Selon l’Union sport & cycle, la non-ouverture des domaines skiables a fait perdre un milliard d’euros de chiffre d’affaires aux magasins de sport de montagne et aux fabricants d’équipements de sport. La situation de la filière tout entière est critique.
L’hiver 2020/2021 ?… « Une saison fantôme qui n’a pas commencé alors qu’elle est déjà finie », annonce d’emblée Virgile Caillet, en préambule du webinaire organisé par l’Union sport & cycle (USC) sur les chiffres de l’hiver 2020/2021. Le délégué général de l’USC pointe « une crise qui dure et épuise les dirigeants d’entreprise ». Le bilan est sans appel. Les commerces de montagne, en première ligne, affichent un chiffre d’affaires en chute libre de 73 % depuis le début de l’hiver par rapport à la saison 2018/2019, qui n’avait pas été amputée par la pandémie. Alors que l’économie de la montagne est très dépendante du ski alpin, « la fermeture des remontées mécaniques a mis à mal toute la filière », poursuit le porte parole de l’USC, qui représente 1 200 commerces de sport en montagne (loueurs et commerces d’articles de sport) et les fournisseurs des équipements de sport d’hiver.
« Nous demandons que le modèle de la montagne si singulier soit compris pour les commerces et les industriels parce que la situation est critique», Virgile Caillet, délégué général de l’Union sport & cycle.
Et cette perte vient se cumuler à la perte d’activité de 17 % enregistrée fin mars 2020, lors du premier confinement. « Ce passif inclus, c’est une année de chiffre d’affaires qui a disparu », souligne Julien Gauthier, vice-président de l’USC et directeur développement de Skiset, rappelant qu’en montagne « un commerce de sport, c’est quatre mois d’activité et 12 mois de charges fixes ». Et le dirigeant d’ajouter que le fonds de solidarité mis en place en novembre n’a couvert que 5 % du chiffre d’affaires annuel des magasins… « Il est souhaitable que les 15 à 20 % d’aides promises par le gouvernement arrivent ».
Toujours selon l’Union sport & cycle, une entreprise sur trois est en urgence absolue. À ce jour, 28 % ont consommé plus de la moitié de leur PGE et 31 % ont dépensé plus de la moitié de leurs fonds propres. « Et c’est sans compter l’absence de visibilité avec un fonds de solidarité prolongé mois par mois », termine Julien Gauthier. « De plus, ceux qui ont entamé leur PGE avaient déjà fait des reports de prêts et de loyers », fait remarquer Éric Laboureix, fondateur d’Elprosport à la tête de six magasins de ski à La Plagne.
« Nous voulons de la visibilité »
Le pire est à venir
Du côté des fabricants de ski, la situation n’est guère plus enviable. « D’autant que, comme le rappelle Morgan Redouin, président de la commission Montagne à l’Union sport & cycle et responsable marketing chez Head, 70 % de leur activité est réalisée sur le dernier trimestre, soit déjà un impact de -31 % sur l’hiver 2020/21 versus 2019/2020 ». Et selon les professionnels, le pire est à venir : -70 % attendus en 2021/2022. Les magasins de ski, n’ayant pas ou peu vendu, se retrouvent avec d’importants stocks et limiteront leurs commandes pour l’hiver prochain.
Cette situation ne fait que fragiliser plus encore les entreprises. Bruno Cercley, le pdg du groupe Rossignol, qui possède trois sites industriels en France (dont un en Haute-Savoie), soit 50 % de l’effectif du groupe (1 400 salariés), évoque un désastre industriel : « On ne vit pas une année sans neige mais une année sans activité aucune, alors que nous continuons à innover et à faire des courses avec une énorme montagne devant nous ». Sa perte d’exploitation s’élève à environ 20 millions d’euros sur deux saisons « avec une aide d’à peine 2 à 2,5 millions d’euros de l’État qui n’arrive pas », ne décolère pas le pdg du groupe Rossignol.
Le leader mondial du marché du ski (en France aussi) a vu son chiffre d’affaires tomber de 59,8 millions d’euros à 26,1 millions d’euros en 2020. Avec un prévisionnel en 2022 de 18,3 millions hors textile. « Et je ne parle pas des frais fixes liés à l’activité française qui se montent tout de même à 10,4 millions, après de gros efforts de réduction de nos coûts ». Bruno Cercley n’y va pas par quatre chemins : « La tempête arrive car la réalité est que nous n’aurons pas de commandes de pré-saison ».
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par Patricia Rey
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