Le Parquet de Genève veut poursuivre le président du Conseil d’Etat (le chef du gouvernement), Pierre Maudet, dans le cadre de l’affaire du voyage à Abu Dhabi. Un véritable séisme politique au pied du jet d’eau.
Dans un communiqué le Ministère public genevois annonce avoir ouvert une instruction contre Pierre Maudet, président du Conseil d’Etat, et sollicité du Grand Conseil (le parlement) l’autorisation de le poursuivre pour « acceptation d’un avantage (art. 322sexies). »
En cause, un voyage à Abu Dhabi entrepris en 2015 par Pierre Maudet, sa famille et son chef de cabinet pour lequel l’élu PLR (libéral-radical ; centre droit) aurait été entièrement invité. Le coût de l’escapade se chiffrerait, selon les estimations du parquet, à « plusieurs dizaines de milliers de francs » (1 CHF = 0,9 euro), comprenant « les vols en classe affaires et l’hébergement. »
Des explications qui « diffèrent très sensiblement » des preuves recueillies
L’enquête préliminaire du Ministère public a été ouverte en août 2017 mais l’affaire a véritablement atterri dans les médias en mai 2018. Et dans un premier temps Pierre Maudet a affirmé qu’il s’agissait d’un voyage privé payé par un ami puis par l’ami d’un ami, un certain Saïd Bustany. Une version mise à mal par le Parquet dans son communiqué :
« Les éléments de preuve recueillis semblent indiquer que :
– Pierre Maudet, en sa qualité expressément mentionnée de conseiller d’Etat, sa famille et son chef de cabinet ont été formellement invités à Abu Dhabi par le Cheik Mohamed BIN ZAYED AL NAHYAN, prince héritier de l’émirat, pour assister à un grand prix de formule 1.
– La Maison du prince héritier a pris à sa charge le coût des vols en classe affaires et l’hébergement, soit un montant de plusieurs dizaines de milliers de francs. En particulier, le dénommé Saïd BUSTANY n’a joué aucun rôle dans le financement du voyage, sa mention ayant été décidée par les intéressés en 2018, dans le but de dissimuler la véritable source de financement.
– Des personnes et sociétés actives à Genève dans l’immobilier, en contact régulier avec Pierre MAUDET et son chef de cabinet, ont activement pris part à la mise sur pied de ce voyage. »
« Il est fini«
Le président du Conseil d’Etat aurait donc menti. Il va devoir s’expliquer. Dans un communiqué, le Conseil d’Etat indique que Pierre Maudet a demandé « la levé de l’immunité, ce de manière rapide ». Toutefois « le Conseil d’Etat n’entend pas prendre de décision précipitée » dans ce dossier, précise l’institution.
L’autorisation de poursuivre requiert une réunion du Grand Conseil qui pourrait avoir lieu rapidement.
Plus que les faits eux-mêmes (le voyage tous frais payés) et même davantage que ce à quoi ils pourraient être reliés (le conseiller d’Etat aurait pu user d’influence pour permettre l’attribution d’un marché de services au sol à l’aéroport de Genève à une société du Golfe, sachant que la procédure d’attribution est très encadrée), ce sont les mensonges de Pierre Maudet qui risquent de lui coûter cher.
Les médias romand donnent à l’événement la dimension d’une crise majeure, susceptible d’entacher la classe politique dans son ensemble. Et pour l’éditorialiste (et rédacteur en chef historique) de la Tribune de Genève, Pierre Ruetschi, Pierre Maudet est carrément « fini ».
Les faits et accusations dressés par le parquet contre
Pierre #Maudet sont tout simplement sidérants. Ses mensonges sont énormes. Comme a-t-il osé? Il est fini. Je me sens grugé comme beaucoup de Genevois. Du jamais vu à #geneve qui va payer cher cette folie de son "prodige"— Pierre Ruetschi (@pierreruetschi) August 30, 2018
Toutefois, le mensonge en politique – à Genève pas plus qu’en France – n’est pas un délit. E,t en ce qui concerne le volet purement judiciaire, Pierre Maudet demeure pour l’heure présumé innocent.
Mise à jour 6 septembre 2018 – Plus d’informations sur les décisions du Conseil d’Etat concernant le maintien en fonction de Pierre Maudet dans Eco Savoie Mont Blanc du 31 août.
Crédit photos : DR.
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