Calamités agricoles, les enjeux d’un rejet

par | 01 février 2023

Les agriculteurs de l’Ain n’ont pas obtenu la reconnaissance qu’ils attendaient de la sécheresse de l’été 2022. Une décision qui interroge à l’heure où les exploitations sont censées basculer vers le système assurantiel.

À l’appel des Jeunes agriculteurs et de la Fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles (FDSEA), une soixantaine d’agriculteurs étaient rassemblés, lundi 23 janvier, devant les locaux de la Direction départementale des territoires (DDT) à Bourg, pour manifester leur colère contre la décision du Comité national de gestion des risques en agriculture (CNGRA) concernant la sécheresse 2022. « Nous avions constitué un dossier en demande d’indemnisation des calamités agricoles pour ce qui est admis comme la pire année sèche, pire encore que 1976, explique Gilles Brenon, secrétaire général de la FDSEA. Il s’agissait notamment d’appuyer les exploitations qui ont besoin de fourrage, tout en sachant qu’aucune aide ne pouvait compenser les pertes. Le dossier avait été coconstruit, avec les JA, la DDT, la préfecture… Après analyse d’une trentaine d’exploitations, nous avions établi des taux de pertes de 36 à 47 % selon les territoires, avec un découpage en trois zones. Mais, le comité de gestion a pratiquement rejeté en bloc, tous les taux de pertes. Une zone a même disparu, Plateau-d’Hauteville, pourtant la plus touchée, alors que les exploitants, en AOC Comté, ne sont pas censés acheter de fourrage à l’extérieur de la zone d’appellation. Nous nous sommes donc rassemblés ce lundi, pour manifester notre incompréhension et demander des explications. »

Sur l’ensemble du massif du Bugey, les agriculteurs avaient évalué leurs pertes à 47 % sur prairie et 50 % sur maïs fourrager. Mais, cela n’a pas été reconnu. En Bresse et Dombes, ils obtiennent la reconnaissance d’une perte de 30 %, alors qu’ils demandaient 36 % sur prairie et 38 % sur maïs. Seul le territoire du val de Saône et de la Plaine de l’Ain obtient 40 % quand 42 et 48 % avaient été demandés. « Il est inadmissible que le CNGRA fasse plus confiance à un algorithme qu’à des expertises de terrain », proteste le dossier de presse des agriculteurs.

Mais, l’enjeu va bien au-delà de cette question. C’était la dernière année qu’il était possible de déposer une demande d’indemnisation des calamités agricoles. Une loi du 2 mars 2022 a mis en place un nouveau régime qui vise une meilleure diffusion de l’assurance récolte en agriculture. Mais d’après Adrien Bourliez, président de la FDSEA, l’ancien système continue à servir de référence. « Quel intérêt avons-nous à basculer vers le système assurantiel, si nous n’avons aucune certitude d’être indemnisés », s’est-il interrogé, après avoir été reçu en préfecture, avec le président de la chambre d’agriculture, Michel Joux. Le CNGRA, à vouloir semble-t-il économiser ses fonds, aurait donc fait un bien mauvais calcul.


D’autres revendications

Quitte à manifester, les agriculteurs ont joint à leur mécontentement concernant la reconnaissance en calamité de la sécheresse de l’été 2022, leurs inquiétudes concernant les prix de l’énergie et les négociations avec la grande distribution. « Un amortisseur tarifaire ramenant une partie du prix à 180 €/MWh, un bouclier tarifaire à 280 €/MWh pour les TPE… Le compte n’y est pas. En 2021, les exploitations payaient en moyenne 80 €/MWh », rappellent-ils.

Quant à la loi Egalim et ses correctifs, ils ne suffisent pas non plus, dans les négociations commerciales. « Les grands groupes agroalimentaires ont la capacité de compresser leurs marges. Les petites industries agroalimentaires n’ont pas le choix que de faire passer les hausses des coûts de l’électricité. La concurrence se fera sur le prix à la défaveur de nos industries locales et déstabilisera les filières », craignent-ils.


Sébastien Jacquart

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