Le canton de Genève dresse le bilan de l’utilisation par l’Ain et la Haute-Savoie de la Compensation financière genevoise.
Comme le rappelle le livre de Claude Barbier et Nicolas Levrat (lire Eco Savoie Mont Blanc du 27 juin 2025, page 27), la Compensation financière genevoise (CFG) a été instaurée en 1973 par un accord signé entre le France (gouvernement) et la Suisse (Conseil fédéral).
Tous les ans, le canton reverse à la France voisine (Ain et Haute-Savoie) l’équivalent de 3,5 % de la masse salariale des frontaliers travaillant à Genève. Un régime très spécifique, même si en vertu d’une convention franco-suisse de 1966 c’est bien dans l’État où l’emploi est exercé qu’est normalement perçu l’impôt.
3,5% d’un côté, 4,5 % de l’autre
Sauf qu’après l’accord de 1973 avec Genève, la France a conclu un autre accord avec les autres cantons romands de Berne, Soleure, Bâle-Ville, Bâle-Campagne, Vaud, Valais, Neuchâtel et Jura. Et cet accord d’avril 1983 prévoit que la France reverse aux cantons non pas 3,5 % mais… 4,5 % de « la masse totale des rémunérations brutes annuelles des travailleurs frontaliers ».
Depuis des années, donc, des voix françaises s’élèvent pour que la « compensation » de Genève, atteigne, elle aussi, 4,5 %. Pour autant ces voix ne hurlent pas : entre la hausse du nombre de frontaliers et l’évolution favorable des salaires et du taux de change, la CFG perçue par les collectivités après conversion en euros a grossi… de plus de 60 % en 10 ans (+ 41 % pour le montant versé en francs suisses par la Confédération) ! C’était 257 M€ en 2016 et plus de 416 M€ en 2025. De quoi mieux “encaisser” cette distorsion du 1 %…
Conformément à l’accord de 1973, tous les ans les préfets de l’Ain et de la Haute-Savoie (car c’est l’État qui est signataire) doivent informer le canton de l’utilisation qu’ils ont faite de leur “cagnotte” : le canton a présenté ce bilan le 28 mai et publié un communiqué les “Éléments détaillés de la répartition de la CFG”, dont sont issus les chiffres qui suivent.
La Savoie exclue ? 4,5 M€ de perdus !
Au passage, il faut remarquer que les deux départements sont les seuls mentionnés dans l’accord de 1973 : à l’époque le phénomène frontalier était moins important en volume et rayonnait moins géographiquement. Ils sont ainsi les seuls à percevoir la CFG.
Pourtant, selon les derniers décomptes (2), plus de 7 % des frontaliers résidant en France et travaillant à Genève n’habitent aucun de ces deux départements. En toute logique, la Savoie et ses plus de 1 300 frontaliers à fin 2023 (sans doute un peu plus aujourd’hui) pourrait aujourd’hui réclamer près de 4,5 M€ du gâteau CFG.
Après chamaillerie entre Haute-Savoie et Ain, le gouvernement français avait, en 2012, fixé à 76,7 % la part de la Haute-Savoie et 23,3 % celle de l’Ain. Un partage toujours en vigueur même si “le 74” n’héberge que 73,7 % des frontaliers français de Genève et l’Ain 19 %. Si bien que sur les 385,6 M€ versés par la Confédération pour 2023-2024 (originellement 372,3 MCHF, car la CFG est bien versée en francs suisses), l’Ain a perçu 89,8 M€ et la Haute-Savoie 295,7 M€.
Dans l’Ain, 45 % pour les « projets structurants »
Qu’en ont-ils fait ? Dans son récapitulatif du 28 mai, le canton rappelle que dans l’Ain, la part reversée aux communes est de 55 % et celle destinée au financement des « projets structurants » est de 45 %.
Les communes qui ont le plus bénéficié de la CFG sont Saint-Genis-Pouilly (5,3 M€), Valserhône (5,2 M€), Ferney-Voltaire (5 M€), Gex (4,9 M€), Prévessin-Moëns (3,8 M€) et Divonne (3,3 M€ ; les autres sont sous le seuil des 3M€).
Quant aux projets structurants, le Pays de Gex en accueille la grosse part (26 M€) dont l’essentiel (16,4 M€ au total) est destiné aux transports, en investissements et fonctionnement. La construction des collèges d’Orne et Péron (4,9 M€ en cumulé) et les Ehpad de Gex, Collonges et Ornex (près de 1 M€ en tout) et les projets d’aménagement à la station des Monts du Jura (montant spécifique non précisé ; le Département a débloqué en mai 2025 plus de 30 M€ pour un plan de diversification) figurent aussi en bonne place.
Le financement des plans pluriannuels d’investissement “infrastructures sportives” (1,1 M€) et “station d’épuration de Valserhône” (1 M€) sont les premiers bénéficiaires de la CFG en Pays Bellegardien (4,7 M€ au total).

« Contributions exceptionnelles » en Haute-Savoie
Côté Haute-Savoie, le Département a fléché 46,6 M€ d’ « affectations directes ». Le soutien aux collectivités pour leurs investissements dans les équipements publics (contrats départementaux avenir et solidarité) recueille 13,1 M€, le fonds “eau et assainissement” 10 M€, le fonctionnement des pompiers (SDIS) 6 M€…
Signe que les temps sont durs y compris dans la “riche” Haute-Savoie, 7 M€ (toujours pris sur les « affectations directes ») sont attribués en « contributions exceptionnelles pour maintenir la capacité d’autofinancement des investissements de certains territoires », à savoir Annemasse Ville, Annemasse Agglo, Thonon, Annecy et Grand Annecy (tous 1 M€) ainsi que… le Département, pour 2 M€.
Pour cette CFG 2024, le Département s’est aussi réservé 37,4 M€ pour alimenter directement son budget général (hors « affectations directes », à présent) et donc « le financement de ses politiques publiques (politique collège, politiques sociales en faveur de l’enfance et des familles, des personnes en situation de handicap ou des personnes âgées) », précise le canton dans son communiqué récapitulatif.
50 M€ pour les infrastructures structurantes, 162 M€ pour les communes et les “interco”
Le Fonds départemental pour les infrastructures structurantes (FDIS), lui est doté de près de 50 M€ (49,8 M€). Avec parmi les principales lignes budgétaires 11,4 M€ pour les collèges et gymnases (constructions et rénovations), 6,7 M€ pour le tramway à Annemasse et ses parkings relais, 4,9 M€ pour la RD 1 508 à l’entrée nord d’Annecy ou encore 1,9 M€ pour le Schéma départemental de développement universitaire et scientifique.
Enfin, il y a la part directement versée aux intercommunalités (EPCI) et aux communes. Pour les premières, c’est presque 25 M€. Avec notamment 6,3 M€ pour Annemasse Agglo, 4,2 M€ pour la Communauté de communes du Genevois, 3,5 M€ pour Thonon Agglomération et 3 M€ pour Grand Annecy.
La part du lion revient bien sûr aux communes, avec 137,1 M€. Les villes qui hébergent les plus de frontaliers et ainsi les mieux dotées sont Annemasse (13,9 M€), Annecy (10 M€), Saint-Julien-en-Genevois (7,4 M€), Gaillard (4,9 M€), Vétraz-Monthoux (3,6 M€), Thonon (3,2 M€) et Viry (3,1 M€ ; toutes les autres sont sous les 3 M€).
(1) La CFG est versée dans le courant du premier semestre. Elle prend en compte “le réalisé” du 2e semestre de l’année précédente (masse salariale effectivement versée) et une projection pour le semestre en cours, avec régularisation l’année suivante pour coller au “réalisé”.
(2) Urssaf – Informations statistiques sur les frontaliers en Suisse affiliés à la sécurité sociale française – Décembre 2024 et Ocstat Genève https://statistique.ge.ch/domaines/03/03_05/tableaux.asp#2
Le communiqué complet de la Chancellerie est à retrouver sur : www.ge.ch/document/elements-detailles-repartition-compensation-financiere-genevoise-relative-aux-frontaliers-cfg-versee-2024
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