Électro-intensifs : l’électrochoc des prix

par | 12 novembre 2021

En Savoie, cinq sites sont concernés. Même si une partie de leurs achats sont couverts par des contrats, la flambée des prix de l’énergie inquiète.

On les appelle les “électro- intensifs”. Il s’agit d’entreprises (principalement dans les secteurs de l’acier, l’aluminium ou la chimie) qui consomment énormément d’électricité, celle-ci représentant entre 20 et 40 % de leurs coûts de production. En Savoie, elles se nomment Tokai Carbon, Ferropem, MSSA, Trimet et Ugitech. Face à l’envolée des prix, elles sont de plus en plus inquiètes. Même si, pour le moment, « leurs contrats ne sont pas affectés par le coût de l’énergie, ils le seront à terme », se préoccupe Jean- Patrick Bailhache, secrétaire général de l’UIMM (Union des industries et des métiers de la métallurgie) Savoie.

En France, une partie des approvisionnements de ces industriels se fait par l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique, l’Arenh. Chaque année, le fournisseur historique EDF met sur le marché 100 TWh à un prix fixe. Ce qui ne permet pas de couvrir tous les besoins. Le reste des achats se fait grâce à des contrats de plus ou moins long terme négociés par chacun des “électro-intensifs” avec EDF. Des contrats négociés au cas par cas qui engendrent des stratégies de couvertures différentes selon les entreprises, et dont les termes arrivent plus ou moins rapidement.

Le poids des électro-intensifs en Savoie : 5 sites, 3 000 salariés directs, 1 Md€ de chiffre d’affaires

Conclure des contrats long terme

Face à cette flambée des prix de l’électricité, les industriels électro-intensifs ont deux choix, selon Christophe Coriou, délégué général du Medef Haute-Savoie : « soit répercuter les prix au niveau du client quand cela est possible, soit baisser leur marge. Mais plus elles rognent leur marge, moins elles investissent. »

Pour limiter l’impact de ces variations de prix, une solution fait l’unanimité : revenir à des contrats long terme pour les sites électro-intensifs, car les contrats historiques ont pris fin avec la loi de 2015. Typhanie Degois, députée LREM de la Savoie, plaide pour des contrats « d’au moins trois ans, afin d’avoir des prix fixes », en évoquant la nécessité de maintenir la souveraineté de ces entreprises françaises à vocation stratégique. Pour sa part, Émilie Bonnivard, députée LR de la Savoie, préférerait « des contrats de cinq à dix ans ». Problème : l’accès à un prix stable et accessible de l’énergie relève de la compétence européenne… Le gouvernement n’a pas totalement les mains libres.

Un geste de 150 millions d’euros

Le 2 novembre dernier, le gouvernement a annoncé une avance de compensation des coûts indirects de carbone de 150 M€, destinée aux entreprises très consommatrices d’électricité. Au total, 480 sites industriels devraient en bénéficier, avec un montant d’aide variable selon leur consommation. Les cinq sites de Savoie « devraient a priori être concernés, mais nous attendons d’en savoir plus », conclut Jean-Patrick Bailhache.

Le GIE constitue un levier en faisant baisser la facture globale de ses adhérents, mais il n’a malheureusement pas de “baguette magique” quant à cette hausse des prix.

Bénéficier d’achats mutualisés

En Haute-Savoie, deux groupements d’intérêt économique (GIE) existent et permettent aux entreprises de mutualiser leurs achats de frais généraux et, ainsi, d’améliorer leur compétitivité. Le GIE Val’Essor 74 – émanation du pôle Mont-Blanc Industries – regroupe 60 adhérents de la vallée de l’Arve. Celui de Aujourd’hui 74 rassemble de son côté une trentaine d’adhérents basés dans le bassin annécien. Grâce à eux, les entreprises adhérentes peuvent se joindre à un appel d’offres groupé afin de bénéficier de tarifs négociés, ce qui leur permet, à terme, de sécuriser le prix de l’énergie.

Pour le GIE Val’Essor, « cet accompagnement est intéressant car, lorsqu’une entreprise est en contrat hors année civile, elle ne peut pas bénéficier du mécanisme de l’Arehn. Grâce au groupement, ses entreprises peuvent y prétendre, et elles peuvent également profiter du remboursement partiel de la taxe CSPE [contribution au service public de l’électricité] ». Le GIE constitue un levier en faisant baisser la facture globale de ses adhérents, mais il n’a malheureusement pas de “baguette magique” quant à cette hausse des prix.

Transport : le prix du gasoil bat des records en France

Avec une hausse d’environ 28 % constatée depuis le début de l’année, selon le ministère de la Transition écologique, le prix du carburant flambe. Celui du gasoil n’a jamais été aussi cher en France, avec un prix à la pompe qui atteint 1,563 euro en moyenne. Les premiers concernés par cette hausse sont les transporteurs routiers. Il y a deux familles de transporteurs, selon Sylvain Vandelle, secrétaire général de la Fédération nationale des transports routiers (FNTR) Savoie-Dauphiné : « Ceux qui peuvent répercuter les hausses du carburant grâce à l’indexation gasoil prévue par la loi, et ceux qui ne peuvent pas car ils ont des petits contrats, souvent en sous-traitance. S’ils ne négocient pas correctement leurs tarifs, ils prennent de plein fouet cette hausse. » D’autant que le coût du gasoil représente « la deuxième charge dans une entreprise ».

Megevand Frères prévoit de passer « tous [ses] achats au biogaz », ce qui permettrait à l’entreprise de ne plus dépendre de la fluctuation des prix du carburant et d’améliorer encore son impact environnemental. Frédéric Megevand est convaincu que « le mix énergétique permet d’apporter une stabilité ».

La profession est donc inquiète, même si elle est en partie protégée grâce au remboursement partiel de la taxe intérieure sur la consommation des produits énergétiques (TICPE). Celle-ci est reversée tous les trimestres, ce qui peut toutefois entamer fortement leur trésorerie. À cela s’ajoutent des prix qui s’envolent sur tout ce qui est matériel, comme les pneumatiques. Alors, certains transporteurs ont pris le parti de miser sur d’autres formes d’énergies, comme l’entreprise Megevand Frères (30 salariés, 3,5 M€ de chiffre d’affaires) basée à Sillingy (74), qui a choisi la bicarburation gaz-gasoil. « Nous avons pris le virage de la transition énergétique en 2011, car nous avions vu que les prix du carburant flambaient », explique Frédéric Megevand, directeur commercial et exploitation.

Dès 2015, le transporteur, labellisé par l’Ademe, a investi dans des camions qui roulent au gaz naturel (GNV), alimentés grâce à leur propre station poids lourd. Depuis, 65 % de la flotte de 18 camions fonctionne au GNV. « Mais les prix du gaz ont également doublé, ce qui a engendré un surcoût de 15 000 euros pour le mois de septembre », déplore le dirigeant. Megevand Frères prévoit de passer « tous [ses] achats au biogaz », ce qui permettrait à l’entreprise de ne plus dépendre de la fluctuation des prix du carburant et d’améliorer encore son impact environnemental. Frédéric Megevand est convaincu que « le mix énergétique permet d’apporter une stabilité ».


Alexia Bontron

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