La ferme de Villarivon, en Tarentaise, vient de recevoir un chèque de 390 000 euros pour sa restauration. Zoom sur un bâtiment hors normes.
Reflet d’une famille parvenue dont les sabots, aux XVIIIe et XIXe siècles, gardaient cependant toujours des traces de fumier, la ferme de Villarivon, aux Chapelles, va bientôt retrouver, si ce n’est sa morgue d’autrefois, tout au moins sa splendeur et son originalité. Sélectionnée comme l’un des dix-huit « sites emblématiques » rhônalpins par la Mission Bern, elle vient de décrocher un chèque de 390 000 euros qui lui permettra de retrouver de son lustre d’antan, les odeurs de vache en moins.
Car cette imposante bâtisse, aujourd’hui en partie délabrée, fut autrefois une « usine à vaches » des plus prospères. Rien à voir avec les exploitations misérables qui vivaient en autarcie à peine plus loin. D’ici, la famille Jarre régnait sur une vingtaine d’alpages disséminés sur une cinquantaine de kilomètres entre le col de Seigne et celui de la Madeleine. L’or blanc coulait à flots dans les seaux de Jean-Ferdinand Jarre. Ainsi, la vente de fromage l’a hissé au rang de « coq de village », pour reprendre les termes de son actuel propriétaire Bruno Berthier.

Reflet d’un égo surdimensionné
Doyen de la faculté de droit de Chambéry, historien du droit spécialiste de la propriété communale, celui-ci n’a toujours pas vraiment réalisé l’énormité du don qui vient de lui être fait. « C’est inouï, dit-il. Cela va nous permettre de faire plus de travaux que ce dont nous avions rêvé. » A commencer par les 800 mètres carrés de toiture à pourvoir de lauzes. Il faudra aussi, entre autres, rénover les décors peints de la façade et donner une nouvelle chance à la chapelle attenante qui tombe en ruines. Le chanter est immense, à l’image de l’ego de ceux qui ont conçu cette ferme unique en son genre.
Hors nomes
« C’est une exploitation agricole grimée en habitation bourgeoise, explique Bruno Berthier, un décor de théâtre plaqué sur une ferme. La rangée des fenêtres du milieu donne sur une grange à foin ! Il fallait être sacrément gonflé et bling-bling pour, au XVIIIe siècle, faire un tel custom sur son exploitation agricole ! » Il s’agissait ni plus ni moins « d’affirmer son statut dans la pierre, avec une indéniable morgue ». Témoin ultime de cette suffisance, le lieu de vie des domestiques et autres garçons de ferme est bien distinct de celui des « paysans parvenus ». Quand les premiers vivent avec les animaux, au centre de la construction, les seconds jouissent, aux extrémités, de « deux logements ostensiblement aménagés selon les standards contemporains du goût bourgeois ».

C’est d’ailleurs là que la famille Berthier a pris ses quartiers en 1992. « A l’époque, se souvient l’enseignant-chercheur, elle était ouverte aux quatre vents et personne n’en voulait. Elle était restée inhabitée une quinzaine d’années et était très dégradée. C’était fou d’acheter ça ! » Moins fou que leur envie d’y vivre et de sauvegarder ce témoignage d’un passé révolu au pays d’un or blanc d’un autre genre qui a artificiellement mis les chalets façon Heidi au sommet de l’ascenseur social. « Son caractère complètement hors normes nous a séduits. »
Inscrite depuis 2006 au titre des Monuments historiques, la ferme de Villarivon, perchée sur l’adret des pentes de Tarentaise à 1150 mètres d’altitude, devrait à nouveau pouvoir pérorer dans son village de 500 âmes d’ici trois ans. « Notre rêve serait d’ouvrir les parties agricoles à des manifestations culturelles », conclut ce bénévole de longue date au festival de musique baroque de Tarentaise.
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Les autres projets soutenus
Huit projets dits « de maillage » ont également été sélectionnés en Rhône-Alpes par la Mission Bern et ont reçu un soutien financier (de moindre importance) grâce au Loto du patrimoine. Il s’agit : du Château de Thol à Neuville-sur-Ain (Ain) ; du Mas cévenol fortifié à Saint-Pierre-Saint-Jean (Ardèche) ; du Château de Crépol (Drôme) ; de l’Eglise Notre-Dame de l’Assomption de Châbons (Isère) ; de la Tour de la Jalousie à Saint-Martin-la-Plaine (Loire) ; de la Tannerie Ronzon de Saint-Symphorien-sur-Coise (Rhône) ; du Château de la Grande Forêt à Saint-Jean-de-Chevelu (Savoie) ; et du Château Saint-Michel d’Avully à Brenthonne (Haute-Savoie).
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