Politique et entreprises : deux mondes antinomiques?

par | 29 mars 2017

Comment la sphère économique peut-elle faire entendre sa voix dans le cadre de la présidentielle qui bat son plein ?

Cette fois ça y est : la course à la présidentielle est lancée, et les candidats s’engagent (enfin) à présenter les mesures phares qu’ils espèrent fécondes pour relancer efficacement la croissance française. Autant de candidats, autant de programmes (ou de projets, le nouveau terme tendance). Mais finalement, est-ce que les entreprises se sentent impliquées, comprises et mêmes, prises en compte dans cette course effrénée vers le pouvoir ? Et comment peuvent-elles tenter de se faire entendre, si ce n’est comprendre, par une élite politique que l’on juge souvent relativement éloignée des préoccupations de terrain ?
« Nous demandons des choses simples: baisse des charges, suppression des seuils, simplification réelle des démarches administratives… Nos hommes (et femmes) politiques se sont-ils posés réellement les bonnes questions », s’interroge Agnès Bertillot, présidente de la CPME de l’Ain. Et de rappeler que la confédération a reçu certains candidats à la présidentielle début mars. « Après avoir exposé leur programme économique et social, ils ont répondu aux questions des chefs d’entreprise, à propos du RSI, de la politique européenne, de la fiscalité, de la réforme des retraites ou du droit du travail, de la simplification des normes, de l’export… Nos 89 propositions sont destinées à leur attention et nous espérons fortement qu’ils sauront s’en inspirer lorsque l’un d’entre eux arrivera au pouvoir. »
Le livre blanc qui regroupe ces propositions s’articule autour de différents thèmes : encourager la prise de risque au lieu de la sanctionner, agir pour un environnement favorable au développement des artisans, TPE et PME, accélérer l’innovation et favoriser un développement responsable des start-up et autres entreprises, et enfin, engager un dialogue social serein et non contraint (une référence à la toute jeune loi El Khomri ?).

Camille Lartisan

La CMA aussi !

Et si les artisans s’invitaient dans le débat de la présidentielle ? C’est l’idée qui a germé au sein du réseau des chambres de métiers et d’artisanat. Faire entendre la voix de l’artisanat via… Camille Lartisan. « A quelques semaines d’échéances électorales clés pour l’avenir du secteur de l’artisanat, le réseau des chambres de métiers se mobilise et soutient la candidature de Camille Lartisan, candidat virtuel mais légitime grâce à ses trois millions de soutiens. Par l’intermédiaire du réseau des CMA, Camille Lartisan prendra la parole et portera haut et fort les propositions du secteur sur tout le territoire », décrit la CMA nationale. Un pied de nez amusant, peut-être utile…

Changer de paradigme

Du côté du Medef, on essaie aussi de porter sa voix aussi haut que possible. La couleur change, mais pas la volonté pugnace d’attirer l’attention des politiques… Le livre bleu du Medef (170 pages de lecture) part du constat de « la France dans un monde qui change », pour tendre ensuite vers les réformes dans le domaine de l’éducation, du modèle économique et social, de la simplification et de la compétitivité. Sur le volet de la simplification, par exemple, le syndicat patronal voudrait moderniser la sphère publique, en fixant pour objectif (ambitieux) d’instaurer un mode de gestion « avec les méthodes des entreprises ». Concernant la compétitivité des entreprises, l’objectif affiché du Medef est clair : elle passera par « une fiscalité simple, compétitive, stable et incitative à l’investissement et au financement ». Mais également par un accès au crédit facilité pour les entreprises. À propos de ces idées de réformes, le patron des patrons, Pierre Gattaz, souligne : « tout doit être questionné, non pas pour faire moins, mais pour faire mieux avec moins, pour repenser notre pays comme on refonde une organisation qui a vieilli mais qui reste performante ».
Certains secteurs d’activité, à l’image de l’UIMM, ont également voulu être entendus. L’Union des industries et des métiers de la métallurgie espère, à travers un livret explicatif « préparer l’industrie de demain », mieux faire comprendre les enjeux auxquels ses entreprises se trouvent confrontées. «Le dynamisme de l’industrie est déterminant pour l’avenir de la France, plaide l’UIMM. Or, l’industrie française décroche et a perdu 820 000 emplois entre 2000 et 2015. » Ce qui détermine encore davantage ce secteur a se faire entendre. Alors, l’UIMM parle d’enjeux: « celui de l’adéquation des compétences aux besoins de l’économie, de la modernisation du marché du travail, de l’efficacité du dialogue social, de l’allégement du coût du travail ». Des messages qui ne semblent pas fondamentalement neufs, à vrai dire. Qui résonnent parfois comme une litanie tant on prend presque l’habitude de les entendre ou les lire. Ce qui peut poser question : tous ces messages seront-ils perçus, et comment ?


Charte PME, un exemple qui fonctionne

Le conseil départemental de l’Ain a pris en compte des problématiques d’entreprises.

C’était il y a un an. Le département et six syndicats et organisations professionnelles locales (BTP Ain, la Capeb, la CPME, la CNATP, le Medef et l’UPA) signaient la charte PME. « Faciliter l’accès des PME à la commande publique est une nécessité. On constate les difficultés et les contraintes qu’elles peuvent être amenées à rencontrer en la matière », considérait alors Damien Abad, député et président du conseil départemental de l’Ain.
Différents points sont prévus dans la charte. Le premier levier consiste à agir au niveau procédural, en veillant tout particulièrement aux offres anormalement basses. De plus, le document préconise de favoriser autant que possible, le recours à la procédure adaptée, jugée plus allégée. La charte vise également une action ciblée au niveau financier, en facilitant, notamment, l’octroi d’avances de trésorerie. Et le Département renouvelle son engagement à maintenir ses délais de paiements à 30 jours. Naturellement, une partie de la charte concerne tout particulièrement la lutte contre la fraude au détachement et la concurrence sociale déloyale, dont on sait combien ce phénomène peut déséquilibrer la réalité économique et porter préjudice en matière sociale. Enfin, pour agir auprès des entreprises, des forums sur les marchés publics devaient être organisés au sein des territoires, conjointement entre le Département et les organisations professionnelles.
Un an après, qu’en est-il ? On constate, chiffres à l’appui, que la proportion d’entreprises de l’Ain à candidater sur ces marchés est en hausse (48% en 2015, 54% en 2016, 65% au second semestre 2016). Quant au montant des marchés attribués, il est passé de 4 549 910 € au premier semestre 2016, à 15 726 720 € au second. D’autres collectivités ou satellites ont décidé de signer cette charte : Le SDIS, le SIEA, et cinq intercommunalités (Haut Bugey, Centre Dombes, Plaine de l’Ain, Bugey Sud, Dombes Saône Vallée). Comme quoi, politiques et entreprises peuvent se comprendre.


Par Myriam Denis

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