Le Genevois français, territoire à rééquilibrer

par | 27 septembre 2018

Le Pôle métropolitain du Genevois français a demandé à la Banque de France de passer son tissu économique à la loupe. Arrêt sur image.

Mieux connaître les caractéristiques de l’activité économique du territoire pour orienter l’action des élus. C’est l’objectif de l’étude que le Pôle métropolitain du Genevois français (PMGF) a confiée à la Banque de France et dont les résultats ont été dévoilés le 14 septembre à Archamps, au cours d’une matinée animée par Eco Savoie Mont Blanc.

Laurent Fraisse, directeur départemental de la Banque de France en Haute- Savoie, a d’abord rappelé que cette enquête réalisée sur la période 2012- 2016 a pris en compte trois territoires : le pôle, la Haute-Savoie et la région Auvergne-Rhône-Alpes (Aura). L’idée étant, par comparaison, de mieux cerner les spécificités du PMGF, un territoire à cheval sur les départements de la Haute-Savoie (deux tiers) et l’Ain pour lequel la proximité de Genève joue un rôle déterminant, à la fois par la richesse apportée par les salaires frontaliers et par l’influence de la consommation genevoise en France.

 

Trop de commerce ?

Le diagnostic pointe d’abord le dynamisme et la solidité de son tissu économique. Le nombre d’entreprises a connu une croissance marquée : 23,5 % en 5 ans. C’est plus que pour le département (+18,5 %) et la région (+20,1 %). En revanche, le nombre de structures de plus de 750 000 euros de chiffre d’affaires (1 156 à fin 2016) stagne sur le Pôle quand il progresse d’environ 4 % sur les deux autres territoires.

L’analyse par secteur d’activité confirme la place prépondérante du commerce, surtout celui de détail, dans l’économie locale. C’est le premier secteur d’activité du PMGF avec 45,2 % du chiffre d’affaires global, contre 34,4 % en Haute-Savoie et 37,2 % en Auvergne- Rhone‑Alpes. La valeur ajoutée (VA) du commerce est aussi très supérieure : 28,5 % du total de la VA du territoire, contre respectivement 19,2 % et 21,2 %. Pour autant, tout n’est pas rose. D’abord parce que la croissance du secteur tend à s’essouffler, ce qui témoigne d’une certaine saturation. Ensuite, parce que la valeur ajoutée du commerce est moins importante que celle du secteur industriel (l’industrie pèse 36,6 % du chiffre d’affaires total du Pôle, mais 41,5 % de sa valeur ajoutée).

En outre, la bonne santé du commerce de détail est liée à des facteurs externes. Or, la clientèle suisse pourrait délaisser le territoire si le taux de change euro/franc suisse devenait moins favorable. Les nouvelles tendances et pratiques de consommation représentent aussi une menace. Enfin, l’étude pose la question de l’influence négative du commerce sur les autres secteurs en pointant les du foncier et des compétences.

La deuxième grande particularité du PGMF est de disposer d’un secteur industriel solide. S’il est moins important que sur les deux autres périmètres (36,6 % du chiffre d’affaires global des entreprises, contre 43,9 % pour le département et 38,4 % pour Aura), il est tout de même très significatif. Et plutôt spécialisé, avec une grosse composante liée au décolletage.

 

La présentation de l’étude par Laurent Fraisse, directeur départemental de la Banque de France en Haute-Savoie a retenu l’attention d’un large public d’élus et d’acteurs économiques. Crédit photo : DR.

Déficit de grosses PME

Les entreprises industrielles du Pôle sont très dynamiques à l’export : 49 % d’entre elles réalisent ainsi plus de 10 % de leur chiffre d’affaires à l’international. En revanche le taux global d’export (part de l’export dans le chiffre d’affaires total) n’est que de 41,4 % ce qui témoigne, explique la Banque de France, de la petite taille des entreprises.

Ce déficit de grosses PME est d’ailleurs l’un des enjeux identifiés par la banque pour le territoire. Favoriser l’émergence de plus grandes structures améliorerait l’équilibre du tissu économique, avec un développement véritablement endogène et non pas fondé sur une richesse venue de l’extérieur.

Laurent Fraisse a aussi pointé la faiblesse du secteur du service aux entreprises, notamment pour les activités de conseil ou d’expertise, alors que ces sociétés à forte valeur ajoutée pourraient permettre au territoire de mieux se différencier et de se rééquilibrer.

 

 


Il n’y a pas que Genève dans le Genevois

«Cette étude est une photographie objective du territoire. Elle va nous aider à développer nos connaissances et notre compréhension et nous permettre de valider ou de réorienter nos politiques économiques », a expliqué Pierre-Jean Crastes, vice-président à l’aménagement du Pôle métropolitain du Genevois français (PMGF), lors de la table ronde qui a suivi la présentation de l’étude Banque de France, vendredi 14 septembre à Archamps.

L’étude va servir à améliorer les points faibles ? « Oui, mais surtout à améliorer nos points forts », répond l’élu. Le BTP et le commerce sont tirés par la proximité du grand voisin helvétique : achats suisses en France, nombreux frontaliers, forte croissance démographique. Personne n’ira s’en plaindre. « Mais nous avons également des atouts indépendamment de Genève, à commencer par l’industrie, a insisté Pierre- Jean Crastes, et il faut les développer. »

 La sur-représentation du commerce, la (trop ?) forte croissance du nombre de commerces de détail et la relativement faible valeur ajoutée du secteur (comparée, par exemple, à l’industrie) vont à coup sûr animer les discussions entre élus, alors que le PMGF vient de se doter d’un schéma d’accueil des entreprises et planche, pour la fin de l’année, sur son schéma d’aménagement commercial.

Invité comme “grand témoin” de la table ronde, Jean-Luc Rigaut, président de l’agglomération du Grand Annecy, a expliqué avoir lui aussi diligenté une étude territoriale à la Banque de France. Bilan de synthèse : « Nous avons deux territoires hypersolides [ndlr : Grand Annecy et Genevois], avec un fort dynamisme et un équilibre entre économie résidentielle et économique productive satisfaisant aujourd’hui. Mais cela n’empêche pas certains points de vigilance. »

 Et l’élu, dont l’agglomération est en discussion avec Chambéry pour la création d’un pôle métropolitain, d’inviter à la coopération entre territoires français voisins, notamment pour la défense de l’industrie. « Vu de Chine, a-t-il conclu, nous sommes le même petit point sur la carte. » Et Genève, elle, reste bien le gros point d’à côté…

Loisirs, commerces, industries, technologies… le Genevois bénéficie d’un territoire dynamique. Crédit photo : Revillard – Pôle métropolitain du Genevois français / Rezo.ch

 


 

« Pas le bon service ici ? On va le chercher ailleurs ! »

 « Il n’y a pas assez de services à haute valeur ajoutée sur le territoire », pointe la Banque de France dans son étude ? « Ce n’est pas un souci ! », ont répondu en choeur Nicolas Peillon, directeur de Carbilly (Saint-Pierre-en-Faucigny ; outillages pour machines-outils) et Pierre Moille, responsable de production chez Nicomatic (connecteurs de très haute technologie ; Bons-en-Chablais), deux des quatre chefs d’entreprise qui ont participé à la table ronde.

« Si le service n’existe pas localement, nous allons le chercher ailleurs. Ce qui compte, ce n’est pas la localisation, c’est la qualité de la prestation », ont en substance témoigné les deux dirigeants, sans s’être concertés au préalable. Inutile, alors, d’aider à l’émergence de sociétés locales de services ? « En tout cas, celles qui voudront se développer ici devront, pour réussir, faire plus que répondre au besoin : être proactives, apporter davantage que ce qui existe déjà ailleurs », prévient Pierre Moille.

« Ce n’est pas vraiment dans les gènes des entrepreneurs locaux d’aller dépenser l’argent dans des prestations extérieures », complète en souriant Nicolas Peillon, plutôt au fait de la situation, puisqu’il fut longtemps expert-comptable dans la vallée de l’Arve avant de basculer dans l’industrie.

Cette culture particulière de l’entrepreneuriat en Haute-Savoie a aussi été mise en avant pour expliquer d’autres traits spécifiques du tissu économique, statistiquement palpables dans l’étude : un fort dynamisme, un actionnariat très majoritairement local et familial. Deux forces souvent portées comme un étendard, mais qui ont leur revers : une tendance à créer plutôt qu’à développer et in fine un manque de grosses PME et ETI.

 

Dossier réalisé par Sophie Guillaud et Eric Renevier

 

Crédit photo du haut : Revillard – Pôle métropolitain du Genevois français / Rezo.ch

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