L’audience solennelle du tribunal de commerce de Chambéry, ce lundi 23 janvier, a révélé un polaroïd en clair-obscur de la situation économique savoyarde. Le bilan 2022, moins favorable aux entreprises, n’hypothèque pas pour autant l’année 2023…
En 2022, les procédures de redressement judiciaire en Savoie ont augmenté de 60 % ; 55 % pour les liquidations. Les résolutions de plans de redressement ont littéralement atteint des sommets : +267 % (33 dossiers, contre 9 en 2021). Aussi, le nombre de défaillances collectives a progressé de 62 %, soit 367 dossiers, contre 226 en 2021.
Cette hausse fait écho à la tendance nationale. Selon le président du tribunal de commerce de la Savoie, Denis Loeper, cela s’explique en partie par l’effet boomerang des mesures gouvernementales au début de la pandémie : « Pendant la vague covid, les entreprises ont tellement été aidées que la situation ne s’est pas dégradée sur le moment. »
Des entreprises zombies en sursis
Le procureur, Pierre-Yves Michau, ne mâche pas ses mots : « Quand on songe au nombre d’entreprises zombies qui n’ont survécu que grâce aux aides massives de l’Etat… Il faudra bien un jour rembourser les 150 milliards d’euros de PGE [prêts garantis par l’État) », martelait le magistrat en salle d’audience.
Pour 2023, difficile de se projeter avec certitude : « Le problème aujourd’hui, c’est l’incompréhension qui entoure les prix des matières. Un mois ils augmentent, le mois suivant ils diminuent. Il y a une tension très importante sur le marché de l’approvisionnement. Les entreprises ont beaucoup de mal à intégrer ces variations dans leurs prix, et donc, je crains qu’il y ait des défaillances en plus grand nombre », analyse Denis Loeper.
Pour Marc Beggiora, président de la CCI Savoie, le pire n’est pas certain : « Même si l’on constate une augmentation des défaillances, on est en dessous des années sérieuses de 2016 à 2019. J’essaie d’être très factuel. Les saisons dans les stations de ski se passent très bien. Et vous savez, quand la montagne gagne, cela ruisselle dans la plaine. »
La justice économique évolue…
Deux dispositions légales vont, par ailleurs, changer progressivement les missions des tribunaux de commerce (TC) : l’instruction des défaillances des artisans et la transformation des TC en TAE (tribunaux des activités économiques), qui impliquera, à terme, « le détachement de magistrats de l’ordre judiciaire », explique Denis Loeper.
Il ajoute toutefois un bémol : « Avant que tous ces changements soient effectifs, il va se passer beaucoup de temps et cela ne résoudra pas le problème fondamental de la pénurie de juges. »
En 2022, seuls quinze entrepreneurs savoyards ont été sanctionnés pour des malversations probables, avec interdiction de gérer une entreprise : « C’est peu, commente Marc Beggiora, peut-être qu’avec l’approche des magistrats professionnels, le ratio des fraudes et blanchiments d’argent sera plus élevé… Mais les services du procureur fonctionnent déjà très bien avec les juges consulaires : il y a eu soixante saisines directes et forcées de la part de M. Jean-Yves Michau. »
La menace de l’endettement net des entreprises (85 milliards d’euros contre 27 milliards en 2021) projette son ombre sur l’avenir. Mais Marc Beggiora ne cède rien à la morosité : « Je reste optimiste, parce que toutes les années sont difficiles, et pourtant, elles se terminent plutôt bien. Les entreprises font preuve de résilience et d’agilité. Il faut juste trouver les bons collaborateurs. Où sont-ils passés ? Pôle emploi est le plus gros employeur français… Mais le chômage n’est pas une fin en soi ! »
Les chiffres 2022
Stock d’affaires : 225 (en baisse)
Nouvelles affaires : 310 (370 en 2021)
Recouvrement rapide des créances : 997 injonctions de payer (+45 %)
Plans de sauvegarde/redressement/cession : 28 (contre 70 en 2021)
Créations de sociétés commerciales : 2 570 (+1 %) ; sociétés civiles : 1 104 (-4 %) ; entreprises individuelles : 1 730 (-15 %)
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