Pression accrue sur les prix, délais toujours plus courts, exigences des attentes clients en hausse, digitalisation… La chaîne logistique, ou Supply Chain, qui va de la fabrication à la livraison, et dont les transports – notamment routiers – représentent une part essentielle, fait aujourd’hui face à de nombreux défis et doit faire évoluer ses modèles pour rester performante. Les acteurs du secteur en sont bien conscients, qui multiplient, via leurs représentants professionnels, les réflexions et les initiatives pour répondre aux enjeux de demain.
Pour le cabinet Deloitte, la messe est dite : «L’ancien modèle linéaire de Supply Chain laisse progressivement la place à un modèle en réseau, caractérisé par des relations complexes et interdépendantes entre les différents acteurs. La création de valeur repose désormais moins sur la production de biens et de services que sur les échanges d’informations qui permettent de piloter de manière proactive la production de biens et de services.»
Le digital est au cœur de cette révolution qui s’opère sous nos yeux et touche, effectivement, l’ensemble du processus, de la “création” à la distribution. Selon l’étude réalisée par le cabinet, 80 % des répondants considèrent que la Supply Chain digitale se généralisera d’ici 5 ans ; la robotisation (61 %) et l’analyse prédictive (57 %) sont les technologies ayant le plus de chance de bouleverser le marché ou créer un avantage compétitif ; les véhicules sans chauffeur et les drones sont les outils qui connaîtront le taux de croissance cumulée sur 5 ans le plus fort (40%), juste devant l’analyse prédictive (37%). Par ailleurs, les défis les plus importants à relever sont : l’embauche et la fidélisation d’une main-d’œuvre qualifiée (63%), des temps de réponse client toujours plus brefs (55%) et des coûts de livraison tirés vers le bas (53 %). De quoi remettre en cause pas mal de choses, notamment du côté des transports.
Secteur vital
« Depuis les réseaux d’infrastructures jusqu’au transport de marchandises, des innovations majeures émergent et bouleversent les codes de ces activités traditionnelles et souvent réglementées, relève ainsi sa part l’analyste Thomas Khieu pour PricewaterHouseCoopers. Dans le même temps, les exigences du marché vont croissant. Le transport et la logistique deviennent une commodité faiblement valorisée mais qui remplit un rôle majeur en termes d’excellence opérationnelle des industriels et des distributeurs. »
« Le secteur du transport est confronté à des transformations et des innovations majeures. Les nouvelles technologies, au service de l’amélioration de l’entreprise, bouleversent les modèles traditionnels. Mais les incertitudes économiques complexifient les investissements structurels. »
«Le développement du e-commerce bouleverse le secteur. Les consommateurs, exigeants, ont intégré le fait que le coût du transport soit réduit voire gratuit, que les retours de marchandises se fassent à moindres frais, etc. De même, le transport doit être de plus en plus rapide et les livraisons proches des domiciles des consommateurs. La logistique des retours, dite “reverse logistic”, ou encore la livraison en J+1 sont autant d’enjeux stratégiques qui modifient profondément les organisations logistiques.Certains groupes réinternalisent ces fonctions afin d’en maîtriser la parfaite exécution. »
37 200
C’est le nombre d’entreprises de transport routier des marchandises en France (source FNTF), dont 35% sur longue distance, 55% en transport régional, pour 420000 salariés, 44 milliards d’euros de chiffre d’affaires HT, 300000 véhicules et 1,6 milliard d’euros d’investissements.
Pour l’analyste de PricewaterHouse-Coopers, parallèlement, « la digitalisation est en marche afin d’apporter un service qualitatif, à toute nature de fret » alors que « les start-up “ubérisent” le marché ». De nombreuses jeunes pousses ont en effet vu le jour récemment. Ces plateformes de partage ou des solutions de crowd-sharing « permettent ainsi de s’appuyer sur des personnes physiques prenant en charge les marchandises à transporter ».
Réactions
« La consommation collaborative s’est fortement développée ces dernières années en France grâce à l’émergence de plateformes numériques qui organisent les échanges entre l’offre et la demande », reconnaît-on effectivement du côté de l’organisation professionnelle Transport et logistique de France (TLF). « Ce nouveau mode de consommation concerne de multiples secteurs d’activité (transport de personnes, logement, services…). Le transport routier de marchandises n’est pas épargné par le phénomène “start-up”. Les prestations commercialisées sont à mi-chemin entre l’organisation de transport et les outils de traçabilité. Tout au long des années 2016 et 2017, de nouvelles plateformes ont fait leur apparition, tout particulièrement pour le transport léger.»
97%
des entreprises de transport routier des marchandises occupent moins de 50 salariés,
et 74% moins de 5. Une entreprise de TRM emploie en moyenne 10,7 personnes.
Et l’organisation professionnelle de dénoncer des cas «d’exercice illégal de la profession, d’exonération des obligations et responsabilités du statut de commissionnaire (obligation de résultat, devoir de conseil, assurance…), de travail dissimulé ou encore d’usage détourné des données collectées (géolocalisation) ».
«Il est primordial que les services de l’État prennent les mesures qui s’imposent pour, non pas brider cette mutation, mais l’accompagner vers son intégration dans le cadre réglementaire des activités TRM (transport routier des marchandises)», estime l’union TLF.
Dématérialisation
L’intégration du TRM en pré et post acheminement et l’utilisation des plateformes électroniques portuaires et aéroportuaires, viennent enrichir ces travaux.» «Nos entreprises ont ainsi l’opportunité d’offrir une véritable transparence sécurisée et maîtrisée tout au long de la chaîne du transport et de la logistique, un véritable management maîtrisé de la Supply Chain au service de leurs clients internationaux», estime encore TLF.
«Alors que le phénomène n’était encore que frémissant en 2016, nous constatons cette année (2017) la réelle émergence de la question digitale », confirme pour sa part Magali Testard, associée responsable conseil achats & Supply Chain chez Deloitte. «Les entreprises n’en sont plus à se demander s’il est intéressant de se lancer dans le digital, mais comment et à quel moment il faut se lancer dans ce secteur», résume l’analyste. Cependant, en dépit de l’émulation actuelle autour de l’usine du futur et l’Internet des objets par exemple, «les technologies concernées rencontrent de vrais freins à l’adoption dont les plus importants sont les enjeux de cybersécurité, le manque de compétences et le manque de retour d’expérience justifiant les usages».
Le dernier kilomètre…
La logistique urbaine représente donc un challenge complexe pour les logisticiens et les transporteurs qui gèrent l’acheminement des flux de marchandises en ville.
Ce défi est d’autant plus ambitieux à relever que le boom du commerce électronique tend
Dossier réalisé par Cyril Bellivier
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