Depuis le 15 juin, les frontaliers peuvent de nouveau jouer à saute-frontière. Un retour à la normale qui inquiète déjà les commerçants genevois.
C’est peu dire que l’événement était attendu. Depuis le 15 juin, il est de nouveau possible de circuler librement de part et d’autre de la frontière franco-suisse. Après trois mois de fermeture pour cause de Covid-19, il s’agit d’une véritable libération pour tous les frontaliers. Tous… à l’exception peut-être des commerces helvétiques qui craignent que nombre de Genevois ne résistent pas longtemps à la tentation de retourner faire leurs courses en France voisine, où des prix plus doux leur tendent les bras.
C’est que ce retour à la normale marque aussi, pour les Suisses, la fin de l’interdiction de s’adonner au tourisme d’achat – le fait d’aller faire ses courses de l’autre côté de la frontière – qui était passible d’une amende de 100 francs (majorée à 300 francs en cas de récidive) afin de dissuader les consommateurs de franchir une frontière supposément fermée pour cause de pandémie. Si cette réhabilitation du tourisme d’achat est évidemment attendue avec impatience dans le Genevois français, elle inquiète les commerces suisses dont un certain nombre avait pu tirer profit du confinement : la grande distribution, bien sûr, mais également les producteurs locaux – certains ont constaté une hausse de 30 % de leurs ventes – et les jardineries.
Appel à la solidarité
« Le tourisme d’achat nous inquiète depuis longtemps. Il représente des milliards de francs en Suisse et plus d’un demi-milliard qui part de l’autre côté de la frontière à Genève », indique à la RTS Sophie Dubuis, présidente de la Fédération du commerce genevois et de Genève-Tourisme. Les consommateurs helvètes dépensent en effet 6 milliards de francs à l’étranger chaque année, selon l’Office fédéral de la statistique, soit près de 5 % du chiffre d’affaires total du commerce de détail helvétique. Ce serait près de 2 milliards pour les seuls achats de viande, un produit qui peut être jusqu’à trois fois plus cher en Suisse.
Si elle convient que certains n’ont tout simplement pas les moyens de faire autrement – comme en témoigne l’explosion du recours à l’aide alimentaire dans le canton –, la dirigeante « espère que la situation de ces derniers mois aura un impact chez d’autres consommateurs. C’est essentiel de sensibiliser les gens sur la nécessité d’être solidaires et de se serrer les coudes pour éviter la perte d’emplois en Suisse ».
Alors, faut-il encadrer davantage le tourisme d’achat ? Sophie Dubuis en appelle en tout cas à des mesures politiques, comme un abaissement du plafond de 300 francs jusqu’auquel les achats effectués en France peuvent être importés en franchise de TVA, ou une limitation des importations de vin. Pas sûr que cela suffise à endiguer le retour des consommateurs suisses dans les commerces français.
Par Matthieu Challier
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