Lise Gandrille-Talarico : « Les mentalités changent plus vite aujourd’hui »

par | 07 mars 2024

Lise Gandrille-Talarico est directrice de la Banque de France en Savoie, à Chambéry. Descendante d’une lignée de femmes indépendantes, elle conjugue naturellement ses obligations familiales et sa carrière au sein de l’eurosystème français. Interview.

Pourquoi avez-vous embrassé une carrière dans la banque ?
J’ai passé un master II en économie parce que j’ai toujours adoré cette discipline. Il s’agit d’un sujet très concret : les achats du quotidien, la monnaie, l’inflation et son impact sur notre vie… Cela me passionne.

Comment êtes-vous arrivée à la Banque de France ?
J’ai eu la chance, pendant mes études, de faire un stage à la Banque de France. Je me suis retrouvée au cœur de l’économie, en relation avec les banquiers, les chefs d’entreprise, les particuliers et les acteurs de la sphère publique. Pour moi, cela avait beaucoup de sens. Il fallait que je reste dans cet environnement.

De quelle manière avez-vous gravi les échelons dans ce secteur plutôt masculin ?
J’ai d’abord passé le concours de cadre de la Banque de France, puis j’ai évolué progressivement. Je suis passée par différents postes d’encadrement tout en m’occupant de mes deux filles. Quand elles ont été assez grandes, j’ai décidé de prendre un poste de direction : j’ai postulé à Chambéry, où je suis directrice depuis quatre ans. La concurrence était rude : nous étions une dizaine de candidats !

Avez-vous le sentiment que la Banque de France considère la femme comme une “valeur ajoutée” dans ses effectifs ?
En me basant sur le dernier rapport d’activité, les objectifs affichés montrent une volonté forte de se préoccuper des candidatures féminines sur les postes de direction. Aujourd’hui, il y a 35 % de femmes à des postes de direction, contre 23 % en 2017. Nous serons bientôt un tiers. Ce n’est pas encore la parité, mais le mouvement est enclenché.

Cela n’aurait-il pas quelque chose à voir avec la loi Rixain de 2021* ?
Bien sûr que oui… Je pense que ces évolutions ne sont pas faciles à mettre en place. À mon sens, il faut un peu de contrainte au départ, sans quoi, les choses ne bougent pas.

C’est en 1880 que les premières femmes ont été embauchées dans les grands établissements financiers. Qu’est-ce que cela vous inspire ?
C’est amusant, car cette information fait écho à l’histoire de la Banque de France de Chambéry, créée en 1865. Depuis lors, il n’y a eu que deux femmes à la tête de cet établissement : Kathie Werquin-Wattebled, de 2009 à 2013, et moi-même !

Pour voir une femme gouverneur de la Banque de France, il faut attendre encore un siècle ?
(Rire) Peut-être pas, parce que les mentalités changent plus vite aujourd’hui. Encore faut-il vouloir et pouvoir assumer cette lourde charge !

D’où vous vient votre esprit d’indépendance et d’entreprise ?
J’appartiens à une lignée de femmes très indépendantes. Déjà, mon arrière-grand-mère, née en 1901 et décédée en 1997, a cassé les codes en étant la première femme conseillère municipale de sa ville, Montbrison, dans la Loire. Elle était aussi correspondante de presse et occupait des fonctions au tribunal ainsi qu’au centre de conservation des documents historiques. Son mari, quant à lui, s’occupait davantage des enfants. Une rue de Montbrison porte le nom de mon aïeule : Marguerite Fournier. Je suis très fière d’elle.

Cet héritage féminin vous a aidée à vous affirmer dans la vie professionnelle ?
Chacun fait partie d’une chaîne. Nous recevons en héritage des valeurs, une philosophie de vie. Le mien m’a été précieux. Un jour, c’est notre tour de transmettre ce présent aux générations suivantes. Il reste encore beaucoup à faire en termes de “modélisation” des femmes cadres d’entreprises.

Vous voulez dire qu’il faut davantage de modèles inspirants parmi les cadres dirigeantes ou la finance ?
Nous faisons des progrès : Christine Lagarde en est l’illus­tration parfaite. Son parcours est vraiment formidable. J’ai eu la chance d’assister à l’une de ses conférences : elle milite beaucoup en faveur de l’accession des femmes à des postes clés.

Petite fille, vous ne rêviez pas de devenir gardienne de la monnaie française ?
(Rire) Pas du tout ! Justement, il m’était difficile de me projeter à ce genre de poste. D’où l’importance de ces modèles dont nous venons de parler, pour que les jeunes filles puissent s’ouvrir toutes sortes de possibilités de carrières de haut niveau.

* L’article 14 de la loi du 24 décembre 2021, dite loi Rixain, visant à accélérer l’égalité économique et professionnelle entre les hommes et les femmes, instaure un quota de 30 % de femmes cadres dirigeantes dans les grandes entreprises à partir de mars 2026, puis 40 % à partir de 2029.

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