La nouvelle série française « Baron noir », mettant en scène trois requins de la politique, semble rencontrer à la fois l’estime du public et la consécration des critiques. La raison de ce succès repose à la fois sur la qualité de la réalisation (scénario soigné, rythme, acteurs saisissants) mais aussi sur la vraisemblance de l’histoire. Ainsi, de l’aveu même de plusieurs poids-lourds de la politique, ce « House of Cards » à la française flirterait dangereusement avec la réalité, jusqu’à évoquer la ressemblance non fortuite entre un des héros du feuilleton et un certain Julien Dray, figure du Parti Socialiste, connu pour son sens de la stratégie et son comportement parfois « borderline ». De fait, le personnage principal, député-maire socialiste, s’inscrit comme un champion de la manœuvre stratégique, dévoré par son engagement et souvent prêt à réinterpréter les règles pour servir son ambition.
Les habitués des cercles politiques ne seront pas surpris par ce portrait. Les plus novices ou les plus naïfs découvriront pour leur part, dans cette série d’un nouveau genre, toutes les manoeuvres auxquelles peuvent se livrer nos hommes politiques pour faire avancer leurs idées, et parfois aussi leur carrière quand les deux ne se mélangent pas. Mais ce qu’ils y apprendront avant tout, c’est le poids des appareils, et à quel point un parcours politique ne peut se construire sans le contrôle d’un parti et de ses hommes. En effet, il semble impossible – et l’histoire nous le prouve à chaque nouvelle élection – d’occuper des fonctions électives importantes sans avoir au préalable été investi par un parti. Aussi, le suffrage universel direct ne s’exerce-t-il finalement qu’auprès de candidats adoubés par leurs pairs. Un homme politique est donc avant tout un homme d’appareil, et le choix des électeurs est largement encadré et influencé.
A titre d’exemple, il suffit de s’intéresser aux prochaines élections présidentielles de 2017. A droite, où des primaires se préparent, et alors même qu’une dizaine de candidats potentiels ont déjà manifesté leur intérêt, le suspens semble se limiter au duel Juppé – Sarkozy. Aucune de ces deux personnalités ne représente pourtant le renouveau ; en revanche chacune dispose de véritables compétences pour tirer les ficelles. Alors pourquoi aller chercher des idées nouvelles pour séduire les Français quand on peut consacrer son énergie à travailler ses réseaux et étendre son cercle d’influence ?
Plus parlant encore, pourquoi notre président sortant, qualifié d’office pour les prochaines élections, vient-il d’opérer un voyage en Polynésie, chéquier à la main ? La version officielle voudrait laisser croire à une volonté de réparation financière des dégâts causés par les expérimentations nucléaires. La version officieuse, quant à elle, penche pour un rapprochement bienvenu avec le député de l’archipel, Edouard Fritch, homme fort des institutions locales et leader d’opinion incontournable auprès des électeurs du territoire. Il n’y a pas qu’à la FIFA que les règles du jeu peuvent être truquées.
0 commentaires