23 millions de Français, et moi et moi et moi… Ou pas. En clair, il y a effectivement un vainqueur des législatives. C’est l’abstention, avec 51,29 % des suffrages non exprimés.
Il s’agit quand même d’un taux record, avec le franchissement de la barre symbolique de la moitié des inscrits sur les listes électorales. Le silence, que l’on peut observer sous le prisme de la résignation ou de la colère, a fait entendre sa voix. Paul Personne le proclamait dans sa chanson Faire semblant : « Le silence qui coupe la parole, c’est bien pire que tous les mots ; le silence en réponse qu’on donne, c’est bien le pire de tous les maux ».
On ne va pas refaire le film. Les dés sont-ils pour autant jetés ? Des sondages tentent d’y voir plus clair : qui sont celles et ceux qui ont trouvé mieux à faire que de faire entendre leur voix ? Car l’abstention ne semble pas être homogène : les jeunes électeurs (moins de 35 ans), les plus de 60 ans, les ouvriers et employés davantage que les cadres ne se sont pas déplacés jusqu’aux urnes. « Les Français boudent indubitablement les bureaux de vote », assènent nos confrères du Monde. Pour autant, on peut douter que la paresse ou un quelconque désintérêt pour la chose publique suffise à expliquer ce désaveu. La déception eu égard à l’action des professionnels de la politique, jugés trop éloignés des préoccupations de terrain et le sentiment que « de toute façon, ça ne changera rien », semblent prédominer. Voilà pour le niveau national. Sous l’angle local, on admirera dans notre département, l’incompétence notoire de l’entreprise chargée d’envoyer les programmes des candidats et qui s’est – il faut bien le dire – complètement plantée. Sur certaines circonscriptions, des candidats ont été purement et simplement passés à la trappe. Pas de chance, ce n’était pas le moment.
« LE SILENCE, QUE L’ON PEUT OBSERVER SOUS LE PRISME DE LA RÉSIGNATION OU DE LA COLÈRE, A FAIT ENTENDRE SA VOIX AVEC L’ABSTENTION.«
Et pourtant, est-on si mal en France ? D’accord, on paie des taxes, beaucoup de taxes (avec le foncier, vous avez le sentiment de payer un loyer à l’État…). Oui, le taux de chômage augmente sans (quasi) discontinuer. Mais vous savez, je ne suis pas sûre que « c’était mieux avant ». Il y a quelque temps, j’ai regardé un (très) ancien sketch de Coluche. Qui disait peu ou prou la même chose qu’aujourd’hui ! En 1980, dans « les hommes politiques », il se moquait déjà largement des fantoches qui nous gouvernaient. Troublant, on aurait pu le transposer à l’heure actuelle en changeant seulement les noms des protagonistes…
Au moins, lui, on ne l’empêchait pas (trop) de s’exprimer. Parce que finalement, ce qui pourrait nous aider à ne pas nous transformer irrémédiablement en gentils et dociles moutons reste l’information (la vraie, pas les trois titres sur Google actu). L’info, c’est le vecteur qui permet de se construire un certain esprit critique. Et il semble que le gouvernement de Macron veille au grain en la matière, en verrouillant soigneusement l’accès à la moindre comm’, ou en n’hésitant pas à passer des brasses aux journalistes les moins élogieux à l’égard du nouveau Président. Voire à leur mettre la pression en « off ». Il faut un début à tout : chut, taisez-vous !
Myriam Denis
Rédactrice en chef adjointe
m.denis@eco-ain.fr
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