Il est désormais omniscient, omnipotent, omniprésent dans son pays. L’ensemble des pouvoirs sera concentré entre ses mains, dans une Turquie plus que jamais fracturée, tiraillée et déchirée entre partisans du « oui » et ceux du « non ».
Mais au terme d’une triple conjonction de facteurs (une propagande d’État massive avec 90 % des temps d’antenne dévolus au « oui », l’intimidation des militants contre les pleins pouvoirs qui pourraient lui être confiés – quand ils ne sont pas emprisonnés purement et simplement – et la fermeture de 150 médias), il a réussi. D’une courte tête, malgré l’emploi des grands moyens.
Le chef de l’État (le nom chef n’aura jamais pris autant tout son sens) Recep Tayyip Erdogan a (encore) gagné une bataille. Il vient d’obtenir les pleins pouvoirs et la légitimité qui lui manquait pour laisser libre cours à ses volontés. Ce référendum marque un virage majeur dans l’histoire politique de la Turquie. Erdogan peut désormais nommer et limoger à loisir ses ministres, sans vote de confiance ni censure du Parlement. Budget et justice lui échoient également d’une façon pleine et entière.
Plus de Premier ministre (une source d’économie substantielle ? Une signature autocrate, plutôt). Quelle décision prise dans le pays ne dépendra pas de lui ? Quelques vagues de résistance s’organisent, ce qui n’est pas sans rappeler celles qui ont eu lieu immédiatement après l’élection de Donald Trump. Lequel n’a pas perdu de temps pour féliciter Erdogan sur sa victoire. Même si les États-Unis avaient pris bonne note des inquiétudes exprimées par des observateurs de l’OSCE (Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe), mettant en exergue les « irrégularités » du scrutin. Balayées d’un revers de main, ces inquiétudes !
« ET PENDANT QUE LA LAÏCITÉ SEMBLE RÉPUDIÉE DANS CE PAYS SI PROCHE DE NOUS, NOS ASPIRANTS CANDIDAT(E)S À LA PRÉSIDENTIELLE CONTINUENT LEUR CIRQUE. »
D’autant que le Haut conseil électoral turc a décidé, au tout dernier moment, de considérer comme valides, les bulletins ne comportant pas le tampon du bureau de vote où ils ont été utilisés… La société civile turque sera-t-elle suffisamment forte et organisée pour éviter que le pays ne sombre radicalement dans une véritable dictature ? Car le régime Ergogan ne trouve nulle part de corollaire, dans un pays démocratique.
Pour l’heure, Erdogan a gagné le siège du pouvoir jusqu’en 2029. Il imagine déjà un prochain référendum autour de la peine de mort. Et tourne encore un peu plus, le dos à l’Union européenne. Et pendant que la laïcité semble répudiée dans ce pays si proche de nous, nos aspirants candidat (e) s à la présidentielle continuent leur cirque, euh pardon, leur campagne. À quelques jours de l’échéance électorale caractérisée par une indécision record, ils tentent tous et toute d’abattre leurs dernières cartes, de séduire les indécis, les abstentionnistes, ceux des autres bords… Arguant un projet pour légitimer leur soif de pouvoir. Ah, j’ai la (sans ?) dent dure. Tâchons au moins d’éviter l’autocratie !
Myriam Denis
Rédactrice en chef adjointe
m.denis@eco-ain.fr
0 commentaires