L’édito d’Alain Veyret : Mme ERRANTE, M. OREBI*…

par | 05 janvier 2018

Mme ERRANTE, M. OREBI*, vous avez été chargé, dans le cadre d’un plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises, de réfléchir et de proposer des actions propices à favoriser cet objectif.

Pour faciliter ce travail, sous la houlette de Bercy et de Bruno Le Maire, la réflexion s’est focalisée autour de six thèmes, chacun étant pris en charge par un « binôme » alliant un député de la nouvelle majorité En Marche et un chef d’entreprise. En l’occurrence, vous est incombé le soin de nourrir la réflexion sur le thème 5 : “Simplification”.

• Tâche difficile et délicate à laquelle d’autres se sont déjà cassé les méninges. Et pour cause, une bonne partie, pour ne pas dire l’essentiel des complexités auxquelles sont confrontées toutes les entreprises relèvent peu ou prou, de près ou de loin du droit du travail et de son avatar : la feuille de paie et sa multitude de cotisations, avec chacune ses obligations, ses dérogations, ses déclinaisons, ses taux spécifiques et ses calculs. Il n’y a qu’à lire les mises à jour publiées dans les fascicules spécialisés adressés en ce début d’année aux comptables pour imaginer le casse-tête en la matière. Casse-tête qui justifierait, à lui seul, le droit à l’erreur du chef d’entreprise face à l’administration. Sur ce point capital, vos préconisations bien qu’en tête de votre liste, paraissent bien vagues, voire inexistantes, se contentant du voeu de « simplifier la gestion administrative des entreprises en modernisant les prescriptions du droit des sociétés », autrement dit un voeu que l’on qualifie couramment de pieux ! Mais rien par exemple sur les “seuils” pourtant si compliqués et bloquant pour le développement des entreprises !

• En proposition n° 2, on trouve l’objectif, à l’horizon 2022, d’avoir dématérialisé la totalité des démarches des entreprises envers l’administration. Bonne idée qui ne mange pas de pain, mais outre le fait qu’elle facilite plus la vie des fonctionnaires (mais pourquoi pas !) que des entreprises, il faudra toujours pour celles-ci renseigner et documenter moult formulaires et déclarations, fussent-elles numériques. On pourrait aussi imaginer une interconnexion systématique des administrations pour ne réclamer qu’une seule fois un renseignement, mais l’ombre inquiétante de Big Brother ne serait pas loin. On peut même s’attendre au pire en 2019 lorsque les entreprises devront se transformer en percepteurs des impôts pour leurs salariés.

• Point n° 3 : la création d’une plateforme numérique accessible à tous, recensant toutes les normes en vigueur pour une activité donnée. En voilà une idée qu’elle est bonne et qui donnerait du grain à moudre à des bataillons de statisticiens pour des décennies, sachant que le pays compte plus de 400 000 normes qui croissent et évoluent sans cesse. Voilà un secteur qui ne connaîtra pas de sitôt le chômage. À moins que les normes de celui-ci ne changent prochainement…

« SUPPRIMER L’OBLIGATION DE PUBLICATION DES ANNONCES LÉGALES, C’EST COUVRIR D’OPACITÉ UNE VIE ÉCONOMIQUE QUE L’ON VEUT PAR AILLEURS EXEMPLAIRE ET TRANSPARENTE. »

• Proposition n° 4 : évaluer et publier la qualité de service de toutes les administrations au contact des entreprises. Autrement dit, instituer ce que toute entreprise normalement constituée fait pour améliorer ses propres services, notamment marketing et commercial. C’est aussi bien souvent ce qui différencie l’usager d’un service public du client d’une entreprise : le premier est un assujetti quasiment obligé, le second est à séduire en permanence. Il est à craindre – ou à espérer – qu’une telle mesure, si l’on veut bien lui donner in fine un peu d’efficacité, revienne à chambouler le statut de la fonction publique et à systématiser la rémunération au résultat, certains appellent cela « au mérite ». Pour souhaitable qu’elle soit, ce n’est sans doute pas demain que l’on verra l’administration aux petits soins pour faire de ses usagers des fidèles clients. Toutefois, la difficulté de réussir une telle métamorphose ne fait qu’ajouter à la nécessité de l’entreprendre, aurait pensé Beaumarchais. Alors le plus tôt sera le mieux !

• Quant à la 5e et dernière proposition, gardée opportunément pour la fin, elle est l’exemple type de la fausse bonne idée : « Simplifier les démarches de publicité légale pour les entreprises et mettre un terme à l’obligation de publication des annonces légales dans les journaux. » Voilà qui ne simplifierait qu’en apparence la vie des entreprises, mais qui signerait plus sûrement l’arrêt de mort de la presse, ni plus, ni moins. Comment en effet vouloir assurer aux entreprises davantage de sécurité juridique et plus de transparence économique en organisant l’opacité de la vie économique ? Comment se protéger les uns des autres dans les actes de la vie commerciale si on ne sait pas qui fait quoi, qui nait ou qui va disparaître, qui est derrière quoi, qui possède quoi, qui transfère son siège, augmente son capital ou en a perdu l’essentiel, qui fait l’objet de procédures collectives ? Comment prendre les décisions, s’il faut avancer les yeux bandés, comment mener sa barque si on ne sait où sont les écueils à éviter ?

Supprimer l’obligation de publication des annonces légales, c’est couvrir d’opacité une vie économique que l’on veut par ailleurs exemplaire et transparente, c’est réserver à quelques initiés une information sous le manteau. Une fausse bonne idée. D’autant qu’aujourd’hui rien n’est plus simple : en quelques clics et en moins d’une minute, sur le site d’Eco en l’occurrence, votre annonce est enregistrée, attestée, évaluée, garantie de parution et facturée. De plus, et pour prêcher pour ma paroisse, c’est aussi jeter le bébé avec l’eau du bain. Une telle mesure jetterait immédiatement à terre la quasitotalité de la presse d’information en France, en tout cas en province. Très rares seraient ceux qui pourraient résister à une telle saignée. Des centaines de titres, petits ou grands, quotidiens ou hebdos disparaîtraient en quelques mois, avec en effets induits, imprimeries, circuits de distribution… et plus de journaux, plus de marchands de journaux, cela va de soi. Un effet papillon sur toute la filière. D’une petite mesure apparemment anodine au départ, on arriverait à une bombe atomique pour l’ensemble de la presse d’information de terrain ! Un tsunami pour le fonctionnement démocratique ! Dans ses voeux à la presse, Emmanuel Macron affirme avec raison : « Une presse forte, c’est aussi une France forte ! » Mais la formule peut être réversible. À méditer, Madame Errante, Monsieur Orebi, avant d’appuyer sur le bouton.

* Madame Sophie Errante est députée LREM de Loire Atlantique, Monsieur Sylvain Orebi est pdg d’Orientis (épicerie fine, Thé Kushmi… )

Alain Veyret
Directeur de la publication
a.veyret@ecosavoie.fr

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