Martin Fourcade : « Transmettre les valeurs de l’olympisme aux générations futures »

par | 26 août 2022

Le quintuple champion olympique de biathlon aux sept gros globes de cristal, qui réside désormais à Annecy, nous livre ses projets et ses espoirs. Il évoque aussi son Nordic Festival, qu’il organise du 2 au 4 septembre sur le Pâquier, à Annecy. Une reconversion réussie. Interview.

On ne vous présente plus tant votre palmarès est impressionnant après douze ans au plus haut niveau. Quel a été votre parcours ?

J’ai grandi dans les Pyrénées-Orientales, à côté de Font-Romeu, avec mes deux frères (Simon, ex-biathlète, et Brice). Nos parents, amoureux de la nature, nous ont mis très tôt au ski de fond. En 2004, je décide de partir me perfectionner dans le Vercors, à Villard-de-Lans, avant de rejoindre, deux ans plus tard, le pôle France dans le Jura, à Prémanon. Je commence à prendre mon envol international grâce à ma première sélection aux Jeux olympiques de Vancouver, en 2010, et ensuite avec une carrière plus médiatisée que ce qu’elle était jusque-là.

N’est-ce pas compliqué mentalement de raccrocher quand on est au sommet de la gloire ? Vous êtes le biathlète le plus titré de l’histoire…

Cette décision d’arrêter s’est faite naturellement car j’ai eu énormément de chance dans ma carrière d’athlète : j’ai décroché tous les titres dont j’avais pu rêver enfant, vécu une aventure humaine extrêmement forte et ressenti des émotions inouïes en remportant des médailles olympiques. En 2020, après douze ans de pratique, et après avoir sillonné les pistes et participé aux J.O. en Amérique du Nord, en Europe et en Asie, j’étais arrivé au bout de mon parcours de compétiteur. Le moment était venu de partir, en étant toujours fou amoureux de mon sport. J’avais envie d’être plus libre, avec moins de contraintes et de pressions inhérentes au statut d’athlète de haut niveau.

« Moi qui suis très rationnel, là, j’ai suivi mon instinct, écouté mes besoins et mes envies, pris d’autres chemins. Aujourd’hui, je ne regrette rien. »

Vous avez écrit un livre Martin Fourcade, un dernier tour de piste, de quoi parlez-vous ?

J’ai commencé à écrire ce livre à l’automne 2019, six mois avant de mettre fin à ma carrière, sans savoir que j’allais le faire. C’est un peu le journal intime de ma dernière saison, avec ses joies, ses peines et ses interrogations. Une super expérience qui m’a permis de mûrir mon cheminement vers la retraite, de poser les mots, de leur donner tout leur sens, à la manière d’une psychothérapie. J’ai eu un début de saison au top, où j’ai tout donné, jusqu’au plus profond de mes tripes, pour remporter la bataille finale, le gros globe de cristal, après une année 2019 en montagnes russes [ndlr : il finira finalement deuxième, battu de seulement deux points par le Norvégien Johannes Boe]. Je ne pouvais pas rêver d’une ultime saison aussi belle qu’intense pour clore ce chapitre de ma vie.

Vous avez médiatisé et, plus encore, démocratisé le biathlon. Aujourd’hui, combien gagne un biathlète quand il ne s’appelle pas Martin Fourcade ?

J’ai eu la chance énorme de très bien vivre de mon sport. Cela m’a permis de prendre le temps de construire mon futur projet professionnel quand j’ai arrêté, sans être pressé par la nécessité de remplir le frigo, comme c’est le cas de nombreux athlètes. Mes partenaires et sponsors ont toujours été là à mes côtés, et le sont encore. La médiatisation du biathlon a changé du tout au tout entre 2008 et 2020, grâce aux résultats de l’équipe de France. Je ne connais pas les revenus des biathlètes en équipe de France mais nous avons la chance d’être soutenus par des institutions comme les Douanes ou l’Armée [ndlr : Martin appartenait à l’École militaire de haute montagne à Chamonix].
Aujourd’hui, les biathlètes sur le devant de la scène gagnent très bien leur vie, mais c’est plus compliqué pour ceux qui sont en équipe de France B. C’est la dure loi du sport de compétition. J’ai commencé ce sport où il y avait peu d’argent parce que j’étais animé par la passion et soutenu par mes parents qui ont dû faire des sacrifices financiers.

On vous dit cash. Quels sont les sujets qui vous tiennent à cœur ?

Il y a beaucoup de sujets dans lesquels je suis impliqué et qui me font réagir à titre personnel ou professionnel, comme l’impact que nous laissons sur la planète, qui ne peut que nous préoccuper dans le contexte actuel. Je suis également sensible aux générations futures, et notamment à la pratique du sport. C’est pour cette raison que j’organise une journée d’initiation au biathlon dédiée aux enfants sur le Nordic Festival, afin de les ouvrir à cette pratique… Une façon pour moi de redonner et transmettre tout ce que le biathlon m’a apporté.

Parmi les sujets qui vous agacent : le dopage. Pensez-vous que la lutte antidopage dans le biathlon est adaptée ?

Le milieu du biathlon est relativement sain. Comme dans tout sport, il y a eu bien sûr des cas de dopage tout au long de ma carrière autour de moi, et je les ai toujours commentés parce qu’ils m’ont peiné et qu’ils sont contraires à mes convictions profondes. Oui, c’est une vraie problématique. Oui, elle est prise au sérieux par les institutions. Oui, ce sera toujours une épée de Damoclès. Mais, encore une fois, comparativement à d’autres sports et d’autres époques, nous pratiquons un sport sain. À titre personnel, je n’ai jamais eu le sentiment de me faire voler ou d’avoir lutté à armes inégales contre mes concurrents.

Vous avez été élu en février membre de la commission des athlètes au Comité international olympique (CIO), pourquoi vous êtes-vous présenté ?

crédit photo Hervé Thouroude

Le monde de l’olympisme m’a énormément apporté et m’a changé moi-même et aux yeux des autres. Je crois en ses valeurs et en l’importance de les porter pour les générations futures. J’ai envie d’apporter ma pierre à cet édifice que sont les Jeux olympiques et de pouvoir les faire évoluer dans un monde en mutation, parce que les J.O. d’hier ne seront pas ceux de demain. Notre génération doit impulser ce changement positif, et c’est en cela que j’ai souhaité m’impliquer.
De la même manière, je présiderai la commission des athlètes des J.O. de Paris 2024, aidé par une vingtaine d’athlètes en activité ou retraités de sports olympiques, pour que les athlètes d’aujourd’hui puissent vivre cette expérience dans les meilleures conditions. On se sert de notre expérience des J.O. passés pour anticiper au mieux.

Et en quoi consiste votre mission ?

En fait, il s’agit de deux missions en une. La première consiste à être membre du CIO, sorte de conseil d’administration qui vote les grandes directions pour le mouvement olympique de demain, élit le président, choisit les lieux des futurs jeux… Par ailleurs, je suis également membre de la commission des athlètes qui a pour vocation de porter la voix des athlètes au sein de l’institution, de les soutenir en comprenant leurs besoins, de les incarner quand il y a de grandes décisions à prendre, et de veiller à ce que leurs droits soient respectés.

Vous organisez, début septembre, le Martin Fourcade Nordic Festival, qui réunit de grands champions du biathlon… Pourquoi créer un tel événement ?

À travers cet événement, je réalise l’un de mes rêves les plus fous, celui de pouvoir partager les émotions de mon sport avec le plus grand nombre. Avec la volonté de promouvoir le biathlon dans un environnement autre que celui dans lequel il est pratiqué et de placer le sport au cœur de la ville pour aller à la rencontre de ses habitants. Cet événement sur trois jours se veut festif le premier jour, avec un concert de Cali ; sportif sur la deuxième journée, avec des compétitions réunissant quelques-uns des meilleurs mondiaux, qui s’affrontent sur le plus beau pas de tir éphémère qui soit ; et enfin, participatif le dimanche, avec des courses de biathlon pour les enfants le matin et pour les adultes l’après-midi.
C’est aussi l’opportunité de rassembler le monde économique du ski et le public, avec un village des marques et des animations, pour l’essentiel gratuites.

Pourquoi avoir choisi Annecy ? Et aussi de vous y installer ?

Annecy est la ville qui coche toutes les cases : idéalement située au pied des montagnes, avec une vraie fibre sportive et une sensibilité écologique. Le Pâquier, lieu de l’événement, répond aux besoins d’un parcours exigeant pour les biathlètes et, surtout, il est capable d’accueillir plus de 30 000 personnes sur trois jours. À titre personnel, Annecy, c’est aussi l’occasion de prendre un nouveau départ, dans un cadre magnifique, avec ma famille.

Martin Fourcade s’impose sur la mass start de son Nordic Festival à Annecy, en 2019 – crédit photo MFNF/Philippe Millereau, KMSP

Comment cet événement est-il organisé et financé ?

J’ai créé l’événement avec des amis qui sont devenus mes associés. Ils sont aujourd’hui quatre salariés permanents au sein de la structure événementielle Biathlon Expérience. Elle organise le Nordic Festival et propose toute l’année des activités visant à promouvoir le biathlon, notamment lors d’initiations et de séminaires.
Cet événement, dont le budget s’élève à 1,2 million d’euros, est financé par les recettes de la billetterie (environ 3 000 places vendues dans les tribunes), les partenariats et les droits TV… : un modèle économique sain. Le défi est, à chaque édition (c’est la troisième), de parvenir à l’équilibre, pour pouvoir réinvestir dans les prochaines éditions.

Fort de votre succès, envisagez-vous de le développer et, pourquoi pas, de créer un Martin Fourcade Nordic Festival Tour ?

Nous ne souhaitons pas le développer dans ce format car les athlètes – qui me font l’amitié d’y participer pendant leurs entraînements – ont un calendrier très chargé.
Néanmoins, nous réfléchissons à d’autres projets destinés au grand public, qui se dérouleront l’hiver, même si le ski-roues est, selon moi, un des meilleurs moyens de démocratiser le biathlon dans sa version été et de l’amener dans les villes.

Enfin, que devenez-vous, et quels sont vos projets ?

Je mène plusieurs activités de front : mon travail institutionnel au CIO et à Paris 2024, les relations avec mes partenaires [ndlr : Adidas, Rossignol, Somfy, BMW, MGEN…] – auprès desquels j’interviens à la fois pour faire évoluer le matériel et rencontrer leurs équipes –, le tournage de publicités… Parallèlement, et via ma propre société qui gère mes droits à l’image, je donne aussi des conférences et organise des séminaires en entreprise, ce qui m’occupe la majeure partie de mon temps.


Propos recueillis par Patricia Rey

Photo Une Martin Fourcade – MFNF / Philippe Millereau, KMSP


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