Les cryptomonnaies connaissent un engouement sans précédent. D’abord utilisées comme moyen de paiement ou d’échange, ces “monnaies” numériques entièrement virtuelles sont devenues des outils de spéculation financière. Face aux produits d’épargne “classiques”, elles s’imposent peu à peu dans l’esprit des investisseurs comme des placements de diversification “respectables”. Vraiment ?

Par Olivier Collin – Perspectives – Gestion privée, cabinet de gestion de patrimoine – Annecy
« La loi Pacte a permis aux assureurs de mettre des crypto-actifs dans les contrats d’assurance-vie. Un signe de légitimité… ou de suivisme ? »
Se racheter une conduite
L’enthousiasme d’Elon Musk aura sans nul doute aidé à propulser le cours du bitcoin au-delà de 60 000 dollars… Stratosphérique ! Il affiche ainsi une hausse impressionnante de plus de 500 % sur un an ! La plus connue des cryptomonnaies vient sans aucun doute de récompenser ceux qui ont été assez courageux (ou inconscients ?) pour avoir investi dans cet actif volatil, à la réputation sulfureuse, longtemps réservé aux traders à haute fréquence, aux geeks, voire à des activités troubles.
Le marché semble aujourd’hui animé tant par des investisseurs institutionnels (grandes entreprises, fonds d’investissement…) que des particuliers arrivant en masse pour participer au bal. Fidelity, l’un des plus grands gestionnaires d’actifs au monde, a lancé un fonds bitcoin pour investisseurs “fortunés”, avec une recommandation d’allocation d’investissement de 5 %.
Citibank, troisième banque américaine, a fait la prédiction audacieuse que les investissements dans le bitcoin pourraient dépasser les 300 millions de dollars d’ici la fin 2021. Semblant de vertu ? Peur “de ne pas en être” ou prédiction autoréalisatrice ? Pure spéculation en tout cas, pour un actif dont la valeur ne tient qu’à une logique de flux, sans aucun fondement économique…

Le loup dans la bergerie
La loi Pacte a permis aux assureurs de mettre des crypto-actifs dans les contrats d’assurance-vie, via des fonds professionnels spécialisés (FPS), sous réserve de respecter les règles de liquidité et de valorisation qui leur sont applicables. Le fait qu’ils aient désormais légalement leur place au sein du placement préféré des Français serait-il un signe de légitimité… ou de suivisme ?
Encore faudra-t-il que les compagnies d’assurances acceptent de proposer à leurs clients ce type d’unité de compte. Rare. Même si le bitcoin a repris du poil de la bête ces derniers mois après des années de fluctuations et d’instabilité, son image ambivalente pourrait rebuter les assureurs attachés à un certain conservatisme, comme les clients “patrimoniaux”. Ce n’est donc pas gagné.
Bercy dans les starting-blocks
Au vu de la valorisation extrême des monnaies virtuelles, de la publicité faite par les médias et de l’état des finances publiques, Bercy n’exemptera pas les heureux gagnants des cryptomonnaies. Depuis le 1er janvier 2019, les gains réalisés à partir d’actifs numériques sont en effet soumis à une taxation spécifique au taux de 30 %*. Une aubaine pour faire rapidement rentrer de l’argent dans les caisses (vides) de l’État…
Cette imposition sera déclenchée en cas d’échange contre une monnaie officielle (ex : bitcoin VS euro) ou l’achat d’un service ou d’un bien en bitcoins (surprise !) … Seuls y échapperont les simples échanges entre cryptomonnaies (ex : bitcoin VS ethereum) ou les plus-values réalisées inférieures à 305 euros par foyer au cours de l’année.
Bercy a tout prévu. Si certains investisseurs peuvent voir, dans ces actifs, un instrument de diversification et investir une fraction de leur portefeuille, il est impératif de prendre en compte les risques liés à leur volatilité extrême et leur caractère spéculatif décorrélé de toute réalité économique. Car, ne rêvez pas, les cryptomonnaies ne sont pas une classe d’actifs comme les autres. Elles sont un terrain de jeu explosif dont nous nous tiendrons consciemment à l’écart…
* Soit : 12.80 % de l’Article 200 C du CGI (à ne pas confondre avec la « flat tax » de l’article 200 A du CGI) + 17,20 % au titre des prélèvements sociaux.
À lire également :
https://or-argent.eu/pourquoi-comparer-bitcoin-avec-lor-est-absurde/
https://or.fr/actualites/heure-retour-actifs-tangibles-pour-investisseurs-2272
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