Climsnow : « Le scénario le plus défavorable nous dit qu’à la fin du siècle, on aura du mal à faire du ski dans les Alpes »

par | 22 novembre 2022

Carlo Carmagnola est chercheur et chargé d’affaires chez Climsnow, une entité qui évalue localement l’évolution de l’enneigement pour les années et décennies à venir. Un outil précieux pour les acteurs locaux qui vivent de la montagne. Interview.

Qu’est-ce que le programme Climsnow ?

Climsnow n’est pas une entité physique, mais un partenariat entre Météo-France, l’Inrae, Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Laboratoire ÉcoSystèmes et Sociétés En Montagne, Lessem) et Dianeige, cabinet spécialisé dans l’aménagement des stations touristiques de montagne. C’est un outil, qu’on appelle service climatique, qui permet aux stations et aussi aux communes de montagne de se projeter pour connaître les conditions d’enneigement qu’il y aura dans le futur. Nous pouvons nous projeter jusqu’à la fin du siècle.

Comment fonctionne cet outil ?

Carlo Carmagnola est chercheur et chargé d’affaires chez Climsnow.

L’idée est de mettre en place les modèles les plus aboutis qui existent en science de l’atmosphère et de la neige pour répondre à la question de l’enneigement à une certaine échéance en fonction du scénario climatique et des conditions d’exploitation. On mélange ces données et Climsnow essaie d’apporter les réponses en combinant ces éléments.

« Aucun modèle ne nous montre une baisse des températures et on voit bien que l’enneigement va diminuer dans le futur. »

Qu’est-ce qui a motivé sa mise en place ?

Les études ont commencé en 2012. À l’époque, le souhait était de partir des projections climatiques et de les zoomer de plus en plus pour en faire des outils performants à l’échelle d’un domaine skiable. En 2014, un article a marqué le début de cette approche et, à partir de là, il y a eu des thèses qui ont permis d’intégrer les premières versions du modèle. C’est resté au stade de recherche jusqu’en 2017. Il y a eu, à cette date, une première commande du département de l’Isère pour ses 23 stations. Ça a permis de sortir cette méthodologie du laboratoire et d’en faire quelque chose de concret au service des utilisateurs. Comme les résultats étaient intéressants, on les a encore améliorés et on a créé en 2020 Climsnow. L’outil existe depuis maintenant deux ans et on a équipé 130 stations en France.

Quels sont les retours des stations sur son utilisation ?

On a trois manières différentes de l’utiliser. La première, c’est la plus courante. Il s’agit d’appuyer ou de justifier certains types d’exploitation ou d’aménagements : quand on a une extension de neige de culture ou de remontées mécaniques à réaliser, les services de l’État demandent de connaître ce qu’on appelle la visibilité climatique et de savoir où nous serons dans 20 ou 30 ans, car cela correspond au temps d’amortissement des équipements. La deuxième concerne la diversification des activités touristiques. Quand Climsnow montre qu’à partir d’une certaine échéance la neige viendra à manquer, on décide de transiter vers d’autres activités que le ski. L’outil peut alors justifier une transition progressive vers d’autres activités. La dernière est à lier aux acteurs locaux. Posséder un outil neutre et objectif, c’est intéressant pour ces derniers qui disposent d’indicateurs autour desquels il est possible d’échanger.

Qu’est-ce que ces projections vous enseignent ?

C’est très variable et c’est l’intérêt de ces études. Chaque site est différent avec ses spécificités topographiques, ses massifs, ses équipements, ses différences d’exploitation… Pour cette raison, il est difficile de tout mélanger, mais des tendances se dégagent. Aucun modèle ne nous montre une baisse des températures et on voit bien que l’enneigement va diminuer dans le futur. Par exemple, à 1 500 m dans les Alpes du Nord, on pourra perdre entre 10 et 40 % d’enneigement avec un scénario optimiste et jusqu’à 90 % avec un scénario pessimiste à la fin du siècle. Le scénario le plus défavorable nous dit qu’à la fin du siècle, on aura du mal à faire du ski dans les Alpes.

« Quand Climsnow montre qu’à partir d’une certaine échéance la neige viendra à manquer, on décide de transiter vers d’autres activités que le ski. »

Plus d’infos sur : https://www.climsnow.com/



Propos recueillis par Benoit Prato


Cet article est issu de notre Panorama économique des domaines skiables 2022-2023, disponible au format liseuse en ligne ou au format papier.

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