

Pour éviter cela, le conseil d’analyse économique recommande une localisation « non optionnelle » en UE des établissements « super systémiques » (sic !). Et prône un renforcement des prérogatives de l’Autorité européenne des marchés financiers (ESMA) ainsi qu’« une ambition forte à moyen terme pour l’union des marchés de capitaux dans les domaines du droit, de la régulation et du contrôle. »

Un moyen élégant d’avouer que, 10 ans après le déclenchement de la crise « super systémique », les lignes n’ont finalement pas beaucoup bougé.

 

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