Pour son premier séminaire, le Réseau foncier de l’Ain s’est penché sur les ZAE (zones d’activités économiques), espaces pouvant représenter jusqu’à 25 % des surfaces urbanisées.
Porté sur les fonts baptismaux en septembre dernier, le Réseau foncier de l’Ain (lire ci-dessous) consacrait son premier séminaire, vendredi 9 novembre, aux zones d’activités économiques (ZAE), sous l’angle de l’optimisation et des économies de foncier. « D’après les schémas de cohérence territoriale (Scot) en vigueur, les surfaces dédiées à l’activité économique peuvent représenter de 4 à 25 % de la tâche urbaine et les extensions prévues plus de 40 % des surfaces actuelles, a justifié Ninon Légé, directrice adjointe de la DDT de l’Ain. Si les ZAE sont un facteur d’attractivité pour les territoires, elles ne sont pas toujours planifiées, ne font pas toujours l’objet d’études urbaines, d’études d’équilibre des polarités ou encore d’études d’opportunités. La connaissance de la diversité de l’offre au niveau des bassins de vie, des disponibilités de terrains et du potentiel densifiable s’avère insuffisante, de sorte que l’on se retrouve avec des zones mal situées ou mal gérées, parfois à moitié vides ou en situation de concurrence d’un territoire à l’autre. » Aussi, pour illustrer les optimisations possibles à différents moments de la vie d’une ZAE, trois témoignages se sont succédé au cours de ce séminaire, dont un exemple de planification suisse particulièrement marquant.
Occupation rationnelle
« En Suisse, « une utilisation judicieuse et mesurée du sol et une occupation rationnelle du territoire » sont inscrites à l’article 75 de notre constitution, indiqué Grégory Huguelet-Meystre, aménagiste, géographe et urbaniste du canton de Neuchâtel. C’est une nécessité pour un pays de notre taille, à la topographie particulière, avec nombre de lacs et de montagnes. Notre nation a par ailleurs la préoccupation, depuis la Seconde Guerre mondiale, de garantir son autarcie alimentaire par la préservation de 438 400 hectares agricoles, dont 6 700 sur le canton de Neuchâtel. Cela ne nous laisse que 500 hectares de marge. Vaud et Genève n’en ont plus. Mais quand bien même nous avons de la marge, il existe des conditions strictes à l’utilisation de nouvelles terres. Notre canton est réputé surdimensionné en zones à bâtir. Aussi, nos communes ont dû s’entendre pour les réduire. Nous nous sommes fixés pour objectif 27 000 habitants et 20 000 emplois de plus à l’horizon 2040, tout en réduisant de près de 40 hectares les zones à bâtir, en ajoutant 50 hectares de zones d’activité et en retirant 78 hectares de zones d’habitations. Enfin, la confédération nous impose un système de gestion des ZAE, ce qui constitue un véritable défi : Comment dimensionner une zone sans savoir qui s’y installera ? »
Le canton a donc procédé à une hiérarchisation des pôles de développement économique. Les pôles d’intérêt cantonal, tous à proximité des gares ou des autoroutes, sont réservés à des domaines stratégiques tels que l’informatique, les énergies renouvelables ou l’agroalimentaire. « Pour les pôles régionaux, nous serons plus nuancés. Si la zone est proche d’une gare, on va exiger une plus forte densité d’emplois, poursuit Grégory Huguelet-Meystre. Les zones d’activités locales sont réservées à l’artisanat, au peintre, au marbrier, etc. » Mais toute création de zone nécessite une requalification des friches et une densification, pour une utilisation optimale du sol. Ainsi, les principes d’aménagement supposent une mutualisation des stationnements, lesquels doivent se situer à 80 % en sous-terrain ou être intégrés dans le corps des bâtiments. La congestion du trafic fait partie des critères d’implantation : 50 % de la croissance en habitants et emplois doit se faire à proximité de transports publics cadencés au quart d’heure.
Planification
Pour répondre aux exigences de densification, le canton a procédé à une analyse matricielle des terrains libres, pour étudier leur disponibilité, dans quelle mesure ils répondent aux besoins du marché et correspondent aux réseaux de transport. « Résultat : deux tiers du foncier non bâti est constitué des réserves foncières des entreprises, note Grégory Huguelet-Meystre. Toutes les entreprises qui n’appartiennent pas à des domaines stratégiques ont donc été approchées par les communes, pour savoir si elles pouvaient les restituer, ce qui n’est évidemment pas le cas si elles ont un projet de développement documenté. Si l’intérêt public le justifie, les cantons peuvent imposer un délai de construction ou un droit d’emption. » La création d’une nouvelle zone suppose également au préalable, l’établissement d’un schéma directeur entre les communes et le canton. « Le choix du maître d’ouvrage dépend de la capacité des communes à mener la planification. Cette planification va jusqu’à imaginer les futurs lots », relève le géographe urbaniste. Et celui-ci de conclure : « Les contraintes fédérales nous ont imposé d’être créatifs, de trouver des solutions pour poursuivre notre développement économique. »

La Suisse manque de place pour développer de nouvelles ZAE.
À propos du Réseau foncier de l’Ain
Réunissant le Conseil départemental, l’Établissement public foncier de l’Ain (EPF), la Société d’aménagement foncier et d’établissement rural (Safer) et la Direction départementale des territoires (DDT), le Réseau foncier de l’Ain est une communauté de travail sur les sujets du foncier. Promoteur d’une gestion économe des terrains disponibles, il a pour objectifs de mutualiser et partager des données, des expériences et des méthodes, de développer et produire de la connaissance, d’être un centre de diffusion, de communication et de ressource, notamment via un événement annuel et l’édition de notes de conjonctures, études et autres analyses. Son premier séminaire, le 9 novembre, était organisé de surcroît, en partenariat avec la Chambre de commerce et d’industrie, ainsi qu’avec le Syndicat mixte du Scot Bugey-Côtière-Plaine de l’Ain, désireux d’organiser un événement similaire.
La DDT gère le secrétariat du réseau, organisé autour d’un comité de pilotage et d’un atelier composé des quatre membres et leurs éventuels partenaires.
400
C’est à la fois le nombre d’hectares agricoles perdus chaque année dans l’Ain, au profit de l’urbanisation et le nombre de ZAE que compte le département
570
C’est, en moyenne dans notre département, le nombre de mètres carrés consommés par habitant supplémentaire. L’Ain accueille 7 000 à 8 000 nouvelles âmes, chaque année.
70
La tâche urbaine a augmenté de 70 mètres carrés, dans l’Ain, entre 2003 et 2017, l’équivalent de la partie urbanisée de Paris intra muros.
Les fonctions du foncier
Outre le développement urbain, le foncier a des fonctions productives agricoles et sylvicoles, des fonctions écologiques (filtration, séquestration du carbone, continuité écologique, réservoir de biodiversité…) et des fonctions sociales (tourisme, circuits courts, loisirs, etc.). Sa bonne gestion est la condition du maintien de l’équilibre entre ces différentes fonctions et de la capacité des territoires à rester attractifs, rappelle le Réseau foncier de l’Ain.
Quand les collectivités coopèrent
Du côté des agglomérations de Chambéry et Grand Lac, ou de Bourg-en-Bresse, le développement des ZAE s’envisage à plusieurs.
Une gestion plus fine du foncier passe souvent par la coopération de différents acteurs. À Bourg, la zone Cadran (photo ci-dessus), au carrefour de trois communes et de deux intercommunalités, a été imaginée en partenariat avec la Safer, afin de préserver les terres agricoles. Sur 450 hectares étudiés, 48 ont été retenus dont 9 restent des espaces non urbanisés. Elle a étudié le prix des terrains et aidé les agriculteurs à trouver de nouvelles terres en compensation. Ainsi, 90 % des terrains ont été acquis à l’amiable. Des acquisitions financées par l’EPF de l’Ain. « Tout cela nous a permis d’être opérationnels très vite », a relevé Michel Fontaine vice-président de la Communauté d’agglomération du Bassin de Bourg-en-Bresse, lors du premier séminaire du Réseau Foncier de l’Ain.
En Savoie, le développement économique était comme partout géré par plusieurs structures : le Département, les agglomérations Grand Chambéry et Grand Lac, ainsi que différents syndicats mixtes. « Depuis le 1er juillet 2017, avec Chambéry Grand Lac Économie (CGLE), tous les acteurs s’expriment d’une seule voix », a témoigné son directeur, Régis Dormoy. Les deux agglos — qui financent à parts égales les déficits des ZAE — ont cédé à la structure, chargée d’une mission stratégique d’aménagement foncier pour leurs territoires, la gestion de 24 parcs d’activité économique, ainsi que la création de nouvelles ZAE. Des créations pour lesquelles la voie de la requalification est privilégiée, comme à la Cassine, à Chambéry. Ce projet phare prévoit l’aménagement de 15 hectares, à proximité de la gare, en lieu et place de friches et d’industries anciennes. Pour faciliter ce travail de requalification à l’avenir, les terrains de la ZAC3 de Savoie Technolac ne sont pas vendus, mais font l’objet d’un bail à construire. Ainsi, il ne sera pas nécessaire de les racheter, voire de les préempter, le moment venu. « Aujourd’hui, nous réfléchissons à étendre ce principe aux autres zones », note Régis Dormoy.
Par Sébastien Jacquart
0 commentaires