Pour sensibiliser les dirigeants à la gestion financière, l’établissement a imaginé un jeu. Expérimenté en Haute-Savoie, il a fait l’unanimité.
« C’est super ce jeu ! Ca ressemble vraiment à la vie de l’entreprise. A un détail près, quand même : là, le banquier dit toujours oui ! » Adrien Uguet, dirigeant du cabinet d’architectes paysagistes Uguet (Fillinge) et tout nouveau président du CJD Léman, ne tarit pas d’éloges sur le jeu développé par la Banque de France (au niveau national) et testé en avant première lors des Oséades haut-savoyardes, début juin.
Un jeu destiné à familiariser les patrons de TPE et PME avec les principes de base de la gestion et de l’analyse financière. Dans le rôle d’un dirigeant d’entreprise, chaque joueur dispose d’un plateau divisé en deux parties : d’un côté le compte de résultat, avec charges et produits ; de l’autre le bilan, avec l’actif (immobilisation, stocks, créances clients et trésorerie) et le passif (capitaux propres, emprunts, dettes, découvert).
Comprendre le langage et les attentes de son banquier
Tous les joueurs démarrent à égalité. A chaque tour, chacun d’eux pioche une carte qui lui offre une opportunité, dont il connaît le coût et les retombées potentielles (un peu comme pour les terrains et les hôtels au Monopoly) et qu’il peut saisir ou refuser : recrutement, publicité, investissement dans l’outil de production… Il pioche également une carte « événement », qui entraîne un coût, un manque à gagner ou une recette imprévu(e) et plus ou moins conséquent(e). Comme dans la vraie, remporter la partie, c’est-à-dire présenter la meilleure situation financière, est alors un mélange de compétence, de prise de risque et de chance.
« Ce jeu permet de voir rapidement les personnalités de chacun : les fonceurs, ceux qui sont davantage dans la réflexion, les très prudents… Et si l’on joue à plusieurs sur le même plateau, cela permet aussi de se mettre dans la position d’associés et de voir les avantages et les inconvénients de ne pas être tout seul à faire les choix »
Magaly Schleifer,
service « entreprises » de la Banque de France Haute-Savoie
Ludique, le jeu permet de bien rôder les novices aux concepts de base de la gestion financière. Mais il n’est pas seulement à visée pédagogiques théoriques. « Il sert aussi à mieux comprendre le langage des banquiers, expliquent Philippe Azéma et Magaly Schleifer, du service entreprises de la Banque de France Annecy, qui a piloté les tests du jeu en Haute-Savoie. En maîtrisant mieux les concepts financiers, l’entrepreneur est plus à même de comprendre ce que regarde le banquier dans son dossier et ce qu’il en attend. »
Retard dans l’accès au crédit
L’enjeu n’est pas mince car les TPE sont en retard en matière d’accès au crédit : seulement 66% d’entre elles ont accès aux crédits de trésorerie, contre 85% pour les PME et pour le crédit à l’investissement c’est 80% contre 95% indique les statistiques de la Banque de France.
« Il y a des explications objectives : les TPE sont souvent des structures plus récentes et plus fragiles financièrement. Mais il y a aussi une question d’accompagnement et de structuration : faute de DAF (directeur des affaires financières) ou de conseiller spécialisé leur dossier de demande de prêt peut être moins bien présentée, ce qui peut être pénalisant », explique Philippe Azéma, responsable du service « entreprises » à la Banque de France.
Rien d’étonnant alors que la Banque de France, qui cherche en plus à gommer son image d’organisme répressif et inaccessible au profit d’un visage de conseiller au service de l’économie locale, ait mis en place depuis 2016 un réseau de «correspondants TPE» avec des relais dans chaque département.
« Trop de dirigeants s’agacent du comportement de leur banquier, sans essayer de se mettre à sa place : avec ce jeu de la Banque de France, on perçoit mieux ses attentes et, surtout, on prend conscience de l’intérêt de bien communiquer avec lui. Il ne faut pas aller voir son banquier au dernier moment, quand il n’y a plus le choix. Mais au contraire bâtir une relation régulière et de confiance. »
Adrien Uguet, dirigeant d’entreprise (cabinet Uguet architectes paysagistes)
et président du CJD Léman
Commercialisation à la rentrée
Ce jeu devrait être commercialisé en France à partir de l’automne 2018, via une entreprise spécialiste des jeux de plateau. Les premières cibles sont les lieux de formation et de rencontre des dirigeants : écoles et centres de formation, associations patronales, structures de filières, réseaux d’aide à la création… Soit à des fins de formation soit pour animer des événements (le jeu à un vrai côté ludique). Plus largement le grand public ou les structures d’aide sociale (mieux gérer un budget familial) sont aussi visés.
« Ce jeu est très visuel. Au point que j’ai accroché un plateau de jeu au mur de mon bureau, pour pouvoir le regarder souvent ! C’est comme si on avait mis un décodeur entre mon banquier et moi ! »
Adrien Uguet
0 commentaires