Luc Ferry, philosophe et ancien ministre de la Jeunesse, de l’Éducation nationale et de la Recherche, auteur d’un nouveau livre sur “l’innovation destructrice”, aborde le rejet des réalités économiques en France.
La méconnaissance notoire des Français sur les mécanismes économiques n’aboutit-elle pas à une hérésie démocratique ? L’assistanat et l’État providence ne sont-ils pas à mettre en corrélation avec la négation du fait économique ?
Le mot “méconnaissance” n’est pas celui qui convient. Il s’agit de bien plus que cela, d’un rejet des réalités économiques lié au fait que depuis les origines, la gauche française est fascinée par le fantasme d’une “autre politique”. C’est du reste encore ce à quoi on assiste avec les “frondeurs” d’aujourd’hui qui ne comprennent toujours pas que la relance par la consommation ne changerait hélas rien au fait que notre outil de production n’est plus assez compétitif. Du reste, je ne suis pas certain que le paysan italien ou espagnol soit meilleur que le français en la matière. Le problème est tout autre : Marine Le Pen ou Jean-Luc Mélenchon ne sont pas plus bêtes que d’autres, ils pourraient lire les bons auteurs, mais leur idéologie néokeynésienne et souverainiste les en empêche. Cela remonte à loin dans l’histoire de France. Nous sommes le plus vieil État nation du monde et chez nous, l’honneur de la politique a toujours été lié à la volonté de corriger une société civile supposée corrompue par la recherche du profit et des intérêts particuliers. Même dans les partis de gouvernements, l’État se voit moins comme l’auxiliaire de la société civile que comme son correcteur interventionniste. C’est de là que vient, non pas l’ignorance de l’économie, mais son refus pur et simple par des idéologues auxquels la haine du libéralisme sert tout simplement de viatique…
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