Le site uginois de l’aciériste va envoyer une partie de sa chaleur fatale dans le réseau urbain de la ville.
Du haut des cheminées d’Ugitech, elles partent en fumées depuis des décennies. Des bataillons de calories qui narguent les pentes enneigées alentour. À leurs pieds, les Uginois, tout comme l’aciériste, se font livrer des carburants pour chauffer leurs logis et bureaux. Un paradoxe qui, depuis 2015, a provoqué un échauffement cérébral, tant du côté de l’entreprise que de la Ville. Les uns et les autres étant tout à fait “chauds” pour injecter cette chaleur inhérente au process industriel, dite fatale, dans le réseau urbain existant. Plus facile à dire qu’à faire.
UN PROCÉDÉ INÉDIT
« On n’a pas d’autre exemple de ce type dans la région, voire en France », explique Philippe Paradis, en charge de ce dossier chez Ugitech. Le projet est pourtant bel et bien lancé et devrait être terminé à l’automne 2021. À cette date, la moitié des calories aujourd’hui émises sous forme de fumées par les dix fours de traitement thermique approvisionneront le réseau de chaleur urbain. Soit environ 5 000 mégawattheures par an.
« On pourra encore en injecter autant si le réseau grandit », poursuit-il. Une bonne nouvelle pour la Ville, qui disposera alors d’un système ultra-vertueux, alimenté à 98 % d’énergies renouvelables et de récupération contre seulement 77 % aujourd’hui. Une bonne nouvelle aussi pour Ugitech qui compte bien profiter de l’opération pour raccorder ses bâtiments administratifs au réseau et ainsi se passer de ses chaudières au gaz naturel. Une bonne nouvelle encore pour les usagers du réseau, qui devraient bénéficier en conséquence de tarifs à la baisse. Une bonne nouvelle enfin, et surtout, pour l’environnement.
La décision de la Ville d’agrandir son réseau a grandement conditionné ce dessein. « Elle sera obligée de tirer 640 mètres de tuyaux supplémentaires entre l’entrée d’Ugine et Ugitech. Nous avons profité de cette occasion pour étudier l’éventualité d’y valoriser une partie de notre chaleur fatale », indique le responsable. Après examen approfondi des outils industriels générant de la chaleur, le choix s’est porté sur les dix fours de traitement thermique. « L’intérêt est qu’ils fonctionnent 24 heures sur 24 et produisent des fumées à température constante (475 °C), contrairement à nos fours de fusion, par exemple. »
98 % D’ÉNERGIES RENOUVELABLES, C’EST UN SCORE TRÈS ÉLEVÉ.
Philippe Paradis, responsable du projet chez Ugitech
Le principe consistera à capter cette chaleur via un premier échangeur air-eau puis à envoyer l’eau chaude obtenue dans le réseau urbain, après un passage dans un second échangeur de chaleur. Un procédé inédit qui permettra aussi de réduire la température des fumées rejetées à 100 °C. Quelles contreparties, y compris pécuniaires, attend Ugitech en retour ? « Aucune, sinon la possibilité de raccorder nos bâtiments administratifs au réseau. La chaleur fatale sera transférée gratuitement à Ugine. Elle contribue au réchauffement de la planète, il n’aurait pas été moral d’en tirer un profit financier. »
En revanche, les travaux, estimés à 1,7 million d’euros (1,1 million subventions déduites), seront à la charge de la Ville qui en sera l’unique maître d’ouvrage. « Ugitech investira environ 100 000 euros pour le piquage des cheminées et la mise à disposition des énergies (eau et électricité), » conclut Philippe Paradis, fier de « montrer qu’un tel projet est possible ».
Par Sylvie Bollard
Crédit photo à la une : Ugitech / Licence CC BY-SA 3.0
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