Édito / Débat sur la 5G : que la lumière soit !

par | 18 septembre 2020

Il devient difficile, dans notre pays, d’avoir des débats de fond sur les sujets qui nous concernent pourtant tous. Et prendre le temps de la réflexion est en train de devenir un crime de lèse-majesté, pardon de lèse-Jupiter. La dernière sortie totalement méprisante d’Emmanuel Macron sur les Amish qui veulent revenir à la lampe à huile parce qu’ils réclament un moratoire sur la 5G en est une parfaite illustration.

Un moratoire n’est pourtant pas une interdiction, mais un temps d’arrêt avant de prendre une décision. Comme la plupart de mes concitoyens, je ne connais rien à la technologie. Et je suis bien incapable de disserter sur la 5G, ou même sur son ancêtre, la 1G des années 1980. Je ne m’oppose pas pour autant au progrès par principe et, comme tout le monde, j’apprécie de pouvoir utiliser mon précieux téléphone à peu près partout, de pouvoir regarder des vidéos en streaming sans à-coups dans le visionnage, de pouvoir transmettre des fichiers textes et photo (une facilité particulièrement appréciée pendant le confinement, lorsqu’il a fallu préparer vos magazines et hors-séries préférés en équipe dispersée, chacun dans son salon !).

Pour autant, comme beaucoup, je me pose quelques questions sur les impacts éventuels de la 5G. Partisans et opposants me semblent avoir des arguments qui doivent être exposés et entendus. Et cela le plus sereinement possible. Mais, franchement, c’est compliqué. Il y a quelques jours, j’ai ainsi entendu un débat sur le sujet, sur France Info, entre Cédric O, secrétaire d’État au Numérique, et Julien Bayou, secrétaire national des Verts. Mais de débat il n’y en eut pas. Les deux interlocuteurs se sont invectivés, et coupé mutuellement la parole. Plus grave encore, chacun, lorsqu’il avait la parole et la possibilité d’exposer clairement son point de vue et ses arguments, en fut incapable. Pas de synthèse cohérente et d’arguments clairs, mais des incantations ou des déclarations à l’emporte-pièce. La peur du progrès et la crainte des bouleversements induits par les nouvelles technologies ne sont pas nouvelles.

Si tomber dans l’obscurantisme n’est évidemment pas une solution, réfléchir à la domination croissante qu’exercent les machines sur nous n’est pas inutile. Et l’on peut légitimement s’interroger, dans « le monde d’après » cher à notre président, sur la nécessité de cette perpétuelle course-fuite en avant vers le toujours plus technologique. Mais ce qui est particulièrement troublant dans cette affaire de la 5G, c’est, une fois de plus, la façon dont sont ignorés les citoyens. Ainsi, c’est le 15 septembre seulement qu’a été remis au gouvernement un rapport de 190 pages sur les conséquences du déploiement de la 5G (Déploiement de la 5G en France et dans le monde – Aspects techniques et sanitaires), alors que les enchères pour l’attribution des blocs de fréquences doivent être lancées le 29.

Comment justifier une telle légèreté ? Et l’on ne peut accuser les auteurs d’avoir traîné, ledit rapport leur ayant été commandé seulement début juillet, ce qui leur a donné les seuls mois d’été pour enquêter, mondialement de surcroît. Ce n’est pas sérieux. D’ailleurs, le Sénat lui-même, pourtant peu suspect d’être aux mains des écologistes et autres “Amish de la Terre”, s’est ému, en juin dernier, du lancement prochain des enchères alors qu’aucune « évaluation de l’impact environnemental de cette nouvelle technologie de téléphonie mobile » n’avait été mise à la disposition du public ni des parlementaires.

Je n’ai pas eu le temps de lire les 190 pages du rapport reçues par mail hier (j’écris ces lignes le 16 septembre). Mais la lecture de sa synthèse ne m’a pas forcément rassurée. Les auteurs reconnaissent en préalable avoir dû limiter leurs investigations faute de temps, et notamment ne pas avoir du tout travaillé sur les impacts environnementaux. S’agissant des effets sanitaires, s’ils soulignent qu’en dessous des niveaux d’exposition limites il ne semble pas y avoir d’effet néfaste avéré à court terme, ils précisent que la communauté scientifique est très partagée sur les effets à long terme.

Par ailleurs, il est impossible de mesurer l’exposition liée aux usages, donc au contact des terminaux, qui représentent la part prépondérante des expositions aux ondes. Pour la 5G, ils sont plutôt rassurants pour le premier déploiement en bande 3,5 GHz, mais reconnaissent que le passage ultérieur à la bande 26 GHz amènera des effets nouveaux qu’il faudra documenter. Alors, oui, j’aimerais bien, en tant que citoyenne, avoir un peu de temps devant moi pour me faire une véritable idée des risques éventuels de la 5G. En attendant, pour éclairer votre lanterne, à défaut de lampe à huile, n’hésitez pas à consulter ce fameux rapport. Il est disponible gratuitement en ligne sur le site du ministère de l’Économie.

Vous pouvez également lire cet article de Hugues Ferreboeuf et de Jean-Marc Jancovici sur le site du Monde, lire également cet autre rapport du Shift Project à propos de la sobriété numérique, et enfin visionner cette vidéo de l’astrophysicien Aurélien Barrau à propos de la 5G.


Sophie Guillaud.
Photo à la une : Jack Sloop sur Unsplash.

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