Les éléments ont soufflé le chaud et le froid sur l’appellation Bugey, pour le meilleur en qualité et pour le pire en quantité.
Les vendanges dans le Bugey se situent habituellement autour de la mi-septembre. Elles ont commencé cette année avec deux semaines d’avance, dès le 25 août pour les parcelles les plus précoces. Le cru 2017 s’annonce exceptionnel en termes de qualité, mais peu généreux en termes de quantité. « La particularité du millésime est étroitement liée à un début de végétation extrêmement précoce provoqué par des températures très chaudes en avril. Les gelées qui ont suivi à la fin de ce même mois ont alors fait énormément de dégâts sur les exploitations. On avait estimé que deux tiers de l’appellation étaient gelés », explique Éric Angelot, président du syndicat des vins du Bugey qui s’attend à n’avoir que 40 % d’une récolte normale sur l’appellation. Le phénomène est bien sûr assez inégal. Certaines parcelles ont vécu à la fois le gel au printemps et la grêle en été, voyant tomber leur rendement de 80 %. D’autres ont été épargnées et donneront une récolte tout à fait normale.
Pallier les aléas
Très peu d’exploitations viticoles de l’Ain sont assurées contre les pertes de récolte. Mais, la solution n’est pas là, pour Éric Angelot. « Cela ne couvre pas tout et ce n’est pas rentable pour une appellation comme la nôtre, estime-t-il. De même, les aides France Agrimer sont conditionnées à tellement de mises aux normes et à des contrôles tellement draconiens que beaucoup d’exploitants se sont découragés de les demander. Non, la solution, c’est travailler sur plusieurs leviers. L’assurance en est un. Le stockage de jus d’une année sur l’autre en est un autre. À l’exception du Cerdon qui est particulier à vinifier, on peut imaginer constituer progressivement environ six mois de stock pour la vinification des rouges, des blancs et des vins champagnisés. C’est sans doute le meilleur moyen d’anticiper les aléas climatiques. Nous avons également la possibilité de faire des placements défiscalisés en trésorerie, toujours pour pallier ce risque. Cela se pratique beaucoup dans les régions viticoles à plus forte valeur ajoutée. Sur une appellation comme la nôtre, à moins de 10 euros la bouteille, c’est plus compliqué. Et il reste la question des jeunes exploitations qui ne disposent ni de stock de fonctionnement, ni de réserves financières. Mais, avec le niveau de fiscalité auquel sont soumises nos exploitations, on pourrait aussi compter sur un peu de soutien public, surtout pour des événements qui se produisent trois fois par siècle. On n’a en effet connu de gelées d’une telle ampleur qu’en 1945, 1991 et 2017. »
Changement climatique ?
Cette année particulière est-elle un indice de plus du réchauffement climatique ? « Nous avons toujours eu des calamités. La question est de savoir si nous en aurons davantage ou pas. Il est clair qu’une augmentation des masses d’eau pourrait amplifier le risque de gel, relève Éric Angelot. Mais, 2017 restera un millésime particulier. Nous avons des stations météo pour le suivi de la vigne. Celles-ci avaient enregistré, au moment de la récolte, un niveau d’ensoleillement 30 % supérieur à la moyenne des cinq dernières années. D’ailleurs, en plus des dégâts liés au gel ou à la grêle, les appellations du sud de la France souffrent de la sécheresse. Je me suis insurgé contre les propos du ministre de l’Agriculture qui laissaient entendre que nous n’aurions que 18 % de pertes de récoltes à l’échelon national. Nous serons bien au-delà. »
Par Sébastien Jacquart
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