Si ma grand-mère disposait d’un ordinateur avec accès internet illimité – comme une grande majorité de Français aujourd’hui – qu’en ferait-elle ?
Se créerait-elle un profil Facebook ? Enverrait-elle des e-mails à ses copines ? Irait-elle consulter ses comptes en ligne ? En profiterait-elle pour effectuer diverses démarches administratives ? Indubitablement, la réponse est non. Ma grand-mère (que j’adore) fait partie intégrante de ce (presque) quart des Français à ne pas se sentir à l’aise avec le numérique. Fin juin, une étude inédite a été rendue publique, commanditée par le syndicat de la presse sociale. L’idée sous-jacente est de mettre en perspective la volonté gouvernementale de rendre les services publics totalement dématérialisés d’ici 2022, et la fracture sociale induite par des difficultés d’appréhension du monde digital et d’internet. Au final, on s’aperçoit que 23 % des personnes interrogées expriment leur embarras en la matière. Loin d’être anecdotique, cette étude met en exergue une « nouvelle » inégalité, touchant un accès normalisé à l’information ou aux démarches administratives. Autre enseignement de cette enquête : 32 % des personnes sondées avouent avoir renoncé à effectuer une recherche, à conduire une requête, un achat ou une démarche sur internet. L’étude les qualifie « d’abandonnistes » et révèle que ceux-ci se retrouvent dans toutes les catégories socio-professionnelles et toutes les tranches d’âge. Dans un autre registre, néanmoins connexe, 7 % de la population adulte française de 18 à 65 ans ayant été scolarisée en France (soit 2 500 000 personnes environ) est en situation d’illettrisme.
« CETTE PUDIQUE DÉCONNEXION D’UNE PARTIE DES FRANÇAIS DEVANT CE QU’ILS IMAGINENT PEUT-ÊTRE COMME UNE ABSCONSE SOLUTION, POURRAIT CONDUIRE À UNE CERTAINE FORME DE MARGINALISATION. »
Alors, face à la dématérialisation de plus en plus prégnante et qui tend à devenir une réalité non plus virtuelle, certains opportunistes ont flairé la bonne affaire. Ainsi, La Poste a d’ores et déjà annoncé sa volonté de diversification de ses activités, le courrier faisant un peu moins recette. Alors, pourquoi ne pas surfer sur la vague de « l’illectronisme » ? Moyennant finances, bien entendu, les facteurs pourront apporter leur concours pour, par exemple, vous aider à remplir votre déclaration d’impôt on line. C’est sûr, La Poste a tout à y gagner. Cette difficulté d’appréhension de l’outil internet interroge également sur d’autres sujets. Cette pudique déconnexion d’une partie des Français devant ce qu’ils imaginent peut-être comme une absconse solution, pourrait conduire à une certaine forme de marginalisation, notamment, encore une fois, face aux enjeux d’une dématérialisation généralisée ou même dans une recherche d’emploi. De très nombreux postes aujourd’hui exigent un minimum de connaissances informatiques et numériques. Par ailleurs, le président du syndicat de la presse sociale va plus loin : en imaginant que demain, les scrutins électoraux puissent se dérouler de manière dématérialisée, il s’interroge sur la pérennité de notre modèle démocratique.
Myriam Denis
Rédactrice en chef
m.denis@eco-ain.fr
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