Qui sont les archéologues ? Quelle formation ont-ils suivi ? Qui les emploie et pour quelles missions ? Combien sont-ils payés ? Creusement du sujet à l’occasion d’un chantier d’intérêt régional à Metz-Tessy (Haute-Savoie).
Ce ne sont ni des stagiaires, ni des étudiants, ni des bénévoles. Accroupis dans la terre, ils cumulent a minima cinq années d’études après le baccalauréat. Et parfois beaucoup plus. Les archéologues sont des érudits d’histoire, des passionnés du passé et des puits de science.
Leurs bureaux à eux sont les chantiers de fouilles où le confort se résume souvent à une planchette en mousse à caler sous ses genoux ou sous ses fesses. Un parasol pour s’abriter du soleil, un imperméable pour affronter la pluie battante. Et des outils dérisoires : scalpels de dentiste, balayettes, truelles… La minutie est de rigueur, la concentration indispensable. Il s’agit de ne louper aucun détail d’importance. Aucun détail qui pourrait contribuer à enrichir une découverte. Alors ils notent sur leurs carnets, dessinent, mesurent et en tirent, déjà, quelques informations capitales. Si tel os est positionné de cette façon, c’est parce que le défunt a été enterré dans une caisse. Cela, c’est une déduction issue du savoir en taphonomie d’une des spécialistes présentes sur le chantier du cimetière médiéval de Metz-Tessy (lire notre édition du 21 septembre).
1 700 euros nets
Comme elle, une douzaine d’archéologues s’affaire autour de squelettes. Ils sont anthropologues, médiévistes, spécialistes des céramiques, des ensembles religieux, des graines, des périodes protohistoriques, de la géologie… Et triment dans les mêmes conditions que les employés du BTP pour un salaire médian de 1 700 euros nets. Moins qu’un chauffeur de poids lourd dudit BTP. Heureux, déjà, d’avoir un contrat. Un contrat à durée déterminée la plupart du temps, car le volume de travail des entreprises privées d’archéologie n’est pas constant sur l’année et leur visibilité ne dépasse guère les six mois. Du coup, l’archéologie est devenue une « spécialiste de la précarité longue durée« , pour reprendre les termes employés par David Jouneau, l’ingénieur de la société lyonnaise Archeodunum responsable du chantier de Metz-Tessy. « Certains quittent la profession au bout de dix ans faute d’avoir pu signer un CDI« , dit-il. Sur ce seul chantier, deux tiers des intervenants sont en contrat à durée déterminée, ce qui est devenu la moyenne.
Budget minimum
Pourquoi la profession s’est-elle à ce point précarisée ? La responsable serait la loi d’août 2003 sur l’ouverture à la concurrence du marché de l’archéologie préventive. Des sociétés privées peuvent désormais répondre à des appels d’offres lancés par les aménageurs après que l’Etat leur a ordonné des fouilles préventives. « L’Etat définit les objectifs de la fouille, son emprise et les moyens minimum à y consacrer, détaille le responsable. De fait, ces moyens minimum deviennent le maximum que donneront les entreprises. » Les conditions de travail en pâtissent évidemment. Et c’est avec ce budget tiré au plus bas que les archéologues devront mener à bien leur mission, quelles que soient les découvertes, prévues ou non, qu’ils feront.
A Metz-Tessy, où trois surprises inattendues ont émaillé les fouilles, l’équipe fera au mieux avec l’enveloppe allouée, soit 300 000 euros environ. « On a les moyens de fouiller 300 sépultures alors qu’il y en a au moins 1 000. On a dû adapter notre stratégie et nos objectifs. »
En complément :
Lire notre article paru dans Eco Savoie Mont Blanc du 21 septembre (page 42-43) , accessible dans notre liseuse en ligne et en version papier et consacré aux découvertes réalisées sur le site de Metz-Tessy.
C’est un article qui a le mérite d’exister, mais qui n’approfondie pas assez le sujet à mon goût.
Il résume l’archéologie de terrain à un travail de minutie, ce qui est en réalité une toute petite part du travail global, et est même absent de nombreuses fouilles. Nous procédons à coups de pelle et de pioche, sans parasol, nous endurons toutes les températures, toutes les météos, le port de charges lourdes, c’est un travail extrêmement physique qui peut être assez dangereux (et nous ne touchons évidemment pas de prime de risque).
A 25 ans, au sortir des études, nous ferions tout pour mettre un pied dans la profession et accepterions un contrat ridicule, un stage, un service civique… La désillusion est grande lorsque nous comprenons le fonctionnement de ce domaine d’activité en France. A 30 ans, nous sommes psychologiquement usés par des années de CDD cumulés, de périodes de chômage et une précarité extrême. A 40 ans, lorsque nous avons tenu le coup, nous sommes physiquement usés mais continuons à fouiller pour l’amour de notre profession. On compte sur notre passion pour nous imposer ces conditions exécrables… car il y aura toujours quelqu’un pour accepter un contrat, si dérisoire soit-il.
L’article ne parle pas non plus des autres opérateurs d’archéologie préventive. Les employés des entreprises privées sont victimes de cette précarité, mais au même titre que tous les autres archéologues, qu’ils travaillent pour l’INRAP ou pour les collectivités territoriales.
Il est certain que l’ouverture à la concurrence était une très mauvaise initiative qui a transformé l’archéologie en prestation de service monnayable et continuellement marchandée… Ce patrimoine est pourtant notre richesse commune, le travail des archéologues sert toute la communauté. Quelle tristesse !