Iran : des perspectives à moyen terme pour la vallée du décolletage

par | 27 avril 2017

Avec la levée de l’embargo, l’Iran veut développer son industrie. Une délégation de la vallée s’est rendue sur place pour nouer des contacts autour de l’automobile, dans un pays qui cumule les paradoxes.

C’est dans le cadre d’un déplacement organisé par la Fédération des industries des équipements pour véhicules (FIEV) que l’association de développement international Nexin a participé à un voyage d’affaires en Iran. New extension international (Nexin) est un programme du Syndicat national du décolletage, appuyé par le pôle de compétitivité Mont-Blanc Industries qui s’inscrit dans le cadre d’Expansion 2020. L’association a pris la suite d’Expansion International pour coordonner l’action de groupements ciblant des marchés non-radarisés à l’international.

Fin février, trois entreprises de la vallée de l’Arve, membres du groupe niches automobile de l’association, sont allées à la rencontre d’industriels iraniens comme le constructeur automobile Iran Khodro : Joseph-Martin, Baud Industries et Zylia Tech. Ayant déjà des contacts sur place, Bosh automobile, également membre de ce groupe, n’a pas fait le déplacement. « Ils ont joué un rôle de facilitateur pour nous », précise Christophe Cau, chef de projet Nexin. Tout comme la FIEV dont le réseau sur place a favorisé les contacts avec les Iraniens. En retour, Nexin compte accueillir une délégation iranienne pour leur faire visiter la Technic Vallée dès que possible. « C’était le bon moment pour découvrir ce pays, note Laurent Joseph, directeur général de Joseph-Martin à Vougy. Mais ils ont un retard technologique important, et nos produits dans la vallée sont très techniques. »

Wait… and see

En clair, les pièces de décolletage ou d’usinage ne correspondent pas encore à leur urgence du moment. « Il est urgent d’attendre », synthétise Christophe Cau. L’Iran produit actuellement environ 1million de véhicules par an, des modèles anciens, mais ambitionne d’en produire trois fois plus d’ici à 5 ans, en passant cette fois sur des véhicules dernière génération. À ce moment-là, les entreprises de la vallée de l’Arve devront être prêtes. « Ils en sont au niveau du début de la chute du mur… Actuellement, ils sont seulement en train de mettre des turbos sur leurs véhicules », décrit Laurent Joseph, qui craint que l’Iran n’arrive jamais à rattraper son retard technologique, en tout cas pas assez pour que les sous-traitants haut-savoyards puissent décrocher des opportunités.

Le pays importe toutes les fonctions automobiles et est très en retard sur le lean manufacturing, ce qui pose des problèmes de qualité en bout de chaîne sur des tâches réalisées en grande partie à la main. Les membres de Nexin restent néanmoins en veille et pourraient revenir en Iran d’ici deux ou trois ans, quand le marché sera un peu plus mature. D’autant que des constructeurs français comme Renault ou PSA sont déjà installés dans le pays ; de même que l’équipementier français Faurecia. Et dans les rues, les voitures de marques françaises sont très nombreuses.

« IL EST URGENT D’ATTENDRE. »
Christophe Cau

Un marché régional de 300 millions d’habitants

En plein développement, l’Iran est un pays très ouvert sur le monde, mais dont les droits de douane conséquents protègent le marché intérieur et soutiennent l’économie. Sous embargo économique de l’ONU pendant près de 10ans – les sanctions n’ont été levées qu’en 2016–, le pays dispose d’un fort potentiel : une population de 80 millions d’habitants, renforcée par les pays limitrophes (Turkménistan, Afghanistan, Pakistan, Irak, Azerbaïdjan…), dans l’ère d’influence économique iranienne et avec lesquels l’Iran dispose d’accords particuliers.

Au total, cela représente un marché d’environ 300millions d’habitants. Le contexte international, et en particulier l’arrivée de Donald Trump à la tête des États-Unis, offre aux nations européennes des marges de manoeuvre dont elles entendent bien pro ter. Tous se précipitent pour prendre des contacts, tout en gardant une certaine prudence : Italie, Allemagne et France en tête. « Les autres pays y vont sans y aller », note Laurent Joseph.

Frilosité des banques

La défiance de l’administration Trump vis-à-vis de l’Iran paralyse les grandes banques françaises implantées aux États- Unis qui craignent des sanctions si elles investissent en Iran ou accompagnent financièrement des entreprises. Les cas de BNP Paribas, qui s’est vu infliger une amende colossale de près de 9milliards de dollars par la justice américaine en juin 2014, ou du Crédit Agricole, qui a dû verser près de 800millions de dollars en 2015, ont laissé des traces, même si les sanctions ont depuis été levées. Les établissements bancaires français restent frileux.

Au-delà de ces énormes amendes, ils craignent un retrait de leur licence aux États-Unis, ce qui les empêcherait d’exercer leur activité sur le territoire américain. Néanmoins, « les banques françaises veulent accompagner les entreprises sur place », souligne Nicolas Saccoletto, expert international pour la Caisse d’Épargne Rhône Alpes, qui espère une évolution favorable dans le courant de l’année. En attendant, les entreprises s’appuient sur des banques plus modestes, moins exposées aux sanctions américaines.

En plein développement, l’Iran est un pays très ouvert sur le monde, mais dont les droits de douane conséquents protègent le marché intérieur et soutiennent l’économie. Sous embargo économique de l’ONU pendant près de 10ans – les sanctions n’ont été levées qu’en 2016–, le pays dispose d’un fort potentiel.

Le climat d’incertitude est aussi renforcé par l’approche de l’élection présidentielle iranienne, le 19 mai prochain : si les fondamentalistes reviennent au pouvoir, il y a de fortes chances que le président américain gèle toutes relations avec ce pays où l’État est au centre de l’économie. Plus de 80 % des entreprises sont publiques, et les quelques structures privées restant s’installent loin de Téhéran. Pour autant, le pays, en développement croissant, reste une belle cible pour le commerce international. Durant l’embargo, les Chinois ont largement investi le terrain, notamment en ce qui concerne l’export de composants et de pièces destinés au marché des fonctions automobiles.

Mais l’Iran recherche aujourd’hui des partenaires offrant davantage de garanties en termes de qualité. La France, et en particulier la vallée de l’Arve, ont une place à prendre dans les années à venir, d’autant plus qu’avant l’embargo les deux pays avaient l’habitude de travailler ensemble. L’Iran a une carte à jouer sur l’échiquier mondial, mais pour se développer au niveau technologique et industriel, le pays ne pourra pas faire l’impasse d’une réforme politique de grande ampleur. Si les Iraniens semblent prêts, qu’en sera-t-il du pouvoir en place après les élections ? À suivre…

Un potentiel économique à développer

Depuis 2008, l’Iran a connu plusieurs années de récession avant de renouer avec la croissance en 2014(+4,8 %), dans la lignée du léger assouplissement des sanctions financières et commerciales internationales intervenu en 2013. Cependant, la chute du prix du baril de pétrole a fortement impacté l’économie, très dépendante de cette énergie qui représente environ la moitié des revenus de l’État, dans un pays dominé par les entreprises publiques. En 2015, l’économie iranienne a connu un ralentissement important. Les chiffres 2016 ne sont pas encore publiés, mais selon les estimations, la levée de l’embargo aurait doper la croissance qui pourrait s’élever à 4.4 %. Les prévisions tablent sur un dynamisme au moins équivalent en 2017, grâce notamment au commerce extérieur et à l’investissement, vital pour le développement technologique de l’industrie iranienne.


Par Sandra Molloy

Crédit : Fotolia.

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