La Suisse instaure la « préférence indigène »

par | 11 juillet 2018

Entrée en vigueur le 1er juillet, une loi impose désormais aux entreprises d’offrir aux résidents suisses un accès privilégié aux offres d’emploi.

Née en réponse à l’initiative « contre l’immigration de masse », lancée par le parti populiste Union démocratique du centre (UDC) et approuvée en février 2014, cette « préférence indigène » inquiète beaucoup de frontaliers. Les entreprises travaillant dans une branche affichant un taux de chômage supérieur à 8%, comme le bâtiment, l’horlogerie ou la restauration, sont tenues d’annoncer les postes vacants aux offices régionaux de placement (ORP) 5 jours avant de les mettre en accès public. Dès 2020, la mesure s’étendra aux branches dans lesquelles le taux de chômage est supérieur à 5%.

L’objectif est ainsi de favoriser l’embauche des chômeurs suisses, en dissuadant notamment l’emploi de Français. Cependant, les entreprises ont seulement l’obligation d’annoncer le poste, pas de recevoir les candidats ou de les engager. Pour Damien, 39 ans, employé dans un magasin de sport près de Lausanne et habitant la région d’Annecy, cette loi ne fait que renforcer l’hostilité croissante envers les frontaliers : «Nous sommes de moins en moins les bienvenus. Avec cette mesure, je me sens aujourd’hui encore plus en insécurité : si je devais chercher un autre travail, mes chances de décrocher un emploi seraient bien moindres.»

Une hostilité contre les travailleurs étrangers que dément le Secrétariat d’État à l’économie (SECO). «Indigène veut dire « ceux qui sont en Suisse » : on ne discrimine pas entre les étrangers et les Suisses», a précisé Boris Zürcher, chef de la direction du SECO, à la Radio Télévision Suisse (RTS).

Les employeurs suisses mitigés

En 2013, le canton de Genève avait déjà instauré la « préférence cantonale » pour les emplois publics et parapublics. L’élargissement du phénomène au secteur privé ne fait pas forcément le bonheur des employeurs suisses, notamment dans la restauration et l’hôtellerie, où ces derniers font appel chaque année à des saisonniers fidèles, souvent Français. « Ils sont désormais contraints d’annoncer ces postes aux ORP alors qu’ils ont déjà un candidat qui les satisfait. Cela n’a pas de sens », a déclaré Bettina Baltensperger, responsable du service juridique de la faîtière Hotelleriesuisse, au journal Le Temps.
Toujours selon cette même source, certains employeurs suisses craindraient avec cette mesure de créer une surcharge administrative qui pèserait sur leurs affaires. Malgré cela, le SECO s’attend à des effets positifs sur l’emploi, avec des délais plus courts pour retrouver un travail et une possible baisse du taux de chômage dans les professions concernées, note la RTS.

Par Romain Fournier

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