En mettant un coup de frein sur l’activité économique, le Covid-19 induit une baisse de la demande d’énergie. Mais pas des prix. Les explications d’Olivier Baud, le président de la société savoyarde Energy Pool, spécialisée dans les solutions d’optimisation de la consommation.
Quel est l’impact du Covid-19 sur le prix de l’énergie ?
Olivier Baud : La baisse de la consommation touche les producteurs dont les volumes de vente diminuent. En revanche, elle a peu d’incidence sur les prix car 80 à 90 % de l’électricité est achetée, en France, dans le cadre de contrats dont les modalités sont fixées par avance. La diminution des tarifs concerne les 10 à 20 % restants qui s’échangent sur les marchés mondiaux.

« La baisse de la demande ne pose pas de problème technique mais induit une perte économique liée à la non production. »
La baisse de la consommation implique de réduire la production. Comment cela se gère-t-il au niveau technique ?
O.B. : La France a l’un des parcs nucléaires les plus flexibles du monde, avec une production qui peut diminuer d’environ 30 %. Et pour l’hydraulique, il suffit d’ouvrir les vannes des barrages pour laisser filer l’eau. La baisse de la production ne pose pas de problème technique mais induit une perte économique liée à la non production.
Energy Pool est le leader mondial de la modulation de consommation d’électricité. De quoi s’agit-il ?
O.B. : Nous sommes rémunérés pour assurer la sécurité des réseaux électriques en faisant bouger la consommation d’industriels, gros consommateurs d’énergie. En cas de situation critique et de pannes – cela arrive entre deux et cinq fois par an en Europe –, nous sommes capables, en quelques secondes, d’équilibrer l’offre et la demande.
Les industriels français, et notamment les électro-intensifs, déplorent une rémunération de plus en plus basse de leur capacité à réduire très rapidement leur consommation…
O.B. : C’est vrai que l’effacement est en France l’un des moins bien rémunérés au monde. De ce fait, de plus en plus d’industriels savoyards ne répondent d’ailleurs plus aux demandes d’effacement, car le jeu n’en vaut pas la chandelle. Cette situation pourrait changer avec une remontée des prix, car les centrales à fioul, gaz, charbon qui assurent en Europe la sécurité du réseau sont vieillissantes et s’arrêtent les unes après les autres.
Des salariés prêts à dormir sur place !


ESMB : Comment Energy Pool gère-t-elle, en interne, la crise du Covid-19 ?
Olivier Baud : Les salariés télétravaillent, à l’exception du centre de pilotage où dix personnes se relaient 24 heures sur 24. Dès le mois de janvier, nous avons travaillé avec les équipes pour voir comment elles voyaient les choses. À partir de là, nous avons commencé à préparer des vivres, des lits de camps et du matériel, de manière à ce qu’elles puissent rester en permanence au sein du poste de pilotage. Cette situation ne s’est heureusement pas présentée, mais nous sommes prêts.
ESMB : Votre présence à l’international améliore-t-elle votre culture du risque ?
O.B. : Oui, sans doute. Nous avons l’habitude des situations de secours, notamment au Japon où l’entraînement aux événements extrêmes est régulier. J’étais, par ailleurs, président d’Aluminium Pechiney lors de la crise de 2003-2004. Nous avions préparé des plans très lourds pour faire face à la grippe aviaire.
Propos recueillis par Sophie Boutrelle
Photo d’ouverture : © PilMo Kang (Unsplash)
0 commentaires