Dans ETG – Un rêve inachevé, Jean-Michel Delaplagne, ancien administrateur du club, dévoile les coulisses de l’éphémère saga.
«Amateurisme», «duplicité», «méthode de pieds nickelés», «irrespect», «succession d’actions destructrices» … Au fil des pages, les adjectifs et les expressions de Jean-Michel Delaplagne ressemblent parfois à des tacles à hauteur du tibia.
Pourtant, s’il se montre sans concession, celui qui fut administrateur du club pendant deux ans et demi ne se contente pas de critiquer. Il expose, documents inédits à l’appui; rappelle, sans rien cacher; décrypte, pour aider à comprendre. Jean-Michel Delaplagne est certes un passionné de foot, mais c’est d’abord un homme d’entreprise. Il est le fondateur du groupe Ipac, est investi dans le capital développement et préside la CPME 74. C’est pour ses qualités d’entrepreneur qu’il s’est vu proposer un poste au sein du conseil d’administration (CA) de la société anonyme sportive professionnelle Évian-Thonon-Gaillard Football Club (SASP ETG FC), fin 2013. Et c’est avec le regard de l’homme d’affaires avisé qu’il va observer, analyser, proposer aussi. Puis écrire ce livre.
Devoir d’inventaire
Du sportif, il n’en est pas question, ou très peu. Et pas seulement parce qu’au moment où l’auteur fait son entrée au conseil d’administration le plus beau est déjà passé (l’ascension fulgurante jusqu’à la Ligue 1, puis la finale de la coupe de France 2013). En fait, Jean-Michel Delaplagne arrive à l’ETG pour vivre de l’intérieur la déconfiture du club, qui se terminera par la liquidation judiciaire à l’été 2016.
Manque chronique de moyens, mauvais recrutements (sur et hors du terrain), erreurs stratégiques, incompétences, rivalités d’ego ou encore… absence de femmes parmi les administrateurs et dirigeants, l’auteur décrit avec minutie, au fil des 271 pages, les ingrédients de l’échec. Sans prendre parti dans les querelles de clans. Sans se donner le beau rôle non plus : il reconnaît avoir sans doute «manqué de courage» en refusant, par deux fois, d’endosser des fonctions opérationnelles (dont la présidence) à la tête du club.
Le travail de mémoire et de pédagogie est à saluer. Mais ce n’est pas ce qui a motivé Jean-Michel Delaplagne.
«Je n’ai pas seulement voulu faire un livre témoignage : j’aimerais qu’il soit utile.»
Utile pour tenter, une nouvelle fois, d’établir un club de foot professionnel après les trois retentissants échecs haut-savoyards (Thonon dans les années 1980, Annecy dans les années 1990 et l’ETG)? «Mais oui, il y a le potentiel dans une région dynamique comme la nôtre. Et le foot fédère les populations, c’est une contribution au vivre ensemble et c’est aussi une fabuleuse caisse de résonance pour un territoire!»
Dans les dernières pages, l’auteur va jusqu’à distiller, à destination de ceux qui seraient à nouveau tentés par l’aventure, quelques «enseignements» tirés de son expérience à l’ETG. Miser sur la formation, s’inscrire dans la durée avec un projet bien défini, qui soit aussi un projet de territoire. À la fois dans la collaboration avec les autres clubs et dans les relations avec les collectivités et le public. Bien structurer la gouvernance histoire de ne pas replonger dans les querelles de clans et d’ego. Gérer les finances avec sérieux, se doter des moyens nécessaires au haut niveau (beaucoup, beaucoup d’argent mais aussi un stade adapté), ne pas confondre sponsors et investisseurs. L’ETG a été la plus belle réussite du football en Pays de Savoie : le seul club local à avoir atteint l’élite (Ligue 1). Mais la chute a été à la mesure de l’ascension. Certains y auraient vu une métaphore du mythe d’Icare. Jean-Michel Delaplagne, lui, préfère un autre héros de la mythologie grecque : « Sisyphe, encore Sisyphe », sont les derniers mots de l’ouvrage.
Par Éric Renevier
Cet article est paru dans Eco Savoie Mont-Blanc du 27 avril 2018. Il vous est exceptionnellement offert à titre gratuit. Pour retrouver l’intégralité des articles de notre hebdomadaire mais aussi de nos suppléments et hors-séries, c’est ICI
0 commentaires