L’édito de Myriam Denis : « Train-train quotidien »

par | 12 avril 2018

« Si nous faisons grève, c’est aussi, et même, avant tout, pour les usagers. » C’est cette phrase-là qui m’a le plus interpellée, je crois.

Myriam Denis

En tout cas, c’est cette phrase qui m’a poussée à vouloir me pencher très sérieusement sur le sujet de la énième grève de la SNCF, via différentes sources et différents prismes, du rapport Spinetta aux Décodeurs du Monde, et autres analyses plus ou moins partiales, il faut bien l’admettre. Parce que je vous avoue que ma réaction première à cette phrase a été : les cheminots de la SNCF – endettée à n’en plus finir – bloquent plusieurs jours par semaine pendant des mois les trains pour préserver leur petit pré carré et leurs avantages, encore. Et vont ensuite avoir l’audace de nous expliquer qu’ils empêchent les gens d’aller travailler pour leur bien-être ? Non, naturellement. Ce qui transcende derrière cette idée, c’est la protection bien plus large que les seuls intérêts des cheminots, pour tendre vers une défense ardente et globale des services publics à la française. Sauf que ce sont souvent les mêmes qui manifestent et que peut-être qu’à la longue, ça lasse le voyageur régulièrement pris en otage.

L’image donnée à voir par les médias audiovisuels est régulièrement celle d’usagers résignés, mais pas franchement fâchés contre cette grève. Une bonne façon de montrer au Gouvernement que l’opinion n’est pas défavorable au mouvement. Selon un très récent sondage (même s’il convient de prendre les précautions qui s’imposent à la lecture de ces données), six Français sur dix considèrent pourtant que le mouvement est injustifié.

Sur la Toile, c’est autre chose : les gens (plus libres ? moins censurés ?) s’en donnent globalement à cœur joie avec un son de cloche radicalement différent…

« Cette énième grève de la SNCF entraîne dans son sillage son cortège de conséquences pour l’économie. »

Plusieurs rencontres avec la ministre des Transports ont vu ressortir les chefs de file des différents syndicats ulcérés. Ceux-ci avaient déjà des velléités de durcir le ton quelques jours seulement après le début des « hostilités ». Le mouvement a-t-il débuté trop tôt ? Comment parvenir à mobiliser les troupes sur une si longue période ? Surtout, sans se mettre à dos les usagers des trains qui se trouvent largement pénalisés par ce mouvement, d’autant plus que les jours hors grève, le trafic demeure perturbé du fait de problématiques de maintenance. Sans compter que cette grève entraîne dans son sillage son cortège de conséquences pour l’économie : les entreprises doivent s’organiser avec des gens qui peinent à aller travailler, et des secteurs entiers souffrent, à l’image du fret. Le premier client fret de la SNCF, ArcelorMittal, a d’ores et déjà annoncé avoir renoncé à passer par le rail pour ses productions sidérurgiques. Qui prendront la route, majoritairement, avec un surcoût potentiellement important. La sidérurgie, la chimie, l’automobile ou les producteurs de céréales et de granulats se retrouvent ainsi le bec dans l’eau. Sans oublier que ce type de mouvement précipite chaque jour un peu plus la SNCF dans le mur de la dette. Une dette qui s’élèverait, aujourd’hui, à environ 55 milliards d’euros. Mais qui va payer la note ? La question reste ouverte et entière. Certains syndicats, eux, semblent avoir pris des dispositions pour assurer aux grévistes quelques subsides : qui, avec une forme de don participatif sur la Toile, qui avec une cagnotte déjà constituée.

Ce qui est triste, finalement, c’est que nombre de cheminots ont véritablement la passion du rail chevillée au corps. Qu’ils se sont et continuent à s’investir dans des métiers pas toujours évidents, il faut bien le reconnaître, même s’ils ne sont pas les seuls. En regard, depuis 1947, pas une seule année ne s’est écoulée sans qu’un mouvement de grève n’ait lieu à la SNCF. Un système enregistrant trois milliards d’euros de pertes par an n’a pourtant, à l’évidence même, pas d’autre choix que de se réformer.

Myriam Denis
Rédactrice en chef
m.denis@eco-ain.fr

La grève SNCF vue par Faro

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