Logistique / Les nouveaux maillons de la supply chain

par | 27 juillet 2018

Pression accrue sur les prix, délais toujours plus courts, exigences des attentes clients en hausse, digitalisation… La chaîne logistique, ou Supply Chain, qui va de la fabrication à la livraison, et dont les transports – notamment routiers – représentent une part essentielle, fait aujourd’hui face à de nombreux défis et doit faire évoluer ses modèles pour rester performante. Les acteurs du secteur en sont bien conscients, qui multiplient, via leurs représentants professionnels, les réflexions et les initiatives pour répondre aux enjeux de demain.

Pour le cabinet Deloitte, la messe est dite : «L’ancien modèle linéaire de Supply Chain laisse progressivement la place à un modèle en réseau, caractérisé par des relations complexes et interdépendantes entre les différents acteurs. La création de valeur repose désormais moins sur la production de biens et de services que sur les échanges d’informations qui permettent de piloter de manière proactive la production de biens et de services.»

Le digital est au cœur de cette révolution qui s’opère sous nos yeux et touche, effectivement, l’ensemble du processus, de la “création” à la distribution. Selon l’étude réalisée par le cabinet, 80 % des répondants considèrent que la Supply Chain digitale se généralisera d’ici 5 ans ; la robotisation (61 %) et l’analyse prédictive (57 %) sont les technologies ayant le plus de chance de bouleverser le marché ou créer un avantage compétitif ; les véhicules sans chauffeur et les drones sont les outils qui connaîtront le taux de croissance cumulée sur 5 ans le plus fort (40%), juste devant l’analyse prédictive (37%). Par ailleurs, les défis les plus importants à relever sont : l’embauche et la fidélisation d’une main-d’œuvre qualifiée (63%), des temps de réponse client toujours plus brefs (55%) et des coûts de livraison tirés vers le bas (53 %). De quoi remettre en cause pas mal de choses, notamment du côté des transports.

Secteur vital

« Depuis les réseaux d’infrastructures jusqu’au transport de marchandises, des innovations majeures émergent et bouleversent les codes de ces activités traditionnelles et souvent réglementées, relève ainsi sa part l’analyste Thomas Khieu pour PricewaterHouseCoopers. Dans le même temps, les exigences du marché vont croissant. Le transport et la logistique deviennent une commodité faiblement valorisée mais qui remplit un rôle majeur en termes d’excellence opérationnelle des industriels et des distributeurs. »

« Le secteur du transport est confronté à des transformations et des innovations majeures. Les nouvelles technologies, au service de l’amélioration de l’entreprise, bouleversent les modèles traditionnels. Mais les incertitudes économiques complexifient les investissements structurels. »

Autre élément, et non des moindres :

«Le développement du e-commerce bouleverse le secteur. Les consommateurs, exigeants, ont intégré le fait que le coût du transport soit réduit voire gratuit, que les retours de marchandises se fassent à moindres frais, etc. De même, le transport doit être de plus en plus rapide et les livraisons proches des domiciles des consommateurs. La logistique des retours, dite “reverse logistic”, ou encore la livraison en J+1 sont autant d’enjeux stratégiques qui modifient profondément les organisations logistiques.Certains groupes réinternalisent ces fonctions afin d’en maîtriser la parfaite exécution. »

37 200

C’est le nombre d’entreprises de transport routier des marchandises en France (source FNTF), dont 35% sur longue distance, 55% en transport régional, pour 420000 salariés, 44 milliards d’euros de chiffre d’affaires HT, 300000 véhicules et 1,6 milliard d’euros d’investissements.

En parallèle, toujours selon cette étude, un nombre croissant de start-up s’attache à la désintermédiation des relations entre utilisateurs et fournisseurs de transports « dont l’objectif est de simplifier des processus complexes. Les grands groupes de transport et de logistique sont performants en matière de gestion de flux standards massifs et récurrents, mais rencontrent des difficultés à gérer le fret issu de petits ou moyens chargeurs ».

Pour l’analyste de PricewaterHouse-Coopers, parallèlement, « la digitalisation est en marche afin d’apporter un service qualitatif, à toute nature de fret » alors que « les start-up “ubérisent” le marché ». De nombreuses jeunes pousses ont en effet vu le jour récemment. Ces plateformes de partage ou des solutions de crowd-sharing « permettent ainsi de s’appuyer sur des personnes physiques prenant en charge les marchandises à transporter ».

Réactions

« La consommation collaborative s’est fortement développée ces dernières années en France grâce à l’émergence de plateformes numériques qui organisent les échanges entre l’offre et la demande », reconnaît-on effectivement du côté de l’organisation professionnelle Transport et logistique de France (TLF). « Ce nouveau mode de consommation concerne de multiples secteurs d’activité (transport de personnes, logement, services…). Le transport routier de marchandises n’est pas épargné par le phénomène “start-up”. Les prestations commercialisées sont à mi-chemin entre l’organisation de transport et les outils de traçabilité. Tout au long des années 2016 et 2017, de nouvelles plateformes ont fait leur apparition, tout particulièrement pour le transport léger.»

97%

des entreprises de transport routier des marchandises occupent moins de 50 salariés,
et 74% moins de 5. Une entreprise de TRM emploie en moyenne 10,7 personnes.

Une grande majorité des professionnels est aujourd’hui d’accord sur le fait que « ces nouveaux acteurs ne sont pas en mesure de parvenir à s’imposer à court terme sur les marchés en B to B, mais qu’ils deviennent un véritable danger pour le B to C».
Et l’organisation professionnelle de dénoncer des cas «d’exercice illégal de la profession, d’exonération des obligations et responsabilités du statut de commissionnaire (obligation de résultat, devoir de conseil, assurance…), de travail dissimulé ou encore d’usage détourné des données collectées (géolocalisation) ».

«Il est primordial que les services de l’État prennent les mesures qui s’imposent pour, non pas brider cette mutation, mais l’accompagner vers son intégration dans le cadre réglementaire des activités TRM (transport routier des marchandises)», estime l’union TLF.

Dématérialisation

Autre enjeu majeur pour TLF : la mutation digitale, «transverse et multimodale en coordination avec tous les métiers du transport et de la logistique ». L’objectif principal est d’accompagner les entreprises adhérentes de l’organisme «dans les enjeux majeurs annoncés par le développement général du marché du digital en France, en Europe et dans le monde entier », explique TLF. « Nous avons acquis ces dernières années une expérience dans les travaux de dématérialisation des formalités import/export, et des documents de transport, menés pour les activités de l’aérien, de la douane et du maritime.

L’intégration du TRM en pré et post acheminement et l’utilisation des plateformes électroniques portuaires et aéroportuaires, viennent enrichir ces travaux.» «Nos entreprises ont ainsi l’opportunité d’offrir une véritable transparence sécurisée et maîtrisée tout au long de la chaîne du transport et de la logistique, un véritable management maîtrisé de la Supply Chain au service de leurs clients internationaux», estime encore TLF.

«Alors que le phénomène n’était encore que frémissant en 2016, nous constatons cette année (2017) la réelle émergence de la question digitale », confirme pour sa part Magali Testard, associée responsable conseil achats & Supply Chain chez Deloitte. «Les entreprises n’en sont plus à se demander s’il est intéressant de se lancer dans le digital, mais comment et à quel moment il faut se lancer dans ce secteur», résume l’analyste. Cependant, en dépit de l’émulation actuelle autour de l’usine du futur et l’Internet des objets par exemple, «les technologies concernées rencontrent de vrais freins à l’adoption dont les plus importants sont les enjeux de cybersécurité, le manque de compétences et le manque de retour d’expérience justifiant les usages».

Le dernier kilomètre…

La logistique du dernier kilomètre constitue un défi économique et écologique. Celle-ci désigne le dernier maillon de la chaîne de distribution, lorsque le colis passe du transport de marchandises en gros volumes à la livraison au client final. Pour les entreprises, c’est ce dernier kilomètre qui est le plus coûteux : il représente plus de 20 % du coût global de la chaîne de livraison, notamment sur le marché des biens de consommations dédiés au grand public. Sur le volet environnemental, le
coût est également très lourd. Selon la Ville de Paris, un véhicule sur cinq circule pour livrer des colis : le transport de marchandises pèse ainsi pour près de 50 % de la consommation de diesel et pour plus de 25% du CO2 émis.
La logistique urbaine représente donc un challenge complexe pour les logisticiens et les transporteurs qui gèrent l’acheminement des flux de marchandises en ville.
Ce défi est d’autant plus ambitieux à relever que le boom du commerce électronique tend
à imposer les délais d’acheminement comme un argument de poids dans la décision d’achat. La livraison en 24 ou 48 heures est devenue le standard de la vente à distance. Il faut désormais livrer rapidement, en réduisant l’empreinte écologique et les coûts.

Dossier réalisé par Cyril Bellivier

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