« Chaude », « salope », « sexy », « prostituée », etc., etc., etc. Non ! L’Éco de l’Ain n’a pas changé sa ligne éditoriale. Ce vocabulaire fleuri et imagé provient de la thèse primée par l’université de Californie d’Alice H.Wu, future doctorante de la prestigieuse faculté d’Harvard.
Pourquoi ? Mardi 10 octobre n’était pas (uniquement) la journée de grève des fonctionnaires protestant contre la baisse de leur pouvoir d’achat ou celle des effectifs. C’était également le jour du couronnement, tout du moins la remise par l’Académie royale des sciences de Suède, du prix Nobel d’économie à l’américain Richard Thaler. Exit Esther Duflot, française, professeure au Massachusetts Institute of technology. Le Graal revient – une fois de plus – à un homme. Depuis sa création, en 1969, année sympathique, une seule femme a été distinguée. Certains économistes français et de Navarre pointent – depuis quelque temps déjà – une incommensurable misogynie répandue dans ce métier (et tant d’autres) de par le monde. Un univers où le plafond de verre stoppe d’une manière quasi-systématique les femmes dans leur progression professionnelle. Autant de postulats qui ont servi de base de départ à la thèse d’Alice H.Wu. Celle-ci a passé en revue des milliers et des milliers de conversations tenues sur un réseau professionnel bien connu des économistes américains. Et ce sont les termes susmentionnés qui reviennent le plus souvent lorsque le beau sexe est abordé au fil des conversations. Lorsque le vocabulaire s’oriente vers ses homologues masculins, on retrouve en revanche des mots tels que « conseiller », « mathématicien », « buts », « Nobel », « carrière »… Et non « rendez-vous », « but non lucratif », « jolie » ou « secrétaire ». Du côté des chiffres et pour corroborer ces dires, aux États-Unis, 31 % des doctorants en économie sont des femmes, elles représentent 23 % des enseignants-chercheurs. En France, elles comptent pour moitié en premier cycle universitaire, pour atteindre 20 % des professeurs. Et ce ne sont pas les performances intellectuelles ou universitaires qui semblent être en cause.
Ce modèle peut largement être transposable à d’autres secteurs d’activité, naturellement. Dans une vision plus nihiliste du monde qui nous entoure, et en sortant du pur débat idéologique de la condition féminine à travers le monde, je me prends à constater que les inégalités ne semblent pas vouloir céder du terrain.
« Dans une vision plus nihiliste du monde qui nous entoure, je me prends à constater que les inégalités ne semblent pas vouloir céder du terrain. »
C’est en tout cas la perception d’une partie de nos concitoyens. Jusqu’alors, ce (re)sentiment ne s’est que peu traduit, malgré une rentrée sociale que l’on annonçait pour le moins explosive. Mais nos habiles dirigeants avaient dû prendre des notes des interminables empoignades de l’année dernière autour de la loi El Khomri. Des concertations efficaces permirent de désamorcer bien des inquiétudes d’une part, et d’autre part au Gouvernement d’avancer sereinement par voie d’ordonnances sur sa loi Travail. Cependant, certains s’insurgent. Les fonctionnaires, attachés à leurs privilèges et qui imaginaient, s’ils lâchaient du lest, qu’ils bénéficieraient, comme les salariés du privé, d’une prise en compte de leur pouvoir d’achat ; et les élus locaux. Eux ne veulent pas être réduits au rôle de variable d’ajustement budgétaire et crient à l’injustice des mesures. Notre Président, tantôt Jupiter, tantôt Janus aux deux visages, a du mal à inspirer confiance. Une solution : retrousser ses manches et ne compter que sur soi-même. Qu’allons-nous enseigner aux générations futures, pour qui le goût de l’effort ne sera peut-être déjà plus qu’un mythe ? Ma fille – quand tu sauras lire – fais mieux !
Myriam Denis
Rédactrice en chef adjointe
m.denis@eco-ain.fr
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