La sécheresse de l’été 2022 a déclenché une véritable prise de conscience. Perçue jusque-là comme une ressource peu chère, abondante et inépuisable, l’eau a démontré son importance pour les industries, plus encore dans certaines filières.
« L’enjeu est de faire comprendre l’importance de l’eau pour les entreprises. Elles me disent que ce n’est pas vital. Néanmoins, si je leur dis : Et si demain on ferme le robinet, pourrez-vous poursuivre votre activité ? Pas une ne répond oui ! », constate Yannick Pégaz Blanc, conseiller en développement durable à la chambre de commerce et d’industrie de la Haute-Savoie (CCI 74).
L’épisode de canicule de 2022 a sonné comme une alarme et a conduit l’État, moins d’un an plus tard, à mettre en place un « plan d’action pour une gestion résiliente et concertée de l’eau ».
Très ambitieux en termes de réduction des consommations, ce plan décliné en 53 mesures vise non seulement à préserver la ressource, mais aussi à sécuriser les approvisionnements en toutes circonstances, en priorisant les usages, et à valoriser l’utilisation des eaux conventionnelles, sans négliger les aspects qualitatifs.
« Sobriété et efficacité »
« Des actions ont été menées dans la lignée du plan “eau” du gouvernement, avec des relais régionaux dans le cadre du plan “sobriété efficacité de l’action hydrique des entreprises” », note Bertrand Glaizal, directeur du service “développement des entreprises” à la CCI de l’Ain, en insistant sur la forte implication des chambres de commerce et d’industrie de la région Auvergne-Rhône-Alpes.
Concernant le volet “qualité, et réduction des polluants”, les rejets ont été réduits depuis les années 1990. « Il y a eu beaucoup d’accompagnement sur une impulsion réglementaire, notamment pour les installations classées pour la protection de l’environnement », souligne encore Bertrand Glaizal, qui distingue les deux types d’émissions : celles liées aux processus habituels et les pollutions accidentelles.
Les deux obéissent à des réglementations très strictes pour réduire les émissions à la source et sécuriser les installations. « Il faut raisonner en amont sur les produits qui rentrent, avant de devoir gérer ceux qui sortent », résume le spécialiste de la CCI 01.
La vallée de l’Arve en pointe
En Haute-Savoie, un schéma d’aménagement et de gestion des eaux (Sage) est piloté par le Syndicat mixte d’aménagement de l’Arve et de ses abords (SM3A). Lancé en 1994, celui-ci mène des actions pour préserver l’équilibre entre les usages et les besoins des milieux naturels. Et depuis 2007, le dispositif Arve pure visant à réduire à la source les émissions de polluants – en partenariat avec le SNDec (Syndicat national du décolletage) – a démontré sa pertinence.
« Nous avons anticipé les réglementations de gestion de l’eau et de la pollution, liées aux rejets de déchets industriels, ce qui fait que nous sommes en avance de phase », estime Camille Pasquelin, directrice du SNDec.
« La problématique des rejets industriels, c’est trente ans de mobilisation collective avec des investissements, de la sensibilisation. Nous sommes complètement à l’heure, voire légèrement en avance. La rivière ne présente plus de problème de pollution liée aux métaux et à l’industrie mécanique dans sa globalité. »
Autour de 90 % des entreprises de la vallée de l’Arve sont équipées et l’effort se poursuit pour accompagner les 10 % restants. En Savoie, « la prise en mains n’est pas la même car l’industrie est plus diversifiée », précise Cyrille Girel, responsable du pôle “environnement, qualité, sécurité, prospective” (EQSP) de Grand Chambéry.
L’accompagnement répond moins à une logique de branche appuyée par des organismes professionnels, et davantage à des opérations collectives menées en collaboration avec les chambres consulaires.
Réduire la consommation
En revanche, sur le volet consommation, il reste encore à sensibiliser. « Le prix du mètre cube ne sera jamais assez cher par rapport à l’importance de cette ressource », analyse Yannick Pégaz Blanc, à la CCI 74.
« La tarification de l’eau potable est encadrée par la loi mais dépend des collectivités qui en ont la charge », nuancent les préfectures des Savoie, citant l’exemple d’Annecy ou Chambéry, qui ont mis en place une progressivité, avec un tarif plus élevé au-delà de 200 m3.
« Il faut une approche sous l’angle du risque : Quel est l’impact sur mon activité en cas de restriction ? Et comment je m’adapte ? », estime Yannick Pégaz Blanc, qui préconise deux axes : la nécessité d’une prise de conscience – des épisodes comme celui de l’été 2022 devraient y contribuer – et la mise en place d’indicateurs de mesures.
« Il faut des éléments factuels pour déployer une stratégie adaptée. L’enjeu est de savoir où se situent les consommations, à quelles étapes de l’activité, puis d’identifier les priorités des actions à mener », synthétise-t-il.
Certaines actions nécessitent de petits investissements, comme des économiseurs sur les robinets ; d’autres des investissements et une remise en question des processus plus profonde pour optimiser l’outil de production. Enfin, l’aspect “réutilisation de l’eau sans traitement”, voire la REUT (réutilisation des eaux usées traitées), dont le cadre réglementaire est fixé par l’Union européenne, offrent des réponses adaptées selon les filières.
La règle : préserver la ressource
« De façon générale, y compris en dehors des périodes de sécheresse, en ce qui concerne les installations industrielles classées pour la protection de l’environnement (ICPE), la règle est la limitation au maximum des prélèvements et de la consommation, afin de préserver la ressource et de garantir la résilience de nos installations industrielles », précise-t-on dans les préfectures des Savoie.
« Les usages industriels totalisent en moyenne, en France, 8 % de l’eau douce prélevée [sur un total de 32,8 milliards de mètres cubes, NDLR] », rappelle Camille Pasquelin, directrice du SNDec. La consommation atteint 4 % de 4,1 milliards de mètres cubes. Sachant que certaines filières sont de plus grosses consommatrices, telles que l’agroalimentaire et les industries de transformation de métaux, comme la métallurgie et les fonderies.
La branche mécanicienne consomme moins cette ressource ; l’eau y est utilisée à 80 % comme fluide de refroidissement. Dans la chaîne de valeur de l’usinage-décolletage, le traitement de surface « est un cas particulier, avec une double surveillance sur la qualité et la consommation », pointe la directrice du SNDec.
Ces industries sont concernées par les décrets de restriction d’eau des préfectures lors des épisodes de sécheresse et doivent présenter des plans de consommation d’eau en précisant les débits maximums.
Directive européenne
La directive européenne IED (Industrial Emissions Directive), réactualisée en 2024, relève le niveau de protection de l’environnement et cible davantage de branches industrielles. « Le cadre sécheresse et le plan de sobriété hydrique visent les entreprises qui consomment plus de 1 000 m3 par an du réseau d’eau potable et 7 000 m3 en ressources naturelles », précise Cyrille Girel à Grand Chambéry.
Avec des restrictions graduées selon les niveaux : vigilance, alerte, alerte renforcée et crise, fixés et déclenchés par arrêtés préfectoraux. « Il faut rendre nos entreprises moins vulnérables aux épisodes de sécheresse lorsque la ressource en eau est limitée », conclut Bertrand Glaizal. « Il faut une dynamique partenariale. Une approche cohérente et collégiale. »
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Sandra Molloy
Crédits photo : Curioso Photography, Thomas Werneken, Mike van den Bos, kazuend sur Unsplash
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