Le numérique s’impose de plus en plus au coeur de la transformation des entreprises. Cette tendance s’est exacerbée dans le contexte de la Covid-19 où les relations professionnelles et sociales étaient, en partie, entretenues grâce au digital. Cependant, cette méthode de travailler, même de vivre, a un impact important sur l’environnement…

Comment engager son entreprise dans une démarche responsable en favorisant des usages numériques écologiquement vertueux ? Nous faisons le point avec Jérôme Lesaffre, consultant en numérique responsable et en protection des données personnelles, fondateur du cabinet Soéthik et animateur des fresques du climat et du numérique.

1. Pourquoi mettre en place une stratégie numérique responsable ?

Naturellement, la première raison de la mise en place de cette démarche est environnementale. Deuxièmement, engager son entreprise dans ce processus permet d’anticiper la future réglementation de plus en plus contraignante au vu de l’urgence écologique. Troisièmement, les bénéfices sont également d’ordre économique. Sa mise en place permet en effet de mener une réflexion de réduction des coûts de l’entreprise sous-jacente à celle de réduction de l’empreinte environnementale.

Pour finir, la mise en place de cette démarche permet à l’organisation d’améliorer sa marque employeur et de s’adapter à un marché en pleine mutation : 45 % des consommateurs européens déclarent privilégier les marques qui sont engagées dans une démarche de développement durable (Future of Commerce 2022, Shopify). De même, une entreprise qui affichera des valeurs sincères en la matière aura plus de facilité à recruter des candidats de plus en plus soucieux de l’environnement.

2. Comment lancer une démarche numérique responsable ?

Comme toute démarche de transformation dans une entreprise, ce projet doit être soutenu par un engagement fort de la direction. Il sera ensuite généralement piloté par le responsable RSE ou la DSI. La première étape consiste à sensibiliser les collaborateurs. À ce titre, je recommande la fresque du numérique. Il s’agit d’un atelier ludique qui permet de comprendre les impacts environnementaux du numérique et donne les premières clés pour agir. La deuxième étape consiste à évaluer l’impact environnemental du numérique au sein de l’entreprise. Cette évaluation peut se faire via un bilan carbone ou une analyse du cycle de vie (ACV) du système d’information.

À mon sens, l’ACV est la méthode la plus pertinente et ce pour différentes raisons. En premier lieu, l’ACV permet d’évaluer tout le cycle de vie d’un produit ou service, de l’extraction des matières premières jusqu’à sa fin de vie. Dans le numérique, avoir cette vision est important car 75 % de l’impact du numérique provient de la phase de fabrication. En deuxième lieu, l’ACV est multicritère, c’est-à-dire qu’elle prend en compte une vingtaine d’impacts environnementaux et ne se focalise pas uniquement sur l’impact carbone. Enfin, l’ACV est la seule méthode issue d’un consensus scientifique ; elle a été formalisée au sein de la norme ISO 14 040. Sur la base de cette évaluation, il sera possible d’élaborer une stratégie numérique responsable.

Je pense qu’il est important d’élaborer le plan d’action en intelligence collective afin d’engager pleinement les collaborateurs. La troisième étape est le déploiement du plan d’action. L’essentiel de l’impact étant issu de la phase de fabrication, il est indispensable d’agir en priorité sur les équipements et leur durée de vie. Nous pouvons citer les actions suivantes : réparation et maintenance du matériel informatique, recours à un hébergeur « green » et du reconditionnement, etc.

Enfin, si vous souhaitez valoriser la démarche mise en place, vous pouvez tenter d’obtenir le label numérique responsable. Il est intéressant de relever que ce label est plus large que la prise en compte des impacts environnementaux du numérique puisqu’il prend en considération les aspects liés à l’accessibilité et à la protection des données personnelles.

L’impact du numérique

La contribution du numérique à l’empreinte globale de l’humanité est loin d’être négligeable. Selon l’étude de Green IT, il est estimé que son impact contribue à : 4,2 % de la consommation d’énergie primaire 3,8 % des émissions de gaz à effet de serre 0,2 % de la consommation d’eau 5,6 % de la consommation d’électricité. Interpolée à l’échelle d’un pays, l’empreinte du numérique représenterait 2 à 3 fois l’empreinte de la France.

En France, l’impact du numérique représente 10,2 % de la consommation en eau et 6,2 % en énergie primaire. La fabrication des équipements des utilisateurs constitue la principale source d’impacts environnementaux. Ces chiffres justifient de l’importance de s’engager dans une démarche plus responsable, dans un souci non seulement de performance mais également écologique.

Cette démarche se définit comme « les pratiques mises en place par l’entreprise pour réduire l’empreinte écologique et sociétale liée à l’utilisation des nouvelles technologies de l’information et la communication (NTIC) » (définition Green IT). Elle est spécifique à chaque entreprise dans la mesure où elle dépend de leur maturité et de leur écosystème. La France a adopté fin 2021 la loi REEN qui vise à responsabiliser tous les acteurs du numérique : consommateurs, professionnels du secteur et acteurs publics.

Elle a pour objectifs de sensibiliser sur l’impact environnemental du numérique et encourager la transformation des organisations dans ce domaine. Des approfondissements seront ensuite possibles dans le cadre du Parcours d’Apprentissage en Innovation Collaborative Ouverte certifiant proposé par Grenoble INP en partenariat avec le Lab PEAK.

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Contacts :
Marie-Anne Bigot-Sazy, chef de projet Innovation Thésame
mabs@thesame-innovation.com
Jérôme Lesaffre, fondateur de Soéthik
jerome.lesaffre@soethik.com

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Pour aller plus loin :

https://theshiftproject.org/article/deployer-la-sobriete-numerique-rapport-shift/