Nord-Isère : l’activité économique sourit jaune

par | 22 février 2019

Les mouvements sociaux de la fin d’année ont altéré une activité économique qui connaissait pourtant un début d’éclaircie. Ce qu’en disent les principales organisations patronales du territoire…

À les entendre, ils seraient doublement victimes ! Non seulement, la plupart a subi, comme les Gilets Jaunes le prétendent, une baisse du pouvoir d’achat, jusqu’à aller, elle aussi, investir parfois des ronds-points, mais elle en a également subi les conséquences, à l’image du carnet de commandes qui a fondu comme neige au soleil. À cause du conflit social, l’activité économique a enregistré, ici comme ailleurs, un coup d’arrêt à la fin 2018. Pour Christophe Carron, Président de la « Fédé », association fédérant les principales amicales commerçantes du Nord-Isère (6500 commerces), même si « un bilan chiffré est toujours difficile à établir », celui « moral l’est beaucoup moins ».

« Le commerce de proximité n’avait pas besoin de ça ! Mais, que voulez-vous ! Quand on entend parler de guérilla urbaine ! », confie-t-il. Il se dit d’autant plus « peiné » que la baisse du pouvoir d’achat, les surtaxes sur le carburant, etc., « les petits commerçants ont été les premiers à les dénoncer ». « Ce n’est pas rien, tout de même, que ces valeurs de proximité que nous défendons. Quand la rue bouge, elle aurait toutes les raisons de nous défendre aussi », martèle-t-il !

CPME, CAPEB.., 38

La baisse d’activité n’a pas été réservée qu’au petit commerce, elle a touché de plein fouet les PME-PMI. C’est ce que nous a confié Jérôme Lopez, président de la Confédération des Petites et Moyennes Entreprises de l’Isère, quand il déclare que « l’effet indirect est plus grave », avec « cette perte de confiance ou cette inquiétude toute naturelle ». « Les carnets de commande qui ont baissé et les retards de règlements qui sont plus importants que d’habitude risquent d’aggraver l’état de la trésorerie des entreprises déjà très tendue », déplore-t-il. Les petits artisans, qui ont été parmi les premiers à s’insurger contre les surtaxes sur le carburant, ont été victimes de la double-peine.

C’est d’autant plus dommage que 2017 avait montré un léger mieux. Président de la Capeb 38, Jean-Noël Antoine en tire un constat alarmant : « Nous avons longtemps espéré une réelle reprise, mais l’embellie n’aura duré que le printemps. Quand on regarde à la fin de l’année, on voit que les entreprises n’ont pas réussi à reconstituer leur socle de trésorerie. Les mouvements ont été largement médiatisés et différemment perçus suivant les corps de métiers. Au final, ils ont plus impacté nos clients que l’activité en elle-même mais ils ont, de toute manière, désorganisé l’ensemble et brisé le soupçon de visibilité qu’on avait aperçu.

Et cette visibilité n’est pas là, non plus, en 2019. Pour s’en sortir, il faudra toujours essayer de répondre à la demande, tout en jonglant du mieux que nous le pourrons. Mais quand on n’a pas les reins solides sur le plan de la trésorerie, c’est difficile d’attendre sereinement des beaux jours… ». …U2P, MEDEF.., 38 Christian Rostaing, Maître artisan à Vernioz et président de l’U2P Isère dont la CAPEB 38 fait partie intégrante (lire notre précédent numéro), lui, a observé que « parmi les Gilets jaunes, au début, vous aviez des petites entreprises ! Les surtaxes sur le gasoil, ça les touchait de plus près encore ».

Et de faire remarquer : « Nous, ça fait longtemps qu’on fait remonter régulièrement nos problèmes au gouvernement… ». « Ces entrepreneurs ne font pas de bruit, ils n’alimentent pas les chaînes d’information, mais ils avancent et se battent ! Ils partagent le ras le bol fiscal de nos concitoyens, comprennent les réponses en urgence du gouvernement.., mais attention à ne pas confondre le mal et le remède… », prévient, quant à lui, Philippe Streiff, Président du Medef Isère. Comme on s’y attendait, le constat d’ensemble ne révèle aucune surprise ! Somme toute, une idée !

Celle de voir à l’avenir ces organisations plus unies pour faire entendre leur voix, tandis qu’elles traversent les mêmes difficultés évoquées par nos différents protagonistes. « Que l’on cesse de se faire des guerres de chapelles et, surtout, que l’on avance tous vers un même objectif, tout en prenant en compte notre responsabilité citoyenne ! », conseille sagement Jean-Noël Antoine.

Christophe Carron, président de la Fédé : « Quand la rue bouge, elle aurait toutes les raisons de nous défendre aussi ! »

Vers une convergence des luttes ?

«On ne sait pas du tout où cela peut nous mener. » La phrase de Jean-Luc Raunicher, président régional du Medef, résonne avec encore plus d’acuité aujourd’hui. Elle a pourtant été prononcée avant l’appel à manifester lancé par la CGT pour le 5 février et donc avant qu’Éric Drouet, l’une des figures de proue des Gilets jaunes, n’appelle à son tour à « une grève générale illimitée » à partir de cette même date. Les jaunes qui dépassent les rouges dans la grève : la mobilisation des Gilets a véritablement quelque chose d’historique (à la charnière du XIXe et du XXe siècle les syndicats jaunes avaient, au contraire, été créés par refus d’utiliser ce moyen d’action). Toutefois, au moment où nous écrivons ces lignes, la convergence des luttes est loin d’être acquise. De plus, la porte de l’entreprise franchie, le gilet reste au fond du sac.

« Le mouvement n’affecte pas les relations sociales », confirme Patrick Richiero (CPME 73) qui ne relève pas de hausse des revendications depuis novembre. Christophe Roseren (CFDT 73-74) tient peut-être une partie de l’explication. « 2019 va être l’année de mise en place des nouveaux comités sociaux et économiques [ndlr : les comités d’entreprises revisités par les ordonnances Macron]. Cela veut dire année d’élection dans de nombreuses entreprises. » Affairés à préparer cette échéance clef, les militants hésiteraient à s’engager dans un autre combat ? Deux autres facteurs sont aussi à prendre en compte.

Un, les Gilets jaunes se méfient des partis et des syndicats et des tentatives de récupération. Deux, ces mêmes syndicats sont déroutés par ce mouvement inédit, qui les interroge sur leur mode de fonctionnement et sur la nature de leurs mobilisations. Si le Grand débat parvient à canaliser Vers une convergence des luttes ? la colère des Gilets, les syndicats auront probablement tout le temps de poursuivre l’introspection, dans le calme… Mais dans le cas contraire, la phrase de Jean-Luc Raunicher pourrait bien être encore d’actualité au printemps.


Par Éliséo Mucciante


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