Moins nombreux que d’ordinaire, les tour‑opérateurs et professionnels du tourisme ont renoué contact et fait des affaires sur le salon Destination Montagnes – Grand Ski, organisé les 1er et 2 mars à Chambéry.
Dans les allées du salon, les sourires étaient sur toutes les lèvres (derrière les masques), des exposants comme des visiteurs, heureux de se retrouver après une année sans et une édition 2021 en distanciel. Autre principale cause de cet optimisme ambiant : l’hiver en cours s’annonce historique, avec une fréquentation supérieure à celles de 2019-2020 et avant-crise. Preuve que la montagne française conserve son attrait en dépit d’un contexte sanitaire et géopolitique difficile.
« Aujourd’hui, nous sommes solidaires, et tous inscrits dans une même vision globale qui a marqué cette dernière année. La collectif a joué et continue de s’exprimer », se félicite Michaël Ruysschaert, directeur général de L’Agence Savoie Mont Blanc.
Retour en masse des Britanniques
Si le début de saison a été entaché par l’absence des Britanniques, les clientèles française et du Benelux, venues en plus grand nombre, « ont en partie compensé et participé au remplissage des stations, qui ont bénéficié d’un excellent enneigement », se félicite Véronique Halbout, responsable développement commercial à L’Agence Savoie Mont Blanc. Elle admet : « Nous craignions que les annulations s’enchaînent après la levée des restrictions et, au final, non. » Et c’est même tout l’inverse qui s’est produit : les stations – notamment celles de la Haute Tarentaise et Chamonix, Morzine, Les Gets… – ont vu déferler une vague de touristes britanniques, avides de dévaler les pistes. Les réservations – dont beaucoup d’ “ultra-dernière minute” – ont atteint des pics pendant les vacances d’hiver, et mars s’annonce sous les meilleurs auspices. De quoi doper la fréquentation des stations internationales.
À Chamonix, le mois de février a été excellent et les perspectives sont plus que favorables jusqu’à Pâques. « Nous attendons des groupes de plus de 500 Britanniques à la mi-mars, auxquels se greffe la clientèle individuelle. Leur présence va gommer la frustration de Noël et de janvier », confirme Arnaud Jamson, directeur adjoint de l’office de tourisme. La Compagnie du Mont-Blanc, exploitant des domaines skiables, annonce, pour sa part, un retrait de 12 % en janvier où, en temps normal, la clientèle étrangère pèse pour moitié. « Mais il faudra refaire un point au 15 mars et en fin de saison car nous avons de belles prévisions en perspective et un enneigement suffisant « , explique Antoine Burnet, son directeur commercial. En Savoie, à Méribel, le directeur de l’office de tourisme Gilles Léonard reconnaît « qu’il y a eu trois semaines difficiles en janvier (absence des Anglais et des Russes à cause des mesures sanitaires) mais que, globalement, les clientèles française, belge et néerlandaise ont sauvé la mise. »
» Avec le retour des Britanniques, nous avons enregistré un net rebond pour atteindre un taux d’occupation de 98 % pendant les vacances de février. On n’a jamais paniqué et maintenu les prix. Au final, nous devrions terminé la saison à un niveau supérieur à celui de l’hiver 2019-2020 « , détaille Aymeric Drujon d’Astros, directeur commercial chez Odalys, un des premiers gros hébergeurs en montagne avec 80 résidences de tourisme et aussi des chalets.
Les stations ont fait le plein
Ailleurs, dans les autres stations de Savoie Mont-Blanc, les touristes aussi sont venus massivement. À l’instar de Megève, qui fait état d’une hausse de 6 % à date par rapport à N-2, déjà exceptionnel. « On s’en sort très bien. Nous nous attendions à une vraie appétence des touristes mais pas dans ces proportions », se réjouit Hélène Madec, directrice de l’office de tourisme de Megève. La clientèle domestique (elle représente 60 à 65 % de la clientèle) est très présente, mais aussi les Suisses qui possèdent des maisons secondaires ou louent à la saison, et les touristes du Moyen-Orient. Aux Saisies, l’hiver 2021-2022 s’annonce exceptionnel, avec un taux d’occupation de 76 %, nettement supérieur à 2018-2019. « La centrale de réservation affichait complet pour les vacances d’hiver, avec des taux autour de 90 et 94 % », pointe le directeur de l’office de tourisme Olivier Reydellet. Même tendance affichée aux Sybelles, où l’absence de la clientèle anglaise, à la marge dans la station savoyarde (moins de 1 %), a été une force. Alexandre Maulin, son exploitant (et président de DSF), pointe « une envolée au Corbier et à La Toussuire, où les 1 300 lits supplémentaires créés cette année ont permis d’attirer plus de clients. » Et le dirigeant de conclure « Nous avons commencé la saison à -8 % et nous finirons à l’étal. »
Les tour-opérateurs satisfaits
De leur côté, les tour-opérateurs (TO) affichent leur satisfaction. TUI, l’un des plus gros outre-Manche, a été submergé par les réservations. « Privés de ski, nos clients n’attendaient que cela… D’ailleurs, beaucoup avaient préféré reporter », explique Elizabeth Thompson, responsable achats de TUI Grande-Bretagne et Irlande, très présent dans les stations de Tarentaise. Le TO a aussi gagné une nouvelle clientèle. « Des Britanniques qui d’ordinaire venaient en individuel ont fait appel à nous pour sécuriser leurs séjours au ski en période de crise. » En général, il s’agit de packages d’une semaine comprenant hébergement, vol (TUI a ses propres charters), transfert et demi-pension. Mais pas de quoi compenser les pertes essuyées après plusieurs semaines de fermeture des frontières.
Quant à Travelski (filiale de la Compagnie des Alpes), le tour-opérateur a dû annuler quatre trains au départ de Londres à destination de Bourg-Saint-Maurice. « Pour janvier et février, le taux de remplissage est de 50 %. Nous aurions pu faire beaucoup mieux car la demande était là, mais les stations affichaient complet en février », souligne son directeur général Guillaume de Marsillac, qui annonce toutefois 70 à 75 % de remplissage en mars et avril. Le travail de relance débuté très tôt a porté ses fruits puisque Travelski a vu ses ventes de séjours augmenter de 35 % comparé à l’hiver 2018-2019, amenant ainsi 200 000 clients dans les Alpes.
Doper la promotion de la montagne
« Cette 31 e édition est celle des retrouvailles », s’est félicitée Caroline Leboucher, directrice générale d’Atout France, agence de développement touristique de la France et organisatrice du salon, lors du point presse qui s’est tenu mardi en présence de nombreux élus. La promotion de la montagne a, cette année, été renforcée. Budget à l’appui : « Nous l’avons multiplié par cinq pour atteindre les deux millions d’euros (avec un effet levier double) », dit-elle. Soit 20 % du budget promotionnel d’Atout France. L’organisateur a aussi décidé d’élargir le salon dédié jusqu’alors aux stations de ski à la montagne multi saisons – d’où le changement de nom « Destination Montagnes, Grand Ski » – pour répondre aux enjeux de la diversification et aux attentes des clientèles « même si le ski demeure central », a tenu à rappeler Caroline Leboucher. De son côté, Jean-Luc Boch, président de France Montagnes et de l’ANMSM, a exhorté les professionnels à améliorer l’accueil des touristes pour les fidéliser et ainsi redevenir la première destination neige dans le monde.
L’opportunité rêvée pour Atout France de signer une lettre d’intention avec l’organisation des Championnats du monde de ski Courchevel-Méribel 2023 pour lui témoigner son soutien et promouvoir le ski, avec l’ambition de faire rayonner la destination dans le monde entier. » L’événement, a rappelé sa directrice, Perrine Pelen, c’est 600 athlètes de 75 nations, plus de 500 millions de téléspectateurs, plus de 200 000 spectateurs attendus sur les sites de compétition, 1 000 heures de retransmission télévisée et 15 jours d’exposition médiatique. » Au global, le budget s’élève à 42 millions d’euros, dont 30 millions de droits provenant de la FIS.
Patricia Rey
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