Interview / Dominique Favario « La finance a perdu son rôle initial »

par | 16 avril 2018

Le président de Savoie Mont Blanc Angels, une association qui apporte un accompagnement humain et financier aux créateurs d’entreprises innovantes régionales, milite pour l’investissement de proximité.

Quel est le profil de vos adhérents, que l’on appelle business angels?

La vocation de notre association est de faire se rencontrer des citoyens qui s’intéressent au développement économique du territoire avec des entrepreneurs qui ont des problématiques de recherche de fonds propres et d’accompagnement, pour assurer le développement de leur projet. Nous sommes à la fois un centre de ressources financières et un centre de ressources de compétences. Ce qui nous intéresse chez nos adhérents, c’est leur volonté d’investissement personnel dans le suivi des entreprises. Il peut s’agir d’investissements financiers, mais aussi d’investissement en temps et en accompagnement.

Nous sommes très souvent sollicités pour des projets liés aux nouvelles technologies, et le niveau de compétences nécessaire dans ce domaine n’est souvent pas en adéquation avec le patrimoine de nos adhérents. Certains sont très compétents dans la nouvelle économie, ont entre 25 et 40 ans, mais ce ne sont souvent pas eux qui ont des capacités d’investissement significatives. Ceux qui ont un patrimoine et des capacités d’investissement significatives, et qui ont plutôt réussi leur carrière professionnelle, ont en général plus de 50 ans. Donc, tout le monde nous intéresse, il y a une complémentarité entre les apports des uns et des autres.

« Si les savoyards mettaient seulement 3 % de leur patrimoine au capital de nos PME, elles n’auraient pas de problème de financement, ni de création d’emplois. » Dominique Favario

Comment sont sélectionnées les entreprises que vous soutenez?

On nous soumet des dossiers, qui sont analysés par un groupe d’étude projets comprenant 6 à 8 adhérents. Certains ne sont pas matures, ou ne correspondent pas au développement régional qui nous intéresse : s’il y a un dossier parisien, on ne va pas le prendre. Les dossiers retenus passent en comité d’étude, puis à l’instruction. Elle peut durer de 3 à 6 mois. Une fois cette instruction finalisée, nous proposons le dossier à nos adhérents et ceux qui souhaitent investir se manifestent.

Vous militez activement pour l’investissement de proximité. Pourquoi ?

Nous sommes dans un monde où la finance a perdu son rôle initial. À l’origine, son objectif était d’assurer le développement économique. C’était un moyen mis à disposition des entreprises pour qu’elles puissent investir, se développer et créer de la richesse. Vous achetiez des actions en bourse, vous apportiez des fonds propres à une entreprise et vous espériez que grâce à l’argent que vous lui apportiez, elle puisse se développer et ainsi vous apporter une plus-value sur votre investissement. C’est aussi comme ça que s’est créé le tissu industriel de nos départements, avec des banques locales réunissant de l’argent du territoire et investissant au capital des PME locales, ce qui a permis de faire des belles entreprises ici, en Pays de Savoie. Ce rôle est aujourd’hui complètement dévoyé au profit de la spéculation. Il n’y a plus de corrélation entre l’argent placé et l’économie réelle, avec quinze fois plus d’argent circulant en bourse que dans l’économie réelle. Ça veut dire qu’à la moindre crise économique, comme en 2008, celle-ci trinque. Nous, ce qu’on essaie de faire, c’est de remettre les pieds sur terre. Si les Savoyards mettaient seulement 3 % de leur patrimoine au capital de nos PME, elles n’auraient pas de problème de financement, ni de création d’emplois.

Dominique Favario est également président du conseil de surveillance de la plateforme de crowdfunding Incit’financement.

Vous devez voir le crowdfunding d’un bon œil, puisqu’il permet un retour à une participation citoyenne dans le capital des PME?

Oui. Nous avons d’ailleurs créé notre propre plateforme de crowdfunding régional, Incit’financement. On a souhaité se doter d’un outil qui permette à tous les citoyens d’investir, sans contrainte d’adhésion à une association. Il s’agit d’un système extrêmement original, avec une société coopérative d’intérêt collectif n’ayant pas vocation à faire du bénéfice, contrairement à toutes les autres plateformes de crowdfunding. Et nous avons décidé de réunir au sein de cette plateforme tous les acteurs du financement régional qui ont ce sens collectif, avec 25 sociétaires.

Quelles sont les perspectives 2018 pour l’association, en ces temps de reprise?

Le potentiel existe, c’est certain, mais l’évolution de la fiscalité et ses conséquences sur l’investissement restent problématiques. Jusqu’à présent, on était aidé par l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF), puisque lorsque vous investissiez au capital de sociétés, vous aviez une réduction de 50 % de votre investissement au titre de l’ISF. Vous pouviez aussi déduire 18 % des montants investis de l’impôt sur le revenu, mais vous deviez choisir entre l’un ou l’autre. L’ISF ayant disparu, nous craignons que tous ceux qui investissaient au capital du territoire pour réduire leur ISF disparaissent également! Il y a eu une petite mesure corrective, passer la déduction de l’impôt sur le revenu de 18 % à 25 %, mais nous pensons que c’est insuffisant. Il y a donc une année de risque en 2018, jusqu’à ce que les pouvoirs publics se rendent compte qu’ils ont fermé un robinet important et qu’ils reprennent d’autres mesures.


Propos recueillis par Romain Fournier


 

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